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Nous sommes tous des fils à papa


Nous sommes tous des fils à papa

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Faut-il se joindre à la meute qui s’est lancée aux basques du jeune Sarkozy, au grand soulagement de Frédéric Mitterrand ? On peut, certes, s’offusquer de voir le fils du président de la République accéder à des fonctions habituellement réservées à des hommes politiques expérimentés. Conseiller général de Neuilly à 22 ans, président du groupe UMP à 23 ans et bientôt président de l’Etablissement public de la défense (EPAD) : une telle carrière n’aurait pas été possible si Jeannot s’était appelé Dugenou et encore moins Mohamed.

Nous sommes là devant un cas flagrant de népotisme politique au sommet qui nous ridiculise aux yeux du monde, et nous disqualifie pour faire la morale aux républiques bananières : la revue de presse internationale sur cette affaire est accablante. Même la télé chinoise se paie la fiole du fils à papa, un comble dans un pays où le comité central du PCC est composé de vieillards, têtes de lignée de familles qui accaparent les postes politiques et administratifs…

Mais examinons les arguments développés par les contempteurs du gendre à Darty : il est, selon eux, scandaleux que la présidence d’un établissement public brassant des sommes d’argent considérables soit confié à un jeune blanc-bec qui rame en deuxième année de Deug de droit à un âge où les brillants sujets terminent leur doctorat.

Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, aucun poste politique – car la présidence de l’EPAD en est un – ne pourrait être confié à quelqu’un ne pouvant présenter moins de bac+8 sur son CV…
Il fut un temps où les partis de gauche et les syndicats faisaient office d’universités parallèles pour sélectionner des cadres politiques dans les classes défavorisées : on a connu des titulaires du certificat d’études dont les mérites gestionnaires valaient bien ceux des hyper- diplômés de la classe politique.

Il n’est pas besoin de citer Corneille, ni d’évoquer les généraux de l’an II pour réfuter l’argument de l’âge qui interdirait à un jeune homme ou une jeune femme d’accéder à des postes de responsabilités importantes. Comme dirait Brassens, l’âge ne fait rien à l’affaire et la seule question qui vaille est celle de la capacité politique à assumer les charges que l’on brigue.

En conséquence l’affaire Jean Sarkozy revient à juger de sa taille par rapport au costume qu’il prétend enfiler. Les électeurs de Neuilly, qui n’ont pas l’air d’être des veaux, si l’on considère le sort qu’ils ont réservé au candidat du président lors des municipales, ont élu Jean Sarkozy au poste de conseiller général. En 2014, ils seront amenés à valider ou sanctionner l’action de cet élu local. Entretemps, il est pour le moins prématuré de le démolir au seul motif qu’il est le fils de son père.

Il semble, sous réserve d’inventaire, que Sarko junior soit moins brêle en politique qu’en droit. C’est après 2017 (ou 2012 si papa mord la poussière) que l’on verra à quel niveau il pourra se maintenir par son seul talent. Gilbert Mitterrand, Louis Giscard d’Estaing, Axel Poniatowski, Martine Aubry sont des fils et filles à papa à qui personne, aujourd’hui ne vient reprocher leurs origines, car ils ont gagné leur légitimité par eux-mêmes après le « coup de pouce » initial.

Reste la grave question du népotisme, cette maladie bien française. La Révolution de 1789 a eu beau abolir solennellement les corporations et promouvoir le mérite comme seul critère d’accession aux postes prestigieux de la République, ce népotisme s’insinue par toutes les brèches de l’édifice de nos institutions.

Les fils et filles de… se retrouvent, comme par hasard, aux premiers rangs des nouvelles générations, dans le show-biz, la littérature, le journalisme ou la politique. Les exemples viendront à l’esprit de chacun, chez les gens célèbres comme dans le voisinage. Les classes populaires ne sont pas épargnées par ce phénomène : j’ai conservé d’une vie professionnelle antérieure le souvenir que le Syndicat du Livre, qui jouissait du monopole de l’embauche dans la presse quotidienne ne traitait pas mal les enfants de ses membres…

Le fromage alto-séquanais a une forte tendance à se déguster en famille : Ceccaldi-Raynaud, Balkany et Sarkozy en sont les actuels parrains et marraines. Parfois, des drames cornéliens déchirent ces familles, pour la plus grande joie des gazettes. Ce n’est pas pire que dans le Paris de Jacques Chirac ou le Languedoc-Roussillon de Georges Frêche.

Dans un pays où les Tanguy se multiplient par temps de crise, saluons la belle énergie d’un rejeton de la bourgeoisie francilienne pour se dégager des délices du cocon familial et se plonger dans le monde de brutes des Hauts-de-Seine.



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