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Incendie de Notre-Dame: le feu des questionnements (incorrects) reprend

Des chaînes de mails continuent de circuler, affirmant qu’on nous cache la vérité. Hurler au complotisme n’y change rien, au contraire.


L’intense joie de la réouverture solennelle de la cathédrale passée, voilà que se ravive le foisonnement des interrogations qui, dès les premiers jours, en avril 2019, avait déferlé sur les réseaux sociaux et dans les conversations des dîners en ville. Le sinistre était-il dû à une cause naturelle ou un acte de malveillance, à une action terroriste ?

Or, très vite – trop vite, peut être bien – l’hypothèse d’une intention criminelle devait être officiellement écartée par les autorités. « Les premiers rapports des pompiers et des enquêteurs sur place ont rapidement exclu l’hypothèse d’un acte volontaire » pouvait-on lire dans l’ensemble de la presse les jours suivants. D’ailleurs, l’enquête immédiatement ouverte annonçait la couleur. Elle porterait exclusivement sur la « destruction involontaire par incendie. » Involontaire, on évacuait donc d’emblée du champ des investigations toute intervention humaine malveillante. C’était évidemment aller vite en besogne, cela à un moment où, tout naturellement, on n’avait à fournir aucun argument dûment étayé par les faits pour se permettre de trancher aussi péremptoirement. En règle générale, il n’y pas mieux pour susciter la suspicion que la précipitation qu’on met à chercher à rassurer les populations. On ne sait rien encore de l’évènement, du drame, de ses tenants et aboutissants qu’on exclut délibérément tout un champ possible d’explications. Cela a toujours l’effet inverse à celui recherché, puisque l’affirmation ne peut sembler que gratuite tant qu’on ne dispose pas d’arguments solides, vérifiables capables de la rendre absolument indiscutable. J’ai le souvenir d’un drame sur lequel j’ai beaucoup travaillé : la mort de Pierre Bérégovoy, survenue le 1er mai 1993. Il n’était pas encore admis à l’hôpital de Nevers, aucun examen n’avait donc été pratiqué, aucun acte d’enquête mené, que les dépêches officielles – oui, officielles, Préfecture de la Nièvre, Palais de l’Élysée – affirmaient qu’il ne pouvait s’agir que d’un suicide. Là aussi, la précipitation ne fit évidemment que susciter la défiance.

Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame, il semble bien qu’aucune réponse technique, scientifique, prouvant sans conteste possible la thèse accidentelle n’ait été apportée, réduisant une fois pour toutes à néant le soupçon d’intention criminelle. Et c’est ainsi que, ces deniers jours, refleurissent les mises en doute. Là, encore, une initiative prise dans les débuts n’aura réussi qu’à nourrir le feu latent : les sceptiques, les non convaincus par la « vérité » imposée se virent exclus des réseaux sociaux. Initiative maladroite et surtout stupide. Aujourd’hui, donc, les réserves émises alors refont surface, provenant souvent, reconnaissons-le, de personnes ayant une certaine expérience, soit de ces chantiers d’exception, des réglementations rigoureuses, voire tatillonnes, qui les régissent, ou encore disposant d’une expertise des incendies proprement dits, leur apparition, leur propagation, leur aspect selon les matériaux concernés.

Bien entendu, pour circonstanciées, argumentées qu’elles soient ces mises en  cause ne constituent en aucune façon une preuve suffisante. Loin de là. Et pour ma part, je me garde bien de donner dans cette précipitation à conclure que je me permettais précisément de reprocher aux autorités dans leurs affirmations des premières heures. Il me semble seulement que, devant cet incendie, ce désastre, relevant de notre histoire au sein de laquelle il tiendra à jamais une place considérable, on ne peut pas – et on ne doit pas – clore si tôt et surtout avec une telle apparence de légèreté, la recherche de la vérité. Enfin, de grâce, qu’on n’aille pas se défausser en hurlant au complotisme. Car jamais aucune question, si dérangeante, si iconoclaste soit-elle ne saurait être reléguée sans examen dans cette poubelle-là. Jamais. Les réponses sont parfois de ce tonneau-là. Jamais aucune question. Toutes doivent avoir droit de cité, ne serait-ce que par esprit de méthode.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Politiquement show

En Grande Bretagne, la téléréalité est devenue une stratégie politique comme une autre. Les exemples qui suivent interrogent la réserve des figures françaises à mêler vie publique et mise en scène personnelle.


À l’exception de Jean Lassalle, qui a participé en 2023 à l’émission « Les traîtres » sur M6, et de François Ruffin, qui vient de sortir au cinéma un film, Au boulot1, dans lequel il se met en scène dans son quotidien, le personnel politique français n’aime guère communiquer en dehors du cadre classique des estrades et des interviews.

Au Royaume-Uni en revanche, il n’est pas rare qu’une figure prometteuse de Westminster choisisse d’apparaître dans un programme de téléréalité. En 2022, le patron de Reform UK, Nigel Farage, a ainsi concouru à l’émission « Je suis une célébrité, sortez-moi de là ! » sur ITV. La même année, on a pu voir la conservatrice Penny Mordaunt, ancienne leader de la Chambre des communes, s’exhiber en maillot de bain dans « Splash », toujours sur ITV, tandis qu’en 2016, c’est la BBC qui embauchait un ex-ministre du Trésor, le travailliste Ed Balls, dans la version britannique de « Danse avec les stars ». Pourquoi se livrer à de telles pitreries ?

Sans doute parce que l’exercice a plutôt réussi à Donald Trump, lui-même ancien animateur du show « The Apprentice » sur NBC entre 2008 et 2015. Sauf que le nouveau président américain ne s’est pas servi de la télévision pour « faire peuple ». Au contraire, son émission, véritable hymne à l’argent, lui a permis de montrer qui il était vraiment : un milliardaire décomplexé. Une rare franchise qui plaît manifestement à ses partisans.

En Angleterre, celui qui a peut-être le mieux compris cela s’appelle Jacob Rees-Mogg. Pour revenir en selle après une cruelle défaite aux dernières élections, cet ex-ministre des Opportunités du Brexit dans le gouvernement de Boris Johnson, pur produit de l’establishment britannique, père de six enfants, est depuis le 2 décembre le héros d’une série diffusée sur la plateforme Discovery +, dans laquelle on le voit assumer pleinement sa vie de château et ses convictions de catho tradi. Une émission qui frôle souvent la caricature, notamment dans une séquence où une femme de chambre montre comment elle repasse les mouchoirs de poche du maître de maison. Surprise, si, sur les réseaux sociaux, certains téléspectateurs sont moqueurs, d’autres applaudissent l’élégance très « Downton Abbey » de Rees-Mogg !

Reste dès lors une question : avec son goût des voitures polluantes et sa légendaire collection de costumes sur mesure, François Fillon ne regagnerait-il pas le cœur des Français en ouvrant aux caméras les portes de son manoir dans la Sarthe ?


  1. Lire https://www.causeur.fr/au-boulot-francois-ruffin-294537 ↩︎

Damas année zéro

L’effondrement si rapide du régime syrien s’explique par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre : écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Ces alliés de l’Iran garantissaient la survie de Bachar al-Assad. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État.


À Khan Younès, dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, les caméras de surveillance installées par le Hamas captent des images de Yahya Sinwar, chef de la milice islamiste palestinienne dans la bande de Gaza. Ce sont les dernières de lui vivantes. Accompagné de sa femme et de ses enfants, chargé de plusieurs sacs, il s’engouffre dans un complexe de tunnels situé dans le secteur de Khan Younès. Sur ces images, récupérées par l’armée israélienne (IDF, Israel Defence Forces) quelques semaines plus tard et diffusées plus d’un an après, on voit un homme qui se prépare à la déflagration qu’il a imaginée et orchestrée. Dans son esprit, l’attentat-suicide collectif sera l’étincelle qui embrasera la région et submergera Israël. Il aurait dû méditer l’expression anglaise « be careful what you wish for » (« méfie-toi de tes rêves »). Tué par Tsahal un an et une semaine plus tard, Sinwar ne verra pas toutes les conséquences de son œuvre macabre. On regrette presque qu’il n’ait pas assisté à la déconfiture progressive (et chèrement payée par Israël et les Palestiniens) de l’axe de la Résistance. En revanche, le destin de Bachar Al-Assad, l’homme qui a massacré les Palestiniens du camp de Yarmouk (sans émouvoir notre islamo-gauche), ne lui aurait pas arraché une larme.

Assad dépassé par la crise régionale

Quand les nouvelles du 7-Octobre arrivent à Damas, le président syrien a d’autres problèmes en tête. Deux jours plus tôt, son régime a lui aussi été touché en plein cœur. À 140 kilomètres au nord de la capitale syrienne, 129 personnes ont été tuées par la guérilla. Une attaque aux drones, lancée par les rebelles de la région d’Idlib, a frappé une cérémonie de remise de diplômes à l’académie militaire locale de Homs. Il s’agit de la plus ancienne et de la plus prestigieuse école de guerre du pays. Le père du chef de l’État, Hafez Al-Assad, y a été formé. Après treize ans de guerre civile, son fils, fort du soutien russe et iranien, pensait son régime à l’abri. Il sait qu’il est de nouveau menacé. Toutefois, personne ne devine alors que les événements terribles du sud d’Israël inaugurent l’engrenage qui aboutira à sa chute. Comme toujours, les hommes ignorent l’Histoire qu’ils font. Aujourd’hui, quand on remonte le fil, on comprend que si le 7-Octobre n’avait pas rebattu totalement les cartes politiques et militaires au Proche-Orient, on n’aurait pas vécu, en novembre-décembre 2024, ces onze jours qui ont ébranlé la Syrie – et la région.

En octobre 2023, comme en octobre 1973, Israël était à la fois omniscient et aveugle. Il connaissait les capacités de ses ennemis, mais s’est complètement fourvoyé sur ses intentions. Désormais, l’État hébreu ne cherche plus à deviner ce que ses ennemis ont en tête, mais à les priver des capacités de lui nuire. Principe de précaution.

Après le 7-Octobre, Bachar Al-Assad change de statut aux yeux d’Israël : d’ennemi acceptable, car stable et fiable, il devient un problème. Dès lors qu’Israël ne cherche plus à établir un équilibre de dissuasion avec le Hezbollah, mais à détruire cette force militaire et politique hégémonique au Liban, Assad est un obstacle : son territoire est une pièce essentielle de l’axe Téhéran-Beyrouth. Autrement dit, pour asphyxier le Hezbollah, il faut se débarrasser du tyran de Damas. Et Assad semnle l’avoir compris. Alors que le Hezbollah entre en guerre dès le 8 octobre, Assad se garde de toute implication militaire directe. Sa priorité, c’est la survie du régime, donc la sécurité intérieure.

En réalité, son destin est entre les mains de Yahya Sinwar et d’Hassan Nasrallah. En prolongeant la guerre, Sinwar a mis le Hezbollah (qui s’est engagé à combattre tant que le Hamas n’accepterait pas un cessez-le-feu) en grande difficulté. Israël frappe sans relâche les infrastructures et dépôts d’armes de l’Iran et du Hezbollah ainsi que leurs installations logistiques et voies de communication en Syrie. Et de temps en temps, les moyens syriens aussi, notamment les systèmes de défense aériens. L’Iran lui-même est directement visé et, pour la première fois, riposte directement contre Israël. Le leader syrien se retrouve au milieu d’une crise régionale qui le dépasse. L’assassinat de Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024, marque le début de l’acte final du drame.

Quarante-huit heures après, Israël bombarde des propriétés appartenant à Maher el-Assad, frère du président et commandant de la Quatrième Division d’élite, garde prétorienne du régime. Le message est limpide. Dans les semaines qui suivent, Assad assiste, impuissant, à la destruction du Hezbollah par les forces israéliennes. Fin octobre, il est sans doute informé par son armée en temps réel, quand la chasse israélienne survole son territoire en direction de l’Iran. Le 26 novembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce qu’il va soumettre à l’approbation du cabinet un accord de cessez-le-feu avec le Liban. Et il précise qu’en aidant le Hezbollah et l’Iran, Assad jouerait avec le feu.

Le soir même, le gouvernement libanais accepte le cessez-le-feu, dont les termes entérinent la défaite de la milice chiite, décapitée et épuisée par deux mois de guerre. Pour l’opposition armée syrienne, c’est un tournant décisif : le moment est venu de sortir de l’enclave où ses combattants sont enfermés depuis leur défaite, en 2016-2017, et de lancer l’assaut.

Alignement des astres

Le choix du moment ne s’explique pas seulement par la quasi-disparition du pouvoir de nuisance du Hezbollah, soutien stratégique du régime syrien, mais aussi par la vulnérabilité croissante de l’Iran, frappé directement par l’ennemi sioniste. Israël n’a plus d’intérêt au maintien d’Assad et la Turquie, après avoir tenté de renouer avec lui et s’être heurtée à une fin de non-recevoir, s’est résolue à voir ses proxys syriens recourir à la force. Si on ajoute que les États-Unis sont en fin de règne et la Russie embourbée en Ukraine, l’alignement des astres est quasi parfait.

L’opposition armée, concentrée dans la région d’Idlib, repose sur deux forces principales : l’Armée syrienne libre (ASL), une milice financée et soutenue par la Turquie, et Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), une fédération de groupes djihadistes issus principalement d’Al-Qaïda et de Daech. Un troisième acteur, qui joue un rôle important, est constitué par les groupes armés de Deraa, le berceau de la révolution syrienne.

Le HTC est dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, nom de guerre d’Ahmed Hussein Al-Chara, qui s’est imposé comme le chef et la figure de proue de cette coalition disparate. Il s’est vite révélé comme l’atout principal des rebelles.

Né en 1982 à Riyad dans une famille originaire du Golan, il a grandi à Damas avant de rejoindre en 2003 l’insurrection contre les forces américaines en Irak, où il s’est rapproché d’Al-Qaïda, avant d’être emprisonné pendant plusieurs années. En 2011, il revient en Syrie pour fonder Jabhat Al-Nosra, branche locale d’Al-Qaïda, qui sera l’une des principales forces en guerre contre le régime d’Assad. Toutefois, sa rupture avec l’État islamique en 2013 et avec Al-Qaïda en 2016 pour fonder HTC traduit son pragmatisme stratégique. Al-Joulani est plus qu’un fin politique. Dès 2014, il s’emploie à ajouter une corde à son arc de chef de guerre en construisant une alternative institutionnelle crédible et attractive à l’État des Assad. En parallèle, il instaure des tribunaux islamiques chargés d’appliquer une version stricte de la charia. Cet exemple des tribunaux islamiques montre les dynamiques complexes de la gouvernance dans les zones de conflit. La population les accepte largement moins par sentiment religieux que parce qu’ils pallient l’effondrement des institutions étatiques pendant la guerre civile. Mais il y a aussi, évidemment, la coercition et la peur de déplaire aux nouveaux maîtres. Légitimité d’un côté, autoritarisme de l’autre, ce sont les deux faces de la médaille Joulani. Et si les médias français, soucieux de ne plus se faire avoir, ont déjà décidé que le gars était infréquentable à vie, nul ne sait en réalité de quel côté la pièce tombera.

À partir de 2017, Al-Joulani parvient à établir une administration embryonnaire à Idlib, un mini-État financé par des taxes, des droits de douane et le commerce illégal, tout en s’adaptant aux réalités locales. Il assouplit l’application de la charia et prend ses distances avec le djihad mondial, comme en témoigne son entretien de juin 2023 avec Wassim Nasr, de France 24. C’est ainsi que, lorsque les rebelles se lancent à la reconquête d’Alep le 27 novembre 2024, ils disposent non seulement de capacités militaires non négligeables, mais également de ce qui a toujours manqué aux anti-Assad : un leadership crédible, une opposition organisée capable de gouverner des populations et des territoires, et surtout une légitimité qui ne repose pas uniquement sur la pointe de la baïonnette.

L’homme qui insiste désormais pour être appelé Ahmad Al-Chara, le nom que lui ont donné ses parents, et non plus par son nom de guerre (Al-Joulani), suit une voie tracée depuis au moins une décennie. Opportuniste plus que vraiment modéré, Al-Chara est un ex-djihadiste, mais il est toujours islamiste. S’il a rompu avec Al-Qaïda et Daech, sa société idéale ressemble à l’Iran, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie plutôt qu’à Dubaï ou à la Syrie des Assad – et ne parlons pas de l’Europe dépravée –, où politique et religieux sont inséparables. L’un de ses proches conseillers a même salué le modèle politique des talibans. Bref, il ne rêve pas de la laïcité la nuit. À ses yeux, l’islam sunnite version Frères musulmans constitue le meilleur programme politique possible. En même temps, il sait que la Syrie a besoin d’un État et que cet État sera celui de tous ses citoyens ou ne sera pas. Au final, il s’inscrira plus volontiers dans les traces d’un Erdogan que dans celles de Mustapha Kemal. On verra quelle dose de démocratie réelle son gouvernement admettra.

Pour l’instant, il a d’autres priorités que la vertu des Syriennes. La Syrie est aujourd’hui divisée en cinq parties. La bande côtière avec ses trois ports, ses bases russes et sa large population alaouite ; la bande allant d’Idlib et Alep au nord jusqu’au sud de Damas dominé par les sunnites, jadis la « Syrie utile » contrôlée par Assad et désormais sous contrôle de Chara et d’HTC ; l’est du pays et la rive gauche de l’Euphrate (30 % du territoire syrien) dominés par les Kurdes ; une bande le long de la frontière nord de la Syrie sous occupation turque (à l’exception de la région de Kobané, contrôlée par les Kurdes et âprement disputée aujourd’hui) ; et enfin une région autonome de facto, à proximité des frontières israélienne et jordanienne, contrôlée par des forces locales en étroite coopération avec HTC. La rupture entre les Kurdes et le reste du pays est difficilement réversible, malgré l’intervention turque en cours, ce qui rend probable une solution à l’irakienne – un État kurde qui ne s’appelle pas État. La nature de la présence russe reste à préciser, mais la Turquie va essayer de maintenir la sienne dans les régions qu’elle contrôle déjà. Elle jouera un rôle décisif dans la reconstruction et plus largement dans l’économie syrienne, notamment grâce aux Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie. Israël veillera à ce que la Syrie quitte définitivement et totalement l’alliance iranienne et cesse de soutenir les Palestiniens radicaux, en exerçant un contrôle – avec ou sans présence permanente – sur les régions frontalières et leurs populations. C’est dire si l’État syrien sera placé sous surveillances et sous pressions de toutes sortes. Alors qu’ils sont dépourvus de ressources financières – quatorze ans de guerre civile et le pillage méthodique perpétré par le clan Assad ayant vidé les caisses –, et incapables de se défendre contre des armées – faute de marine, d’aviation et d’armes lourdes – Chara et ses alliés politiques ne peuvent que jouer entre ces différents acteurs – et les uns contre les autres – pour tenter de s’ouvrir une marge de manœuvre. Aussi dramatiques et inattendus qu’ils soient, ces derniers événements ne sont pas les derniers soubresauts que vit le Moyen Orient. Après Gaza, Beyrouth et Damas, tous les yeux sont désormais rivés sur Téhéran.

Lutte contre le narcotrafic: impossible est français !

Avocats et magistrats accueillent malheureusement avec beaucoup de réserves l’idée d’isoler les « narcos » qui sèment la mort et engrangent des profits depuis leur lieu de détention


Impossible n’est pas français : cette citation est prêtée à Napoléon.

J’admets qu’en certaines circonstances dramatiques elle a pu se vérifier. Par exemple, pour Notre-Dame de Paris restaurée magnifiquement en cinq ans alors que personne, sauf le président de la République, n’y croyait. J’espère qu’il en sera de même pour Mayotte dont le Premier ministre s’est engagé à la sortir du marasme en deux ans.

Malgré les quelques réussites exceptionnelles qui démontrent la lucidité napoléonienne, que de péripéties politiques ou sociales qui, au contraire, valident cette impression qu’impossible est français…

Ces derniers jours j’ai été frappé par le volontarisme du garde des Sceaux et les mesures que Gérald Darmanin projette, notamment à l’encontre des narco-trafiquants. Il souhaiterait « placer les profils à risque dans des conditions de détention drastiques », dans un état d’isolement comparable à celui des détenus terroristes qui n’ont jamais pu, eux, d’où ils étaient, inspirer et organiser des massacres. Le ministre aspirerait à un régime strictement identique pour les premiers.

Savoir et déplorer

Le constat qu’il a fait, révélant que trop souvent des « narcos » d’envergure avaient commandité des trafics et des assassinats de l’intérieur de la prison, était, avant sa nomination place Vendôme, partagé par beaucoup. Les professionnels de la police, de la justice et de l’univers pénitentiaire en prenaient acte mais rien de plus : c’était comme cela, un scandale, mais il n’y avait rien à faire !

Ce qui hier était insupportable est devenu aujourd’hui tolérable parce que, paraît-il, sans solution pour le supprimer, trop compliqué en tout cas.

Il a suffi que Gérald Darmanin interroge la possibilité de remédier à ces terrifiantes défaillances de l’ordre, à ces graves anomalies qui pourrissent la vie carcérale comme la tranquillité publique, en imposant un isolement rigide à cette catégorie de transgresseurs dont il a demandé la liste à l’administration, pour qu’aussitôt la résistance s’organise.

Le mal dénoncé auparavant ne devait pas être réparé ni éradiqué. Les criminels incarcérés mais demeurant actifs pour le pire devaient être laissés dans les conditions qui autorisaient leur malfaisance. La conclusion à en tirer était qu’on avait le droit de faire tous les constats du monde, de même que pour la prolifération des portables, mais que surtout il fallait bien se garder de s’en inspirer pour l’action, pour des réformes et des pratiques effectives, immédiatement opératoires. Comme si seul comptait le fait de savoir et de déplorer.

Je pourrais comprendre que, si on s’accordait absolument sur l’obligation de lutter contre ces dysfonctionnements carcéraux, on discutât telle ou telle modalité, on préférât celle-ci à celle-là. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit à l’égard de l’initiative prise par le garde des Sceaux. « Avocats et magistrats ont été partagés » et même le personnel pénitentiaire a été moins convaincu que réticent.

Passivité jamais remise en cause

On n’a même pas soutenu le ministre dans sa résolution forte d’aboutir malgré les obstacles, on a de tous côtés et à tous niveaux focalisé seulement sur les obstacles.

Comme s’il y avait, dans le désir élémentaire de mettre fin à un laisser-aller carcéral créateur de délits et de crimes au dehors, une forme de provocation.

Comme si le garde des Sceaux, en refusant la facilité et le confort d’une objectivité sans le moindre risque d’effet, donnait mauvaise conscience à tous ses prédécesseurs trop heureux d’avoir fait preuve d’une lucidité similaire mais d’une passivité jamais remise en cause.

On devrait se féliciter d’avoir, avec cet authentique couple régalien voulu par le Premier ministre, le miracle politique d’un duo cherchant à s’échapper de la perversion nationale : les mots pour dénoncer et promettre, l’immobilité pour ne pas courir le risque d’échec par les actes.

Aussi bien Bruno Retailleau que Gérald Darmanin, chacun à sa manière, remettent ainsi de la crédibilité dans un univers politique, de l’efficacité dans le comportement ministériel. Il n’y a pas de moyen plus sûr pour redonner confiance aux citoyens.

Changer ce qui va mal et faire renaître « Impossible n’est pas français ».

Boualem et la peste verte

Les Écologistes sont indifférents au sort de Boualem Sansal. Ils sont trop occupés par les priorités climatiques.


Les Verts français ne se sont guère précipités pour voler au secours de Boualem Sansal et exiger sa libération immédiate. Sandrine Rousseau l’a traité de suprémaciste d’extrême droite. Mutisme remarquable de Marine Tondelier, faute de temps sans doute, puisqu’elle consacre toute son énergie (renouvelable évidemment) à « sauver l’Humanité » de la catastrophe climatique.

La formule revient en boucle et l’« Humanité » semble d’ailleurs la seule entité collective respectable, en tout cas la seule à la hauteur des ambitions écologistes. Hasard sans doute, le marxisme-léninisme raisonnait lui aussi à l’échelle mondiale et ambitionnait de révolutionner la vie de l’Internationale des travailleurs. Curieusement, Soljenitsyne fut en son temps aussi bien soutenu par la gauche française que Boualem. C’est d’ailleurs au titre de cette filiation communiste qu’un courageux anonyme du PS a déclaré que sous son tailleur vert, Marine Tondelier portait des sous-vêtements rouges. Incapables de comprendre cette re-visitation de la blague de la pastèque – qui comme les écolos est verte à l’extérieur, mais rouge à l’intérieur –, les Olivier Faure et consorts ont cru à une blague sexiste et s’en sont excusés – évoquer la culotte d’une femme, en ces temps de pudibonderie, n’est visiblement plus admissible.

Comme ce numéro de Causeur rend hommage à l’esprit Charlie, j’aurais bien suggéré un dessin de mauvais goût à nos chers confrères : faire porter à Miss Tondelier une culotte rouge certes, mais du type de celle qu’on trouve à Pigalle – fendue. Le dessin aurait été accompagné de la légende « favorable à la pénétration de l’islam »… Quoi qu’il en soit, se soucier du citoyen français Boualem Sansal victime de la dictature salafo-compatible algérienne, par simple humanité, ne semble pas avoir effleuré nos Verts. L’humanisme serait-il incompatible avec le sauvetage général ? Assurément pour les Khmers verts dont l’appartenance à l’« arc républicain » constitue une autre blague, d’encore plus mauvais goût.

Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

Faites connaissance avec Magali Lafourcade, la présidente du Comité d’éthique du Monde qui se targue de moraliser les journalistes, mais dont deux des décisions récentes sont controversées.


Magali Lafourcade gagne à être connue. Avec ses fonctions (dont un scénariste de comédie n’aurait pu avoir l’idée) de secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de senior expert pour l’Agence européenne des droits fondamentaux et de directrice de la formation continue de lutte contre le racisme à l’École nationale de la magistrature, elle a manifestement décidé d’établir un nouveau standard dans le métier de professeur de morale. Depuis 2024, la jeune femme, que l’on entend parfois sur France Culture à l’heure de la messe le dimanche matin, préside le Comité d’éthique et de déontologie du journal Le Monde.

C’est donc très légitimement, à l’occasion des 80 ans du titre, qu’elle y a publié, le 19 décembre, un article pro domo, dans lequel elle se flatte de protéger les journalistes non seulement des pouvoirs extérieurs à la rédaction (y compris les actionnaires), mais aussi d’eux-mêmes, grâce à une implacable surveillance de leurs éventuels conflits d’intérêts. Mais la diseuse de vertu ne se hausse-t-elle pas un peu trop du col ? Deux jours avant la parution de son texte d’autopromotion, on a en effet appris, dans une magistrale enquête du Figaro consacré au tropisme palestinien (voire plus) du Monde, signée Eugénie Bastié, que le comité d’éthique de Mme Lafourcade avait pris deux décisions pour le moins aporétiques cette année. D’une part, il a estimé logique de demander à la rédactrice politique Ivanne Trippenbach de s’abstenir d’écrire sur l’actualité gouvernementale tant qu’elle serait la compagne d’un conseiller à Matignon. D’autre part, elle a considéré que le reporter Benjamin Barthe (bien connu de nos services), marié à une activiste pro-Hamas (qui a notamment applaudi le 7-Octobre), pouvait continuer de couvrir le conflit au Proche-Orient.

Un « deux poids, deux mesures » qui choque bon nombre de journalistes en interne et qui confirme une fois encore combien la formule ronflante « éthique et déontologie » peut être trompeuse, surtout quand elle est brandie avec componction par une orgueilleuse « spécialiste » de la question.

J’ai vu la fin du « Monde »

Le président d’Avocats Sans Frontières salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au fameux quotidien du soir.


J’aurai assisté à cela. À la fin d’une impunité. D’une manière d’omerta. D’un complot du silence qui prospérait sur la crainte obséquieuse et le corporatisme. Eugénie Bastié, de la maison Figaro, aura dynamité tout cela avec ses petites mains et sa tête bien faite. Par un article joliment troussé et une belle enquête.

Je ne sais plus depuis combien de temps j’attendais cela. Depuis bien avant le 7-Octobre. L’anti-israélisme pathologique du Monde, j’ai vécu avec, je me suis construit contre. Mais le 7-Octobre est arrivé. Avec les titres quasi pornographiques du quotidien du soir, où les faux bilans du Hamas sont tenus pour le Journal officiel, et ses terroristes éliminés pour de bien gentils journalistes.

Et il y a bien sûr Benjamin Barthe. Sans vouloir me pousser du col, je ne suis pas pour rien pour sa gloire. Je ne compte plus les articles et les tweets que je lui ai dédiés. Ainsi qu’à sa Muzna d’épouse palestinienne qui chante le 7-Octobre et pleure le jour de la mort du chef du Hamas. On dira ce qu’on voudra, mais les Barthe ne sont pas des faux jetons. Lui, sur sa page X n’hésite pas à approuver d’un « Yes my friend » un post selon lequel « Israël n’apporte que la mort ». Ou à relayer du François Burgat dans le texte. Elle est sans limites connues et justifie la mort des innocents. Elle devra donc en répondre en justice, Avocats sans frontières la voulant voir reconnue coupable.

Mais le mérite insigne d’Eugénie Bastié aura été dans son intelligente enquête et ses révélations. J’ignorais l’existence du « mur de Gaza » [un ensemble de dessins et slogans violemment antisionistes affichés dans un open space au siège du Monde à Paris, ndlr], qui me rappelle un autre « mur » d’immondices d’un Syndicat de la magistrature de la même texture, que je fis condamner malgré l’opposition magistrale du parquet. J’ignorais ces remarques qui ne fleurent pas le philosémitisme exacerbé, comme lorsqu’un journaliste lance à sa juive de collègue : « C’est mal parti pour ton aliyah. » J’ignorais ceux qui confessent qu’ils ont désormais un problème avec la communauté juive. J’ignorais ceux qui désapprouvent, dans un silence gêné.

Je savais néanmoins, en fréquentant d’aucuns de la chronique judiciaire, honnêtes et talentueux, qu’un fossé générationnel les séparait de jeunes pousses insoumises et avait métamorphosé les salles de rédaction en campus faussement rebelle.

Mais le plus important est sans doute ailleurs. Dans le fait que cette enquête ait été sans crainte publiée. Cela en dit long sur la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Et sur la perte du respect ombrageux que Le Monde inspirait encore il n’y a pas deux ans. Le wokisme stupide est passé par là, et la cruelle réalité de l’immigration et de l’islamisme. Cette réalité encore plus forte que l’idéologie.

Le Monde était déjà à terre avant qu’il soit tombé.

Carter, pas un pacifiste béat

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Une journée de deuil national et des funérailles solennelles sont prévues aux États-Unis pour Jimmy Carter, le 9 janvier, tandis que des hommages affluent mondialement pour saluer son engagement en faveur de la paix et des droits humains. Mais, il ne faudrait pas complètement omettre de rappeler quelques erreurs géopolitiques majeures du 39e président américain (1977-1981).


Il y a un aspect symbolique dans la mort de Jimmy Carter qui avait fêté ses cent ans et dont les obsèques nationales sont prévues pour le 9 janvier. Ce sera l’un des derniers événements présidés par Joe Biden. Ni Carter, ni lui n’ont pu obtenir le deuxième mandat qu’ils espéraient, le premier parce qu’il avait été battu par Reagan, le second parce qu’il n’était pas en état de se représenter. Là ne s’arrêtent pas les analogies entre les deux hommes, considérés par le public comme des présidents faibles. Le slogan de campagne de Reagan contre Carter était : « Let’s make America great again ». Trump s’est limité à retirer le « let’s », ce qui donne MAGA, et, comme c’est un homme d’affaires, il a déposé son slogan, ce que Reagan n’avait pas fait…

Contrairement à Biden, Carter était un outsider avant d’être élu président des États-Unis en 1976. C’était un ancien gouverneur de Géorgie, un inconnu se détachant grâce à une campagne minutieuse parmi de nombreux autres candidats démocrates contre Gerald Ford, devenu président après le Watergate. Au scandale qui avait conduit à la démission de Nixon, à la sensation du public d’une corruption à la Maison-Blanche, s’ajoutaient alors le marasme économique lié à la crise pétrolière de 1973 et l’humiliante constatation que les Américains présents à Saïgon s’étaient enfuis en panique en abandonnant leurs alliés sud-vietnamiens lors de la prise de la ville par les communistes en avril 1975.

1979, une année historique

Beaucoup rêvaient d’un homme nouveau. Ce fut Carter. Sa victoire contre Ford fut serrée, sa défaite contre Reagan fut massive.

Les hommages après décès ne lui accordent pratiquement qu’un seul succès : les pourparlers entre Begin et Sadate à Camp David, qui aboutiront au traité de paix signé en mars 1979 à la Maison-Blanche. Mais sans l’initiative de Sadate d’aller à Jérusalem et la décision de Begin d’abandonner le Sinaï, rien n’aurait eu lieu.

Carter envisageait le long terme, il a eu sur plusieurs sujets, comme l’énergie, des idées en avance sur son temps, reposant sur ses compétences d’ancien officier de sous-marin spécialisé dans le nucléaire, mais ce fut pendant sa présidence qu’eut lieu en Pennsylvanie l’incident de Three Mile Island qui, bien qu’il n’eût pas fait de victimes, entraîne l’abandon de la construction de centrales nucléaires aux États-Unis.

De plus, Carter ne savait pas manipuler un Congrès pourtant à majorité démocrate car il en ignorait les rouages et ne voulait pas les connaître. La tendance à moraliser de ce baptiste « born again », prêcheur du dimanche dans sa petite ville de Géorgie, devint le masque de son impuissance, comme lorsque dans un discours de juillet 1979, au plus fort de la stagflation et des pénuries de carburant, il blâma les Américains pour leur consommation excessive.

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En février de cette année, l’ayatollah Khomeini prit le pouvoir à Téhéran. Il institua un régime islamiste violemment anti-américain dans un pays qui était jusque-là pour les États-Unis un allié capital. Carter hésite, essaie de garder un semblant de coopération, mais quand en octobre il accepte, malgré les mises en garde de son entourage, l’entrée du Shah aux États-Unis pour des raisons médicales, les étudiants iraniens téléguidés par le régime envahissent l’ambassade et gardent 52 Américains en otages. Six mois plus tard, critiqué pour son inaction, Carter enclenchera une opération pour les libérer. Un grain de sable, ou plutôt une tempête de sable dans le désert iranien, imprévisible par les moyens techniques de l’époque, en fera un échec retentissant, qui portera le coup de grâce à sa réélection. Bien plus, c’est à Reagan que les Iraniens enverront les otages le jour même de sa prise de fonction, alors même qu’ils avaient obtenu de l’administration Carter, lors de négociations secrètes à Alger, d’énormes avantages financiers (sept milliards de dollars de l’époque) en paiement de rançon.

La même année 1979 voit pendant quinze jours la prise de la Grande Mosquée de La Mecque par des insurgés en révolte contre l’occidentalisation de la monarchie saoudienne. Elle voit aussi et surtout, fin décembre, l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan. Pour lutter contre cette nouvelle avancée communiste, tout en évitant un nouveau Vietnam, les Américains vont armer les moudjahidines afghans, auxquels vont bientôt s’agréger des militants islamistes du monde entier. Ils seront aidés par le Pakistan voisin, où la même année, le Président Zia ul-Haq, allié des Américains, a décrété la charia.

1979 est donc l’année où l’islamisme devient un facteur de la géopolitique mondiale alors que Carter, comme les autres dirigeants occidentaux, tel Giscard d’Estaing, le voyait comme une péripétie folklorique et locale. Ben Laden, les talibans, le Hamas, l’État islamique et l’auteur du massacre du 1er janvier à La Nouvelle-Orléans découlent de cette mauvaise analyse. Utiliser un ennemi pour lutter contre un autre ennemi est un art difficile, encore faut-il savoir qui sont les ennemis….

Des propos maladroits sur Israël

Carter n’était pas, contrairement à son image, un pacifiste béat. Son conseiller Zbigniew Brzezinski était obsédé par le danger communiste et considérait que Kissinger avait laissé trop de marge de manœuvre à l’URSS. C’est Carter qui a poussé à restructurer et moderniser l’armée américaine pour l’adapter aux défis du futur, c’est lui qui a édicté la doctrine Carter qui reste à la base de l’action militaire américaine au Moyen-Orient et stipule que les États-Unis interviendront militairement contre toute agression dans le Golfe persique. Reagan a tiré les bénéfices de cette inflexion, en même temps que l’intervention soviétique en Afghanistan tournait au désastre pour les Soviétiques. Mais le prix à payer de cette lutte contre l’emprise communiste fut de lâcher la bride à l’islamisme.

En s’appuyant sur la Conférence de Helsinki de 1975, que Kissinger avait supervisée sans trop y croire, l’administration Carter utilisa les Droits de l’Homme comme levier contre l’URSS.

Un jeune militant juif, du nom de Anatoli Chtcharanski, porte-parole du groupe de surveillance des accords d’Helsinki, arrêté à Moscou en 1977, écrivit plus tard, devenu Natan Sharanski, qu’il devait la vie au poids que les Droits de l’Homme avaient pris sous Carter.
Mais il fustige les positions de l’ancien président, transformé après son départ de la Maison-Blanche en activiste de ces mêmes Droits de l’Homme et gagnant au passage un Prix Nobel. Carter s’était révélé aussi indulgent envers les États ou mouvements islamistes qu’il était sévère à l’égard des implantations en Cisjordanie, contextualisant les premiers, ne contextualisant pas les secondes.

En 2008, il publia un livre où il parlait d’apartheid envers les Palestiniens. Il prétendit ensuite qu’il avait été mal compris et qu’en réalité, il admirait la démocratie israélienne, mais le mal était fait. Une fois le mot apartheid lâché en pâture au public, Israël devenait l’équivalent de l’Afrique du Sud raciste, avant que le mot de génocide ne l’envoie au niveau de l’Allemagne nazie.

Le vieil homme avait, du fond de sa bonne conscience, nourri une fois de plus l’hydre islamiste et ses alliés. L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Et pendant ce temps, le concours du plus grand gangbang continue…

Alors que Gisèle Pelicot a acquis une notoriété dont elle se serait bien passée, sur le réseau social OnlyFans, des entrepreneuses rêvant de célébrité se font beaucoup d’argent en filmant leurs parties fines avec un nombre d’hommes record.


Des enquêtes suggèrent que le niveau de la libido collective, surtout chez les jeunes, est au plus bas, tandis que les commentaires sur le procès Pelicot nous font croire que les prédateurs masculins sont partout, obligeant les pauvres femmes à se réfugier dans le lesbianisme ou la continence.

Mais les réseaux sociaux, surtout OnlyFans (qui permet un modèle économique fondé sur le paiement à vue pour images et vidéos), nous racontent une autre histoire. Là, des travailleuses du sexe – de véritables Messalines entrepreneuses – mangent des hommes comme des bonbons et se font richement récompenser. La Texane Aella a fêté son anniversaire en février 2024 par une partouze avec 42 de ses fans. Au printemps, l’Australienne Bonne Blue, au cours de trois semaines passées à Cancun, a couché avec 122 vacanciers. À l’automne, elle a passé un mois dans différentes universités anglaises pour coucher avec 157 étudiants en première année. Son objectif déclaré ? Parfaire leur « éducation ». Mais le record appartient à l’Anglaise Lily Phillips qui, à 23 ans, est déjà à la tête d’une fortune de 2,5 millions d’euros. En octobre, elle a relevé le défi d’avoir des rapports sexuels avec 100 hommes en une journée, le tout filmé pour ses abonnés.

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Le 7 décembre, le documentariste Josh Pieters a publié sur YouTube un montage d’entretiens avec la jeune femme réalisés au cours du grand exploit. Devenue virale, la vidéo1 a déclenché un flot de commentaires en ligne et dans des revues comme Marie Claire. Se fondant sur les échanges de fin de journée, tous s’alarment du traumatisme physique et émotionnel que subirait Lily. Certes, elle paraît fatiguée. L’expérience était, selon elle, « dure » mais « intense » et « pas pour toutes les filles ». Elle finit même par sangloter doucement. Mais pour ceux qui regardent jusqu’à la fin, elle en donne l’explication : elle se sent coupable car elle avait promis à ses followers cinq minutes chacun, et certains n’ont eu droit qu’à deux ou trois. Simple réflexe de bonne commerçante !

Une semaine après, Lily Phillips a annoncé qu’en février 2025 elle relèverait le défi de satisfaire 1000 hommes en une journée. Après son assassinat, la vraie Messaline a subi la damnatio memoriae : toute trace d’elle a été effacée du domaine public. L’oubli : voilà le vrai traumatisme que redoutent ses émules numériques.

  1. https://www.youtube.com/watch?v=mFySAh0g-MI ↩︎

Vœux / Dissolution: Macron entre lucidité et défausse

Le président Macron a présenté pour 2025 des vœux sans souffle ni âme. S’il est mauvais, c’est parce que les Français sont divisés, a-t-il tenté de nous expliquer. Avant de se consoler en se comparant au voisin allemand…


Exercice obligé de chaque 31 décembre, les vœux présidentiels sont une figure de style qui peut être périlleuse quand le tenant du titre est totalement démonétisé. Visiblement, pour la première fois de son existence cathodique, Emmanuel Macron l’a compris et a joué l’humilité. A tel point qu’il s’effaçait même du tableau. La séquence s’est en effet ouverte sur un montage vidéo de quelques minutes qui mettait en avant la réussite collective. Pas de « moi je », mais un « nous » qui n’est pas de majesté mais met en scène l’engagement d’une nation, le dépassement et l’accomplissement commun. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Au moment où la conscience de notre déclin devient impossible à nier, où le niveau scolaire s’effondre, où l’échec de la réindustrialisation est patent et où notre modèle social devient insoutenable sans que les pouvoirs publics réagissent pour sauver l’hôpital, l’Assurance maladie, voire contribuent à aggraver la situation de notre système de retraites, c’était à un cocorico en mode « impossible n’est pas français » qu’Emmanuel Macron nous a convié mardi soir.

Une tentative de prendre de la hauteur pas encore aboutie

Le problème c’est qu’en même temps que le montage vidéo se déroulait, on n’entendait que le sous-texte fort peu subtil des communicants : « faut la jouer collectif, coco ». Fini le temps de l’ego et de l’autojustification en mode passif-agressif qui gâche la plupart des prises de parole du locataire de l’Élysée, vraiment ? Mardi, la posture était claire : il s’agira désormais de se positionner au-dessus de la mêlée, rassembleur, présidentiel en quelque sorte… Un exercice tellement compliqué pour ce président que cela ne pouvait aboutir qu’à cet effacement en début de séquence : la célébration d’une forme de génie français aurait été parasitée par sa présence à l’écran et aurait agacé s’il avait dû la faire face caméra.

Les Français ne lui reconnaissent pas cette capacité d’incarnation. Emmanuel Macron n’a jamais réussi à se dépasser lui-même ; il ne représente la France que sur le papier et toute tentative d’en incarner l’esprit est vue de sa part comme une imposture et une manipulation. Le choix d’une vidéo qui mettait surtout en avant le travail et l’engagement des Français à travers la célébration des JO et de la reconstruction de Notre-Dame était donc une bonne idée puisqu’elle évitait un abcès de fixation : la plupart des Français ont envie de célébrer la fierté d’avoir relevé de ses cendres Notre-Dame mais rechignent à mettre cet exploit au crédit de leur président, alors qu’il n’est pas pour rien dans cet accomplissement. Le choix de cette séquence introductive était donc intelligent mais révèle en creux à quel point la personne du président insupporte puisqu’alors même que la prise de parole était courte, sa présence a dû encore être limitée. Cela affecte directement la deuxième séquence. Celle où il va appeler au « ressaisissement collectif » alors qu’il est le moins en situation de l’inspirer.

Un mea culpa a minima

Mais avant, il fallait en passer par un chemin qu’Emmanuel Macron n’aime guère emprunter :  le mea-culpa. Mais là encore, impossible de trouver un itinéraire bis : il a fallu passer à Canossa et reconnaître que « la dissolution a produit plus d’instabilité que de sérénité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Il faut surtout dire que ses tentatives récurrentes de se présenter en martyr incompris de l’irresponsabilité du monde politique dans son ensemble et de l’inconséquence des électeurs en particulier a exaspéré tout le monde. Amende honorable fut donc faite, certes a minima, mais après tout nul n’aime s’appesantir sur ses fautes, surtout lorsqu’elles résultent d’une incapacité à gérer ses humeurs et ses caprices.

On atteignait là le cœur du discours présidentiel, et ce mea culpa attestait le fait que ce trop immature président a toujours besoin de se poser en Tartarin de Tarascon même quand il rentre la culotte déchirée et la besace vide. Passons sur la rodomontade d’une France qui « continue d’être attractive » alors que les Français ne savent pas où il mène le pays, ne voient pas quel est le projet commun qui les unit et ne se sentent pas défendus alors qu’ils se savent attaqués, mais sur ce point le président n’avait rien à dire au pays. En revanche il avait bien un message à transmettre. A son opposition.

Le rejet permanent de la responsabilité

En effet sa sortie sur la légitimité du parlement « qui représente le pays dans sa diversité et donc aussi dans ses divisions » est une façon à nouveau de rejeter ses responsabilités : il n’est pour rien dans les divisions des Français et ils sont donc responsables de l’impossibilité à gouverner ce pays. Derrière la fausse reconnaissance des erreurs, la défausse continue.

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Mais ce passage visait surtout à mettre en valeur la seule véritable annonce concrète de la soirée, le fait de demander aux Français de « trancher des sujets déterminants ». Pour le grand public, c’est l’annonce de référendums et donc une forme de reprise en main sur la décision publique. Certes cela satisfait les attentes du pays qui n’est pas si divisé sur un certain nombre de sujets essentiels : immigration, sécurité, protection sociale… Mais, il est naïf de croire que cette annonce aura d’autres effets que de permettre au président de tenter de reprendre symboliquement la main. Son but essentiel est de faire passer un message : « je ne démissionnerai pas et si le parlement me contrarie, je passerai par-dessus sa tête pour tenter de retrouver l’onction populaire. » Derrière des vœux « rassembleurs », le rapport de force d’un homme qui ne sait composer avec personne. Et peut-être pas même avec ce peuple qu’il ne voit que comme un outil pour déstabiliser ses adversaires politiques. Aucune vision d’avenir ne se dessine donc au terme de cette séquence.

La reconnaissance de l’échec actuel de l’Europe

Finalement le plus intéressant de ces vœux vient de la reconnaissance de l’échec et de la naïveté de l’Europe. Mais le vœu pieu qui en ressort montre à quel point la prise de conscience ne débouche sur aucune perspective d’action. Cela a d’ailleurs donné lieu à un moment cocasse, celui où le président essaie encore de se dédouaner de son échec personnel en montrant du doigt son homologue allemand. Lui aussi en pleine tourmente politique. Là encore on entend bien la musique de l’irresponsabilité : « je ne suis pas responsable du chaos, regardez l’Allemagne n’est pas en meilleure posture que nous. » Il se trouve que les dirigeants allemands souffrent sans doute de tares identiques aux siennes et ont accumulé les erreurs évitables, comme lui et ses prédécesseurs. Aucun des deux pays n’est une pure victime des circonstances et vouloir nous le faire croire c’est nous désarmer encore et renoncer à nous défendre comme à nous relever. Pour que l’action politique soit crédible encore faut-il qu’elle soit vue comme capable d’avoir une prise sur la réalité. Derrière l’apparence de reconnaissance de la souveraineté populaire, on trouve surtout la démagogie utilisée comme tactique pour gagner du temps. 2025 n’a pas vraiment commencé mais le temps parait déjà long…

Il parait d’autant plus long qu’il a finalement manqué quelque chose d’essentiel à cette cérémonie de vœux : de l’humanité. Ce président à bout de souffle n’a pas eu un mot pour ceux des nôtres victimes de cette idéologie totalitaire qui menace le monde et l’Europe, l’islamisme. Pas un mot sur nos compatriotes otages aux mains du Hamas depuis le 7-Octobre. Pas un mot sur la violence antisémite qui s’abat sur le pays. Pas un mot sur l’embastillement de Boualem Sansal en Algérie. Là où certaines nations mettent un point d’honneur à être toujours là pour leurs citoyens, le président français a lui donné l’impression de s’en laver les mains. En revanche, l’Élysée n’a pas manqué de mettre en avant des causes qui ne nécessitent aucun courage politique. La tentative d’annexion de l’affaire Pelicot dans l’introduction vidéo des vœux était à ce titre dérangeante. Celle qui a fait preuve de courage, c’est Gisèle Pelicot. Mais cette force lui appartient. En revanche, exhiber sa vertu en s’indignant sur cette affaire n’est pas une preuve présidentielle de courage mais d’opportunisme. La condamnation étant unanime, les politiques ne prennent aucun risque à se positionner sur ce dossier… En revanche, ignorer la souffrance des Juifs de France et abandonner un écrivain à son sort pour ne pas engager le rapport de force avec un pays malade et corrompu, choisir d’ignorer que le Hamas a esclavagisé deux de nos compatriotes, c’est choisir de ne pas se tenir aux côtés des citoyens quand ils sont sous la mitraille. C’est choisir aussi de ne pas regarder en face le fait que nous avons sur notre territoire des représentants de ces idéologies violentes et corrompues et que certains siègent jusqu’au parlement – et pas à l’extrême-droite de l’hémicycle. C’est oublier enfin que ces idéologies entendent constituer une armée de réserve et agissent patiemment politiquement sur notre territoire pour y arriver. Le choix du déni plutôt que le soutien apporté à ceux des nôtres otages de conflits qui les dépassent n’est pas étonnant venant de ce président, mais ne présage rien de bon pour 2025.

Incendie de Notre-Dame: le feu des questionnements (incorrects) reprend

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Image d'illustration.

Des chaînes de mails continuent de circuler, affirmant qu’on nous cache la vérité. Hurler au complotisme n’y change rien, au contraire.


L’intense joie de la réouverture solennelle de la cathédrale passée, voilà que se ravive le foisonnement des interrogations qui, dès les premiers jours, en avril 2019, avait déferlé sur les réseaux sociaux et dans les conversations des dîners en ville. Le sinistre était-il dû à une cause naturelle ou un acte de malveillance, à une action terroriste ?

Or, très vite – trop vite, peut être bien – l’hypothèse d’une intention criminelle devait être officiellement écartée par les autorités. « Les premiers rapports des pompiers et des enquêteurs sur place ont rapidement exclu l’hypothèse d’un acte volontaire » pouvait-on lire dans l’ensemble de la presse les jours suivants. D’ailleurs, l’enquête immédiatement ouverte annonçait la couleur. Elle porterait exclusivement sur la « destruction involontaire par incendie. » Involontaire, on évacuait donc d’emblée du champ des investigations toute intervention humaine malveillante. C’était évidemment aller vite en besogne, cela à un moment où, tout naturellement, on n’avait à fournir aucun argument dûment étayé par les faits pour se permettre de trancher aussi péremptoirement. En règle générale, il n’y pas mieux pour susciter la suspicion que la précipitation qu’on met à chercher à rassurer les populations. On ne sait rien encore de l’évènement, du drame, de ses tenants et aboutissants qu’on exclut délibérément tout un champ possible d’explications. Cela a toujours l’effet inverse à celui recherché, puisque l’affirmation ne peut sembler que gratuite tant qu’on ne dispose pas d’arguments solides, vérifiables capables de la rendre absolument indiscutable. J’ai le souvenir d’un drame sur lequel j’ai beaucoup travaillé : la mort de Pierre Bérégovoy, survenue le 1er mai 1993. Il n’était pas encore admis à l’hôpital de Nevers, aucun examen n’avait donc été pratiqué, aucun acte d’enquête mené, que les dépêches officielles – oui, officielles, Préfecture de la Nièvre, Palais de l’Élysée – affirmaient qu’il ne pouvait s’agir que d’un suicide. Là aussi, la précipitation ne fit évidemment que susciter la défiance.

Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame, il semble bien qu’aucune réponse technique, scientifique, prouvant sans conteste possible la thèse accidentelle n’ait été apportée, réduisant une fois pour toutes à néant le soupçon d’intention criminelle. Et c’est ainsi que, ces deniers jours, refleurissent les mises en doute. Là, encore, une initiative prise dans les débuts n’aura réussi qu’à nourrir le feu latent : les sceptiques, les non convaincus par la « vérité » imposée se virent exclus des réseaux sociaux. Initiative maladroite et surtout stupide. Aujourd’hui, donc, les réserves émises alors refont surface, provenant souvent, reconnaissons-le, de personnes ayant une certaine expérience, soit de ces chantiers d’exception, des réglementations rigoureuses, voire tatillonnes, qui les régissent, ou encore disposant d’une expertise des incendies proprement dits, leur apparition, leur propagation, leur aspect selon les matériaux concernés.

Bien entendu, pour circonstanciées, argumentées qu’elles soient ces mises en  cause ne constituent en aucune façon une preuve suffisante. Loin de là. Et pour ma part, je me garde bien de donner dans cette précipitation à conclure que je me permettais précisément de reprocher aux autorités dans leurs affirmations des premières heures. Il me semble seulement que, devant cet incendie, ce désastre, relevant de notre histoire au sein de laquelle il tiendra à jamais une place considérable, on ne peut pas – et on ne doit pas – clore si tôt et surtout avec une telle apparence de légèreté, la recherche de la vérité. Enfin, de grâce, qu’on n’aille pas se défausser en hurlant au complotisme. Car jamais aucune question, si dérangeante, si iconoclaste soit-elle ne saurait être reléguée sans examen dans cette poubelle-là. Jamais. Les réponses sont parfois de ce tonneau-là. Jamais aucune question. Toutes doivent avoir droit de cité, ne serait-ce que par esprit de méthode.

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Politiquement show

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© D.R.

En Grande Bretagne, la téléréalité est devenue une stratégie politique comme une autre. Les exemples qui suivent interrogent la réserve des figures françaises à mêler vie publique et mise en scène personnelle.


À l’exception de Jean Lassalle, qui a participé en 2023 à l’émission « Les traîtres » sur M6, et de François Ruffin, qui vient de sortir au cinéma un film, Au boulot1, dans lequel il se met en scène dans son quotidien, le personnel politique français n’aime guère communiquer en dehors du cadre classique des estrades et des interviews.

Au Royaume-Uni en revanche, il n’est pas rare qu’une figure prometteuse de Westminster choisisse d’apparaître dans un programme de téléréalité. En 2022, le patron de Reform UK, Nigel Farage, a ainsi concouru à l’émission « Je suis une célébrité, sortez-moi de là ! » sur ITV. La même année, on a pu voir la conservatrice Penny Mordaunt, ancienne leader de la Chambre des communes, s’exhiber en maillot de bain dans « Splash », toujours sur ITV, tandis qu’en 2016, c’est la BBC qui embauchait un ex-ministre du Trésor, le travailliste Ed Balls, dans la version britannique de « Danse avec les stars ». Pourquoi se livrer à de telles pitreries ?

Sans doute parce que l’exercice a plutôt réussi à Donald Trump, lui-même ancien animateur du show « The Apprentice » sur NBC entre 2008 et 2015. Sauf que le nouveau président américain ne s’est pas servi de la télévision pour « faire peuple ». Au contraire, son émission, véritable hymne à l’argent, lui a permis de montrer qui il était vraiment : un milliardaire décomplexé. Une rare franchise qui plaît manifestement à ses partisans.

En Angleterre, celui qui a peut-être le mieux compris cela s’appelle Jacob Rees-Mogg. Pour revenir en selle après une cruelle défaite aux dernières élections, cet ex-ministre des Opportunités du Brexit dans le gouvernement de Boris Johnson, pur produit de l’establishment britannique, père de six enfants, est depuis le 2 décembre le héros d’une série diffusée sur la plateforme Discovery +, dans laquelle on le voit assumer pleinement sa vie de château et ses convictions de catho tradi. Une émission qui frôle souvent la caricature, notamment dans une séquence où une femme de chambre montre comment elle repasse les mouchoirs de poche du maître de maison. Surprise, si, sur les réseaux sociaux, certains téléspectateurs sont moqueurs, d’autres applaudissent l’élégance très « Downton Abbey » de Rees-Mogg !

Reste dès lors une question : avec son goût des voitures polluantes et sa légendaire collection de costumes sur mesure, François Fillon ne regagnerait-il pas le cœur des Français en ouvrant aux caméras les portes de son manoir dans la Sarthe ?


  1. Lire https://www.causeur.fr/au-boulot-francois-ruffin-294537 ↩︎

Damas année zéro

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Abou Mohammed al-Joulani (Ahmed Hussein al-Charaa) prend la parole à la mosquée des Omeyyades à Damas, Syrie, 8 décembre 2024 © AP Photo/Omar Albam/Sipa

L’effondrement si rapide du régime syrien s’explique par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre : écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Ces alliés de l’Iran garantissaient la survie de Bachar al-Assad. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État.


À Khan Younès, dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, les caméras de surveillance installées par le Hamas captent des images de Yahya Sinwar, chef de la milice islamiste palestinienne dans la bande de Gaza. Ce sont les dernières de lui vivantes. Accompagné de sa femme et de ses enfants, chargé de plusieurs sacs, il s’engouffre dans un complexe de tunnels situé dans le secteur de Khan Younès. Sur ces images, récupérées par l’armée israélienne (IDF, Israel Defence Forces) quelques semaines plus tard et diffusées plus d’un an après, on voit un homme qui se prépare à la déflagration qu’il a imaginée et orchestrée. Dans son esprit, l’attentat-suicide collectif sera l’étincelle qui embrasera la région et submergera Israël. Il aurait dû méditer l’expression anglaise « be careful what you wish for » (« méfie-toi de tes rêves »). Tué par Tsahal un an et une semaine plus tard, Sinwar ne verra pas toutes les conséquences de son œuvre macabre. On regrette presque qu’il n’ait pas assisté à la déconfiture progressive (et chèrement payée par Israël et les Palestiniens) de l’axe de la Résistance. En revanche, le destin de Bachar Al-Assad, l’homme qui a massacré les Palestiniens du camp de Yarmouk (sans émouvoir notre islamo-gauche), ne lui aurait pas arraché une larme.

Assad dépassé par la crise régionale

Quand les nouvelles du 7-Octobre arrivent à Damas, le président syrien a d’autres problèmes en tête. Deux jours plus tôt, son régime a lui aussi été touché en plein cœur. À 140 kilomètres au nord de la capitale syrienne, 129 personnes ont été tuées par la guérilla. Une attaque aux drones, lancée par les rebelles de la région d’Idlib, a frappé une cérémonie de remise de diplômes à l’académie militaire locale de Homs. Il s’agit de la plus ancienne et de la plus prestigieuse école de guerre du pays. Le père du chef de l’État, Hafez Al-Assad, y a été formé. Après treize ans de guerre civile, son fils, fort du soutien russe et iranien, pensait son régime à l’abri. Il sait qu’il est de nouveau menacé. Toutefois, personne ne devine alors que les événements terribles du sud d’Israël inaugurent l’engrenage qui aboutira à sa chute. Comme toujours, les hommes ignorent l’Histoire qu’ils font. Aujourd’hui, quand on remonte le fil, on comprend que si le 7-Octobre n’avait pas rebattu totalement les cartes politiques et militaires au Proche-Orient, on n’aurait pas vécu, en novembre-décembre 2024, ces onze jours qui ont ébranlé la Syrie – et la région.

En octobre 2023, comme en octobre 1973, Israël était à la fois omniscient et aveugle. Il connaissait les capacités de ses ennemis, mais s’est complètement fourvoyé sur ses intentions. Désormais, l’État hébreu ne cherche plus à deviner ce que ses ennemis ont en tête, mais à les priver des capacités de lui nuire. Principe de précaution.

Après le 7-Octobre, Bachar Al-Assad change de statut aux yeux d’Israël : d’ennemi acceptable, car stable et fiable, il devient un problème. Dès lors qu’Israël ne cherche plus à établir un équilibre de dissuasion avec le Hezbollah, mais à détruire cette force militaire et politique hégémonique au Liban, Assad est un obstacle : son territoire est une pièce essentielle de l’axe Téhéran-Beyrouth. Autrement dit, pour asphyxier le Hezbollah, il faut se débarrasser du tyran de Damas. Et Assad semnle l’avoir compris. Alors que le Hezbollah entre en guerre dès le 8 octobre, Assad se garde de toute implication militaire directe. Sa priorité, c’est la survie du régime, donc la sécurité intérieure.

En réalité, son destin est entre les mains de Yahya Sinwar et d’Hassan Nasrallah. En prolongeant la guerre, Sinwar a mis le Hezbollah (qui s’est engagé à combattre tant que le Hamas n’accepterait pas un cessez-le-feu) en grande difficulté. Israël frappe sans relâche les infrastructures et dépôts d’armes de l’Iran et du Hezbollah ainsi que leurs installations logistiques et voies de communication en Syrie. Et de temps en temps, les moyens syriens aussi, notamment les systèmes de défense aériens. L’Iran lui-même est directement visé et, pour la première fois, riposte directement contre Israël. Le leader syrien se retrouve au milieu d’une crise régionale qui le dépasse. L’assassinat de Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024, marque le début de l’acte final du drame.

Quarante-huit heures après, Israël bombarde des propriétés appartenant à Maher el-Assad, frère du président et commandant de la Quatrième Division d’élite, garde prétorienne du régime. Le message est limpide. Dans les semaines qui suivent, Assad assiste, impuissant, à la destruction du Hezbollah par les forces israéliennes. Fin octobre, il est sans doute informé par son armée en temps réel, quand la chasse israélienne survole son territoire en direction de l’Iran. Le 26 novembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce qu’il va soumettre à l’approbation du cabinet un accord de cessez-le-feu avec le Liban. Et il précise qu’en aidant le Hezbollah et l’Iran, Assad jouerait avec le feu.

Le soir même, le gouvernement libanais accepte le cessez-le-feu, dont les termes entérinent la défaite de la milice chiite, décapitée et épuisée par deux mois de guerre. Pour l’opposition armée syrienne, c’est un tournant décisif : le moment est venu de sortir de l’enclave où ses combattants sont enfermés depuis leur défaite, en 2016-2017, et de lancer l’assaut.

Alignement des astres

Le choix du moment ne s’explique pas seulement par la quasi-disparition du pouvoir de nuisance du Hezbollah, soutien stratégique du régime syrien, mais aussi par la vulnérabilité croissante de l’Iran, frappé directement par l’ennemi sioniste. Israël n’a plus d’intérêt au maintien d’Assad et la Turquie, après avoir tenté de renouer avec lui et s’être heurtée à une fin de non-recevoir, s’est résolue à voir ses proxys syriens recourir à la force. Si on ajoute que les États-Unis sont en fin de règne et la Russie embourbée en Ukraine, l’alignement des astres est quasi parfait.

L’opposition armée, concentrée dans la région d’Idlib, repose sur deux forces principales : l’Armée syrienne libre (ASL), une milice financée et soutenue par la Turquie, et Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), une fédération de groupes djihadistes issus principalement d’Al-Qaïda et de Daech. Un troisième acteur, qui joue un rôle important, est constitué par les groupes armés de Deraa, le berceau de la révolution syrienne.

Le HTC est dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, nom de guerre d’Ahmed Hussein Al-Chara, qui s’est imposé comme le chef et la figure de proue de cette coalition disparate. Il s’est vite révélé comme l’atout principal des rebelles.

Né en 1982 à Riyad dans une famille originaire du Golan, il a grandi à Damas avant de rejoindre en 2003 l’insurrection contre les forces américaines en Irak, où il s’est rapproché d’Al-Qaïda, avant d’être emprisonné pendant plusieurs années. En 2011, il revient en Syrie pour fonder Jabhat Al-Nosra, branche locale d’Al-Qaïda, qui sera l’une des principales forces en guerre contre le régime d’Assad. Toutefois, sa rupture avec l’État islamique en 2013 et avec Al-Qaïda en 2016 pour fonder HTC traduit son pragmatisme stratégique. Al-Joulani est plus qu’un fin politique. Dès 2014, il s’emploie à ajouter une corde à son arc de chef de guerre en construisant une alternative institutionnelle crédible et attractive à l’État des Assad. En parallèle, il instaure des tribunaux islamiques chargés d’appliquer une version stricte de la charia. Cet exemple des tribunaux islamiques montre les dynamiques complexes de la gouvernance dans les zones de conflit. La population les accepte largement moins par sentiment religieux que parce qu’ils pallient l’effondrement des institutions étatiques pendant la guerre civile. Mais il y a aussi, évidemment, la coercition et la peur de déplaire aux nouveaux maîtres. Légitimité d’un côté, autoritarisme de l’autre, ce sont les deux faces de la médaille Joulani. Et si les médias français, soucieux de ne plus se faire avoir, ont déjà décidé que le gars était infréquentable à vie, nul ne sait en réalité de quel côté la pièce tombera.

À partir de 2017, Al-Joulani parvient à établir une administration embryonnaire à Idlib, un mini-État financé par des taxes, des droits de douane et le commerce illégal, tout en s’adaptant aux réalités locales. Il assouplit l’application de la charia et prend ses distances avec le djihad mondial, comme en témoigne son entretien de juin 2023 avec Wassim Nasr, de France 24. C’est ainsi que, lorsque les rebelles se lancent à la reconquête d’Alep le 27 novembre 2024, ils disposent non seulement de capacités militaires non négligeables, mais également de ce qui a toujours manqué aux anti-Assad : un leadership crédible, une opposition organisée capable de gouverner des populations et des territoires, et surtout une légitimité qui ne repose pas uniquement sur la pointe de la baïonnette.

L’homme qui insiste désormais pour être appelé Ahmad Al-Chara, le nom que lui ont donné ses parents, et non plus par son nom de guerre (Al-Joulani), suit une voie tracée depuis au moins une décennie. Opportuniste plus que vraiment modéré, Al-Chara est un ex-djihadiste, mais il est toujours islamiste. S’il a rompu avec Al-Qaïda et Daech, sa société idéale ressemble à l’Iran, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie plutôt qu’à Dubaï ou à la Syrie des Assad – et ne parlons pas de l’Europe dépravée –, où politique et religieux sont inséparables. L’un de ses proches conseillers a même salué le modèle politique des talibans. Bref, il ne rêve pas de la laïcité la nuit. À ses yeux, l’islam sunnite version Frères musulmans constitue le meilleur programme politique possible. En même temps, il sait que la Syrie a besoin d’un État et que cet État sera celui de tous ses citoyens ou ne sera pas. Au final, il s’inscrira plus volontiers dans les traces d’un Erdogan que dans celles de Mustapha Kemal. On verra quelle dose de démocratie réelle son gouvernement admettra.

Pour l’instant, il a d’autres priorités que la vertu des Syriennes. La Syrie est aujourd’hui divisée en cinq parties. La bande côtière avec ses trois ports, ses bases russes et sa large population alaouite ; la bande allant d’Idlib et Alep au nord jusqu’au sud de Damas dominé par les sunnites, jadis la « Syrie utile » contrôlée par Assad et désormais sous contrôle de Chara et d’HTC ; l’est du pays et la rive gauche de l’Euphrate (30 % du territoire syrien) dominés par les Kurdes ; une bande le long de la frontière nord de la Syrie sous occupation turque (à l’exception de la région de Kobané, contrôlée par les Kurdes et âprement disputée aujourd’hui) ; et enfin une région autonome de facto, à proximité des frontières israélienne et jordanienne, contrôlée par des forces locales en étroite coopération avec HTC. La rupture entre les Kurdes et le reste du pays est difficilement réversible, malgré l’intervention turque en cours, ce qui rend probable une solution à l’irakienne – un État kurde qui ne s’appelle pas État. La nature de la présence russe reste à préciser, mais la Turquie va essayer de maintenir la sienne dans les régions qu’elle contrôle déjà. Elle jouera un rôle décisif dans la reconstruction et plus largement dans l’économie syrienne, notamment grâce aux Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie. Israël veillera à ce que la Syrie quitte définitivement et totalement l’alliance iranienne et cesse de soutenir les Palestiniens radicaux, en exerçant un contrôle – avec ou sans présence permanente – sur les régions frontalières et leurs populations. C’est dire si l’État syrien sera placé sous surveillances et sous pressions de toutes sortes. Alors qu’ils sont dépourvus de ressources financières – quatorze ans de guerre civile et le pillage méthodique perpétré par le clan Assad ayant vidé les caisses –, et incapables de se défendre contre des armées – faute de marine, d’aviation et d’armes lourdes – Chara et ses alliés politiques ne peuvent que jouer entre ces différents acteurs – et les uns contre les autres – pour tenter de s’ouvrir une marge de manœuvre. Aussi dramatiques et inattendus qu’ils soient, ces derniers événements ne sont pas les derniers soubresauts que vit le Moyen Orient. Après Gaza, Beyrouth et Damas, tous les yeux sont désormais rivés sur Téhéran.

Lutte contre le narcotrafic: impossible est français !

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Le ministre de la Justice Gérald Darmanin à Marseille, 2 janvier 2024 © Alain ROBERT/SIPA

Avocats et magistrats accueillent malheureusement avec beaucoup de réserves l’idée d’isoler les « narcos » qui sèment la mort et engrangent des profits depuis leur lieu de détention


Impossible n’est pas français : cette citation est prêtée à Napoléon.

J’admets qu’en certaines circonstances dramatiques elle a pu se vérifier. Par exemple, pour Notre-Dame de Paris restaurée magnifiquement en cinq ans alors que personne, sauf le président de la République, n’y croyait. J’espère qu’il en sera de même pour Mayotte dont le Premier ministre s’est engagé à la sortir du marasme en deux ans.

Malgré les quelques réussites exceptionnelles qui démontrent la lucidité napoléonienne, que de péripéties politiques ou sociales qui, au contraire, valident cette impression qu’impossible est français…

Ces derniers jours j’ai été frappé par le volontarisme du garde des Sceaux et les mesures que Gérald Darmanin projette, notamment à l’encontre des narco-trafiquants. Il souhaiterait « placer les profils à risque dans des conditions de détention drastiques », dans un état d’isolement comparable à celui des détenus terroristes qui n’ont jamais pu, eux, d’où ils étaient, inspirer et organiser des massacres. Le ministre aspirerait à un régime strictement identique pour les premiers.

Savoir et déplorer

Le constat qu’il a fait, révélant que trop souvent des « narcos » d’envergure avaient commandité des trafics et des assassinats de l’intérieur de la prison, était, avant sa nomination place Vendôme, partagé par beaucoup. Les professionnels de la police, de la justice et de l’univers pénitentiaire en prenaient acte mais rien de plus : c’était comme cela, un scandale, mais il n’y avait rien à faire !

Ce qui hier était insupportable est devenu aujourd’hui tolérable parce que, paraît-il, sans solution pour le supprimer, trop compliqué en tout cas.

Il a suffi que Gérald Darmanin interroge la possibilité de remédier à ces terrifiantes défaillances de l’ordre, à ces graves anomalies qui pourrissent la vie carcérale comme la tranquillité publique, en imposant un isolement rigide à cette catégorie de transgresseurs dont il a demandé la liste à l’administration, pour qu’aussitôt la résistance s’organise.

Le mal dénoncé auparavant ne devait pas être réparé ni éradiqué. Les criminels incarcérés mais demeurant actifs pour le pire devaient être laissés dans les conditions qui autorisaient leur malfaisance. La conclusion à en tirer était qu’on avait le droit de faire tous les constats du monde, de même que pour la prolifération des portables, mais que surtout il fallait bien se garder de s’en inspirer pour l’action, pour des réformes et des pratiques effectives, immédiatement opératoires. Comme si seul comptait le fait de savoir et de déplorer.

Je pourrais comprendre que, si on s’accordait absolument sur l’obligation de lutter contre ces dysfonctionnements carcéraux, on discutât telle ou telle modalité, on préférât celle-ci à celle-là. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit à l’égard de l’initiative prise par le garde des Sceaux. « Avocats et magistrats ont été partagés » et même le personnel pénitentiaire a été moins convaincu que réticent.

Passivité jamais remise en cause

On n’a même pas soutenu le ministre dans sa résolution forte d’aboutir malgré les obstacles, on a de tous côtés et à tous niveaux focalisé seulement sur les obstacles.

Comme s’il y avait, dans le désir élémentaire de mettre fin à un laisser-aller carcéral créateur de délits et de crimes au dehors, une forme de provocation.

Comme si le garde des Sceaux, en refusant la facilité et le confort d’une objectivité sans le moindre risque d’effet, donnait mauvaise conscience à tous ses prédécesseurs trop heureux d’avoir fait preuve d’une lucidité similaire mais d’une passivité jamais remise en cause.

On devrait se féliciter d’avoir, avec cet authentique couple régalien voulu par le Premier ministre, le miracle politique d’un duo cherchant à s’échapper de la perversion nationale : les mots pour dénoncer et promettre, l’immobilité pour ne pas courir le risque d’échec par les actes.

Aussi bien Bruno Retailleau que Gérald Darmanin, chacun à sa manière, remettent ainsi de la crédibilité dans un univers politique, de l’efficacité dans le comportement ministériel. Il n’y a pas de moyen plus sûr pour redonner confiance aux citoyens.

Changer ce qui va mal et faire renaître « Impossible n’est pas français ».

Boualem et la peste verte

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© Hannah Assouline

Les Écologistes sont indifférents au sort de Boualem Sansal. Ils sont trop occupés par les priorités climatiques.


Les Verts français ne se sont guère précipités pour voler au secours de Boualem Sansal et exiger sa libération immédiate. Sandrine Rousseau l’a traité de suprémaciste d’extrême droite. Mutisme remarquable de Marine Tondelier, faute de temps sans doute, puisqu’elle consacre toute son énergie (renouvelable évidemment) à « sauver l’Humanité » de la catastrophe climatique.

La formule revient en boucle et l’« Humanité » semble d’ailleurs la seule entité collective respectable, en tout cas la seule à la hauteur des ambitions écologistes. Hasard sans doute, le marxisme-léninisme raisonnait lui aussi à l’échelle mondiale et ambitionnait de révolutionner la vie de l’Internationale des travailleurs. Curieusement, Soljenitsyne fut en son temps aussi bien soutenu par la gauche française que Boualem. C’est d’ailleurs au titre de cette filiation communiste qu’un courageux anonyme du PS a déclaré que sous son tailleur vert, Marine Tondelier portait des sous-vêtements rouges. Incapables de comprendre cette re-visitation de la blague de la pastèque – qui comme les écolos est verte à l’extérieur, mais rouge à l’intérieur –, les Olivier Faure et consorts ont cru à une blague sexiste et s’en sont excusés – évoquer la culotte d’une femme, en ces temps de pudibonderie, n’est visiblement plus admissible.

Comme ce numéro de Causeur rend hommage à l’esprit Charlie, j’aurais bien suggéré un dessin de mauvais goût à nos chers confrères : faire porter à Miss Tondelier une culotte rouge certes, mais du type de celle qu’on trouve à Pigalle – fendue. Le dessin aurait été accompagné de la légende « favorable à la pénétration de l’islam »… Quoi qu’il en soit, se soucier du citoyen français Boualem Sansal victime de la dictature salafo-compatible algérienne, par simple humanité, ne semble pas avoir effleuré nos Verts. L’humanisme serait-il incompatible avec le sauvetage général ? Assurément pour les Khmers verts dont l’appartenance à l’« arc républicain » constitue une autre blague, d’encore plus mauvais goût.

Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

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Magali Lafourcade © D.R.

Faites connaissance avec Magali Lafourcade, la présidente du Comité d’éthique du Monde qui se targue de moraliser les journalistes, mais dont deux des décisions récentes sont controversées.


Magali Lafourcade gagne à être connue. Avec ses fonctions (dont un scénariste de comédie n’aurait pu avoir l’idée) de secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de senior expert pour l’Agence européenne des droits fondamentaux et de directrice de la formation continue de lutte contre le racisme à l’École nationale de la magistrature, elle a manifestement décidé d’établir un nouveau standard dans le métier de professeur de morale. Depuis 2024, la jeune femme, que l’on entend parfois sur France Culture à l’heure de la messe le dimanche matin, préside le Comité d’éthique et de déontologie du journal Le Monde.

C’est donc très légitimement, à l’occasion des 80 ans du titre, qu’elle y a publié, le 19 décembre, un article pro domo, dans lequel elle se flatte de protéger les journalistes non seulement des pouvoirs extérieurs à la rédaction (y compris les actionnaires), mais aussi d’eux-mêmes, grâce à une implacable surveillance de leurs éventuels conflits d’intérêts. Mais la diseuse de vertu ne se hausse-t-elle pas un peu trop du col ? Deux jours avant la parution de son texte d’autopromotion, on a en effet appris, dans une magistrale enquête du Figaro consacré au tropisme palestinien (voire plus) du Monde, signée Eugénie Bastié, que le comité d’éthique de Mme Lafourcade avait pris deux décisions pour le moins aporétiques cette année. D’une part, il a estimé logique de demander à la rédactrice politique Ivanne Trippenbach de s’abstenir d’écrire sur l’actualité gouvernementale tant qu’elle serait la compagne d’un conseiller à Matignon. D’autre part, elle a considéré que le reporter Benjamin Barthe (bien connu de nos services), marié à une activiste pro-Hamas (qui a notamment applaudi le 7-Octobre), pouvait continuer de couvrir le conflit au Proche-Orient.

Un « deux poids, deux mesures » qui choque bon nombre de journalistes en interne et qui confirme une fois encore combien la formule ronflante « éthique et déontologie » peut être trompeuse, surtout quand elle est brandie avec componction par une orgueilleuse « spécialiste » de la question.

J’ai vu la fin du « Monde »

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La journaliste Eugénie Bastié © Hannah Assouline

Le président d’Avocats Sans Frontières salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au fameux quotidien du soir.


J’aurai assisté à cela. À la fin d’une impunité. D’une manière d’omerta. D’un complot du silence qui prospérait sur la crainte obséquieuse et le corporatisme. Eugénie Bastié, de la maison Figaro, aura dynamité tout cela avec ses petites mains et sa tête bien faite. Par un article joliment troussé et une belle enquête.

Je ne sais plus depuis combien de temps j’attendais cela. Depuis bien avant le 7-Octobre. L’anti-israélisme pathologique du Monde, j’ai vécu avec, je me suis construit contre. Mais le 7-Octobre est arrivé. Avec les titres quasi pornographiques du quotidien du soir, où les faux bilans du Hamas sont tenus pour le Journal officiel, et ses terroristes éliminés pour de bien gentils journalistes.

Et il y a bien sûr Benjamin Barthe. Sans vouloir me pousser du col, je ne suis pas pour rien pour sa gloire. Je ne compte plus les articles et les tweets que je lui ai dédiés. Ainsi qu’à sa Muzna d’épouse palestinienne qui chante le 7-Octobre et pleure le jour de la mort du chef du Hamas. On dira ce qu’on voudra, mais les Barthe ne sont pas des faux jetons. Lui, sur sa page X n’hésite pas à approuver d’un « Yes my friend » un post selon lequel « Israël n’apporte que la mort ». Ou à relayer du François Burgat dans le texte. Elle est sans limites connues et justifie la mort des innocents. Elle devra donc en répondre en justice, Avocats sans frontières la voulant voir reconnue coupable.

Mais le mérite insigne d’Eugénie Bastié aura été dans son intelligente enquête et ses révélations. J’ignorais l’existence du « mur de Gaza » [un ensemble de dessins et slogans violemment antisionistes affichés dans un open space au siège du Monde à Paris, ndlr], qui me rappelle un autre « mur » d’immondices d’un Syndicat de la magistrature de la même texture, que je fis condamner malgré l’opposition magistrale du parquet. J’ignorais ces remarques qui ne fleurent pas le philosémitisme exacerbé, comme lorsqu’un journaliste lance à sa juive de collègue : « C’est mal parti pour ton aliyah. » J’ignorais ceux qui confessent qu’ils ont désormais un problème avec la communauté juive. J’ignorais ceux qui désapprouvent, dans un silence gêné.

Je savais néanmoins, en fréquentant d’aucuns de la chronique judiciaire, honnêtes et talentueux, qu’un fossé générationnel les séparait de jeunes pousses insoumises et avait métamorphosé les salles de rédaction en campus faussement rebelle.

Mais le plus important est sans doute ailleurs. Dans le fait que cette enquête ait été sans crainte publiée. Cela en dit long sur la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Et sur la perte du respect ombrageux que Le Monde inspirait encore il n’y a pas deux ans. Le wokisme stupide est passé par là, et la cruelle réalité de l’immigration et de l’islamisme. Cette réalité encore plus forte que l’idéologie.

Le Monde était déjà à terre avant qu’il soit tombé.

Carter, pas un pacifiste béat

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Signature du Traite de paix d Camp David, 26 mars 1979. De gauche à droite, l'Egyptien Sadate, l'Américain Carter et l'Israélien Begin © HAAS ALAIN/SIPA

Une journée de deuil national et des funérailles solennelles sont prévues aux États-Unis pour Jimmy Carter, le 9 janvier, tandis que des hommages affluent mondialement pour saluer son engagement en faveur de la paix et des droits humains. Mais, il ne faudrait pas complètement omettre de rappeler quelques erreurs géopolitiques majeures du 39e président américain (1977-1981).


Il y a un aspect symbolique dans la mort de Jimmy Carter qui avait fêté ses cent ans et dont les obsèques nationales sont prévues pour le 9 janvier. Ce sera l’un des derniers événements présidés par Joe Biden. Ni Carter, ni lui n’ont pu obtenir le deuxième mandat qu’ils espéraient, le premier parce qu’il avait été battu par Reagan, le second parce qu’il n’était pas en état de se représenter. Là ne s’arrêtent pas les analogies entre les deux hommes, considérés par le public comme des présidents faibles. Le slogan de campagne de Reagan contre Carter était : « Let’s make America great again ». Trump s’est limité à retirer le « let’s », ce qui donne MAGA, et, comme c’est un homme d’affaires, il a déposé son slogan, ce que Reagan n’avait pas fait…

Contrairement à Biden, Carter était un outsider avant d’être élu président des États-Unis en 1976. C’était un ancien gouverneur de Géorgie, un inconnu se détachant grâce à une campagne minutieuse parmi de nombreux autres candidats démocrates contre Gerald Ford, devenu président après le Watergate. Au scandale qui avait conduit à la démission de Nixon, à la sensation du public d’une corruption à la Maison-Blanche, s’ajoutaient alors le marasme économique lié à la crise pétrolière de 1973 et l’humiliante constatation que les Américains présents à Saïgon s’étaient enfuis en panique en abandonnant leurs alliés sud-vietnamiens lors de la prise de la ville par les communistes en avril 1975.

1979, une année historique

Beaucoup rêvaient d’un homme nouveau. Ce fut Carter. Sa victoire contre Ford fut serrée, sa défaite contre Reagan fut massive.

Les hommages après décès ne lui accordent pratiquement qu’un seul succès : les pourparlers entre Begin et Sadate à Camp David, qui aboutiront au traité de paix signé en mars 1979 à la Maison-Blanche. Mais sans l’initiative de Sadate d’aller à Jérusalem et la décision de Begin d’abandonner le Sinaï, rien n’aurait eu lieu.

Carter envisageait le long terme, il a eu sur plusieurs sujets, comme l’énergie, des idées en avance sur son temps, reposant sur ses compétences d’ancien officier de sous-marin spécialisé dans le nucléaire, mais ce fut pendant sa présidence qu’eut lieu en Pennsylvanie l’incident de Three Mile Island qui, bien qu’il n’eût pas fait de victimes, entraîne l’abandon de la construction de centrales nucléaires aux États-Unis.

De plus, Carter ne savait pas manipuler un Congrès pourtant à majorité démocrate car il en ignorait les rouages et ne voulait pas les connaître. La tendance à moraliser de ce baptiste « born again », prêcheur du dimanche dans sa petite ville de Géorgie, devint le masque de son impuissance, comme lorsque dans un discours de juillet 1979, au plus fort de la stagflation et des pénuries de carburant, il blâma les Américains pour leur consommation excessive.

A lire aussi, John Gizzi: Ce que l’Amérique a fait le 5 novembre

En février de cette année, l’ayatollah Khomeini prit le pouvoir à Téhéran. Il institua un régime islamiste violemment anti-américain dans un pays qui était jusque-là pour les États-Unis un allié capital. Carter hésite, essaie de garder un semblant de coopération, mais quand en octobre il accepte, malgré les mises en garde de son entourage, l’entrée du Shah aux États-Unis pour des raisons médicales, les étudiants iraniens téléguidés par le régime envahissent l’ambassade et gardent 52 Américains en otages. Six mois plus tard, critiqué pour son inaction, Carter enclenchera une opération pour les libérer. Un grain de sable, ou plutôt une tempête de sable dans le désert iranien, imprévisible par les moyens techniques de l’époque, en fera un échec retentissant, qui portera le coup de grâce à sa réélection. Bien plus, c’est à Reagan que les Iraniens enverront les otages le jour même de sa prise de fonction, alors même qu’ils avaient obtenu de l’administration Carter, lors de négociations secrètes à Alger, d’énormes avantages financiers (sept milliards de dollars de l’époque) en paiement de rançon.

La même année 1979 voit pendant quinze jours la prise de la Grande Mosquée de La Mecque par des insurgés en révolte contre l’occidentalisation de la monarchie saoudienne. Elle voit aussi et surtout, fin décembre, l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan. Pour lutter contre cette nouvelle avancée communiste, tout en évitant un nouveau Vietnam, les Américains vont armer les moudjahidines afghans, auxquels vont bientôt s’agréger des militants islamistes du monde entier. Ils seront aidés par le Pakistan voisin, où la même année, le Président Zia ul-Haq, allié des Américains, a décrété la charia.

1979 est donc l’année où l’islamisme devient un facteur de la géopolitique mondiale alors que Carter, comme les autres dirigeants occidentaux, tel Giscard d’Estaing, le voyait comme une péripétie folklorique et locale. Ben Laden, les talibans, le Hamas, l’État islamique et l’auteur du massacre du 1er janvier à La Nouvelle-Orléans découlent de cette mauvaise analyse. Utiliser un ennemi pour lutter contre un autre ennemi est un art difficile, encore faut-il savoir qui sont les ennemis….

Des propos maladroits sur Israël

Carter n’était pas, contrairement à son image, un pacifiste béat. Son conseiller Zbigniew Brzezinski était obsédé par le danger communiste et considérait que Kissinger avait laissé trop de marge de manœuvre à l’URSS. C’est Carter qui a poussé à restructurer et moderniser l’armée américaine pour l’adapter aux défis du futur, c’est lui qui a édicté la doctrine Carter qui reste à la base de l’action militaire américaine au Moyen-Orient et stipule que les États-Unis interviendront militairement contre toute agression dans le Golfe persique. Reagan a tiré les bénéfices de cette inflexion, en même temps que l’intervention soviétique en Afghanistan tournait au désastre pour les Soviétiques. Mais le prix à payer de cette lutte contre l’emprise communiste fut de lâcher la bride à l’islamisme.

En s’appuyant sur la Conférence de Helsinki de 1975, que Kissinger avait supervisée sans trop y croire, l’administration Carter utilisa les Droits de l’Homme comme levier contre l’URSS.

Un jeune militant juif, du nom de Anatoli Chtcharanski, porte-parole du groupe de surveillance des accords d’Helsinki, arrêté à Moscou en 1977, écrivit plus tard, devenu Natan Sharanski, qu’il devait la vie au poids que les Droits de l’Homme avaient pris sous Carter.
Mais il fustige les positions de l’ancien président, transformé après son départ de la Maison-Blanche en activiste de ces mêmes Droits de l’Homme et gagnant au passage un Prix Nobel. Carter s’était révélé aussi indulgent envers les États ou mouvements islamistes qu’il était sévère à l’égard des implantations en Cisjordanie, contextualisant les premiers, ne contextualisant pas les secondes.

En 2008, il publia un livre où il parlait d’apartheid envers les Palestiniens. Il prétendit ensuite qu’il avait été mal compris et qu’en réalité, il admirait la démocratie israélienne, mais le mal était fait. Une fois le mot apartheid lâché en pâture au public, Israël devenait l’équivalent de l’Afrique du Sud raciste, avant que le mot de génocide ne l’envoie au niveau de l’Allemagne nazie.

Le vieil homme avait, du fond de sa bonne conscience, nourri une fois de plus l’hydre islamiste et ses alliés. L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Et pendant ce temps, le concours du plus grand gangbang continue…

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La starlette d'Onlyfans Lily Phillips. Capture YouTube.

Alors que Gisèle Pelicot a acquis une notoriété dont elle se serait bien passée, sur le réseau social OnlyFans, des entrepreneuses rêvant de célébrité se font beaucoup d’argent en filmant leurs parties fines avec un nombre d’hommes record.


Des enquêtes suggèrent que le niveau de la libido collective, surtout chez les jeunes, est au plus bas, tandis que les commentaires sur le procès Pelicot nous font croire que les prédateurs masculins sont partout, obligeant les pauvres femmes à se réfugier dans le lesbianisme ou la continence.

Mais les réseaux sociaux, surtout OnlyFans (qui permet un modèle économique fondé sur le paiement à vue pour images et vidéos), nous racontent une autre histoire. Là, des travailleuses du sexe – de véritables Messalines entrepreneuses – mangent des hommes comme des bonbons et se font richement récompenser. La Texane Aella a fêté son anniversaire en février 2024 par une partouze avec 42 de ses fans. Au printemps, l’Australienne Bonne Blue, au cours de trois semaines passées à Cancun, a couché avec 122 vacanciers. À l’automne, elle a passé un mois dans différentes universités anglaises pour coucher avec 157 étudiants en première année. Son objectif déclaré ? Parfaire leur « éducation ». Mais le record appartient à l’Anglaise Lily Phillips qui, à 23 ans, est déjà à la tête d’une fortune de 2,5 millions d’euros. En octobre, elle a relevé le défi d’avoir des rapports sexuels avec 100 hommes en une journée, le tout filmé pour ses abonnés.

À lire aussi, du même auteur: Transition hard

Le 7 décembre, le documentariste Josh Pieters a publié sur YouTube un montage d’entretiens avec la jeune femme réalisés au cours du grand exploit. Devenue virale, la vidéo1 a déclenché un flot de commentaires en ligne et dans des revues comme Marie Claire. Se fondant sur les échanges de fin de journée, tous s’alarment du traumatisme physique et émotionnel que subirait Lily. Certes, elle paraît fatiguée. L’expérience était, selon elle, « dure » mais « intense » et « pas pour toutes les filles ». Elle finit même par sangloter doucement. Mais pour ceux qui regardent jusqu’à la fin, elle en donne l’explication : elle se sent coupable car elle avait promis à ses followers cinq minutes chacun, et certains n’ont eu droit qu’à deux ou trois. Simple réflexe de bonne commerçante !

Une semaine après, Lily Phillips a annoncé qu’en février 2025 elle relèverait le défi de satisfaire 1000 hommes en une journée. Après son assassinat, la vraie Messaline a subi la damnatio memoriae : toute trace d’elle a été effacée du domaine public. L’oubli : voilà le vrai traumatisme que redoutent ses émules numériques.

  1. https://www.youtube.com/watch?v=mFySAh0g-MI ↩︎

Vœux / Dissolution: Macron entre lucidité et défausse

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La journaliste Céline Pina © Bernard Martinez

Le président Macron a présenté pour 2025 des vœux sans souffle ni âme. S’il est mauvais, c’est parce que les Français sont divisés, a-t-il tenté de nous expliquer. Avant de se consoler en se comparant au voisin allemand…


Exercice obligé de chaque 31 décembre, les vœux présidentiels sont une figure de style qui peut être périlleuse quand le tenant du titre est totalement démonétisé. Visiblement, pour la première fois de son existence cathodique, Emmanuel Macron l’a compris et a joué l’humilité. A tel point qu’il s’effaçait même du tableau. La séquence s’est en effet ouverte sur un montage vidéo de quelques minutes qui mettait en avant la réussite collective. Pas de « moi je », mais un « nous » qui n’est pas de majesté mais met en scène l’engagement d’une nation, le dépassement et l’accomplissement commun. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Au moment où la conscience de notre déclin devient impossible à nier, où le niveau scolaire s’effondre, où l’échec de la réindustrialisation est patent et où notre modèle social devient insoutenable sans que les pouvoirs publics réagissent pour sauver l’hôpital, l’Assurance maladie, voire contribuent à aggraver la situation de notre système de retraites, c’était à un cocorico en mode « impossible n’est pas français » qu’Emmanuel Macron nous a convié mardi soir.

Une tentative de prendre de la hauteur pas encore aboutie

Le problème c’est qu’en même temps que le montage vidéo se déroulait, on n’entendait que le sous-texte fort peu subtil des communicants : « faut la jouer collectif, coco ». Fini le temps de l’ego et de l’autojustification en mode passif-agressif qui gâche la plupart des prises de parole du locataire de l’Élysée, vraiment ? Mardi, la posture était claire : il s’agira désormais de se positionner au-dessus de la mêlée, rassembleur, présidentiel en quelque sorte… Un exercice tellement compliqué pour ce président que cela ne pouvait aboutir qu’à cet effacement en début de séquence : la célébration d’une forme de génie français aurait été parasitée par sa présence à l’écran et aurait agacé s’il avait dû la faire face caméra.

Les Français ne lui reconnaissent pas cette capacité d’incarnation. Emmanuel Macron n’a jamais réussi à se dépasser lui-même ; il ne représente la France que sur le papier et toute tentative d’en incarner l’esprit est vue de sa part comme une imposture et une manipulation. Le choix d’une vidéo qui mettait surtout en avant le travail et l’engagement des Français à travers la célébration des JO et de la reconstruction de Notre-Dame était donc une bonne idée puisqu’elle évitait un abcès de fixation : la plupart des Français ont envie de célébrer la fierté d’avoir relevé de ses cendres Notre-Dame mais rechignent à mettre cet exploit au crédit de leur président, alors qu’il n’est pas pour rien dans cet accomplissement. Le choix de cette séquence introductive était donc intelligent mais révèle en creux à quel point la personne du président insupporte puisqu’alors même que la prise de parole était courte, sa présence a dû encore être limitée. Cela affecte directement la deuxième séquence. Celle où il va appeler au « ressaisissement collectif » alors qu’il est le moins en situation de l’inspirer.

Un mea culpa a minima

Mais avant, il fallait en passer par un chemin qu’Emmanuel Macron n’aime guère emprunter :  le mea-culpa. Mais là encore, impossible de trouver un itinéraire bis : il a fallu passer à Canossa et reconnaître que « la dissolution a produit plus d’instabilité que de sérénité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Il faut surtout dire que ses tentatives récurrentes de se présenter en martyr incompris de l’irresponsabilité du monde politique dans son ensemble et de l’inconséquence des électeurs en particulier a exaspéré tout le monde. Amende honorable fut donc faite, certes a minima, mais après tout nul n’aime s’appesantir sur ses fautes, surtout lorsqu’elles résultent d’une incapacité à gérer ses humeurs et ses caprices.

On atteignait là le cœur du discours présidentiel, et ce mea culpa attestait le fait que ce trop immature président a toujours besoin de se poser en Tartarin de Tarascon même quand il rentre la culotte déchirée et la besace vide. Passons sur la rodomontade d’une France qui « continue d’être attractive » alors que les Français ne savent pas où il mène le pays, ne voient pas quel est le projet commun qui les unit et ne se sentent pas défendus alors qu’ils se savent attaqués, mais sur ce point le président n’avait rien à dire au pays. En revanche il avait bien un message à transmettre. A son opposition.

Le rejet permanent de la responsabilité

En effet sa sortie sur la légitimité du parlement « qui représente le pays dans sa diversité et donc aussi dans ses divisions » est une façon à nouveau de rejeter ses responsabilités : il n’est pour rien dans les divisions des Français et ils sont donc responsables de l’impossibilité à gouverner ce pays. Derrière la fausse reconnaissance des erreurs, la défausse continue.

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Mais ce passage visait surtout à mettre en valeur la seule véritable annonce concrète de la soirée, le fait de demander aux Français de « trancher des sujets déterminants ». Pour le grand public, c’est l’annonce de référendums et donc une forme de reprise en main sur la décision publique. Certes cela satisfait les attentes du pays qui n’est pas si divisé sur un certain nombre de sujets essentiels : immigration, sécurité, protection sociale… Mais, il est naïf de croire que cette annonce aura d’autres effets que de permettre au président de tenter de reprendre symboliquement la main. Son but essentiel est de faire passer un message : « je ne démissionnerai pas et si le parlement me contrarie, je passerai par-dessus sa tête pour tenter de retrouver l’onction populaire. » Derrière des vœux « rassembleurs », le rapport de force d’un homme qui ne sait composer avec personne. Et peut-être pas même avec ce peuple qu’il ne voit que comme un outil pour déstabiliser ses adversaires politiques. Aucune vision d’avenir ne se dessine donc au terme de cette séquence.

La reconnaissance de l’échec actuel de l’Europe

Finalement le plus intéressant de ces vœux vient de la reconnaissance de l’échec et de la naïveté de l’Europe. Mais le vœu pieu qui en ressort montre à quel point la prise de conscience ne débouche sur aucune perspective d’action. Cela a d’ailleurs donné lieu à un moment cocasse, celui où le président essaie encore de se dédouaner de son échec personnel en montrant du doigt son homologue allemand. Lui aussi en pleine tourmente politique. Là encore on entend bien la musique de l’irresponsabilité : « je ne suis pas responsable du chaos, regardez l’Allemagne n’est pas en meilleure posture que nous. » Il se trouve que les dirigeants allemands souffrent sans doute de tares identiques aux siennes et ont accumulé les erreurs évitables, comme lui et ses prédécesseurs. Aucun des deux pays n’est une pure victime des circonstances et vouloir nous le faire croire c’est nous désarmer encore et renoncer à nous défendre comme à nous relever. Pour que l’action politique soit crédible encore faut-il qu’elle soit vue comme capable d’avoir une prise sur la réalité. Derrière l’apparence de reconnaissance de la souveraineté populaire, on trouve surtout la démagogie utilisée comme tactique pour gagner du temps. 2025 n’a pas vraiment commencé mais le temps parait déjà long…

Il parait d’autant plus long qu’il a finalement manqué quelque chose d’essentiel à cette cérémonie de vœux : de l’humanité. Ce président à bout de souffle n’a pas eu un mot pour ceux des nôtres victimes de cette idéologie totalitaire qui menace le monde et l’Europe, l’islamisme. Pas un mot sur nos compatriotes otages aux mains du Hamas depuis le 7-Octobre. Pas un mot sur la violence antisémite qui s’abat sur le pays. Pas un mot sur l’embastillement de Boualem Sansal en Algérie. Là où certaines nations mettent un point d’honneur à être toujours là pour leurs citoyens, le président français a lui donné l’impression de s’en laver les mains. En revanche, l’Élysée n’a pas manqué de mettre en avant des causes qui ne nécessitent aucun courage politique. La tentative d’annexion de l’affaire Pelicot dans l’introduction vidéo des vœux était à ce titre dérangeante. Celle qui a fait preuve de courage, c’est Gisèle Pelicot. Mais cette force lui appartient. En revanche, exhiber sa vertu en s’indignant sur cette affaire n’est pas une preuve présidentielle de courage mais d’opportunisme. La condamnation étant unanime, les politiques ne prennent aucun risque à se positionner sur ce dossier… En revanche, ignorer la souffrance des Juifs de France et abandonner un écrivain à son sort pour ne pas engager le rapport de force avec un pays malade et corrompu, choisir d’ignorer que le Hamas a esclavagisé deux de nos compatriotes, c’est choisir de ne pas se tenir aux côtés des citoyens quand ils sont sous la mitraille. C’est choisir aussi de ne pas regarder en face le fait que nous avons sur notre territoire des représentants de ces idéologies violentes et corrompues et que certains siègent jusqu’au parlement – et pas à l’extrême-droite de l’hémicycle. C’est oublier enfin que ces idéologies entendent constituer une armée de réserve et agissent patiemment politiquement sur notre territoire pour y arriver. Le choix du déni plutôt que le soutien apporté à ceux des nôtres otages de conflits qui les dépassent n’est pas étonnant venant de ce président, mais ne présage rien de bon pour 2025.