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Montpellier: le collège des kouffars brisés

Céline Pina commente l’affaire Samara et les discours contradictoires de la mère


Montpellier: le collège des kouffars brisés
© Alain ROBERT/SIPA

À Montpellier, dans le quartier de la Paillade, une adolescente de 12 ans a été lynchée à la sortie de son collège. Son tort? Vivre « à l’européenne » et être coquette aurait déclenché la jalousie d’une autre jeune fille qui, elle, porte le voile. L’histoire de Samara, plongée dans le coma à la suite de cette agression, a bouleversé les Français qui y voient l’illustration de l’ensauvagement de leur pays, de l’incapacité de l’État à réagir, le tout sur fond d’un séparatisme islamiste qui fait la police des mœurs dans les quartiers au nom de la réislamisation des communautés maghrébines.


L’affaire Samara est choquante à plus d’un titre : la jeunesse de la victime comme de ses agresseurs, les motifs futiles de l’agression (jalousie pour une jeune fille coquette, embrouilles sur les réseaux sociaux), la violence de ladite agression… Tous ces éléments expliquent le retentissement de cette histoire, mais si elle interpelle autant nos concitoyens c’est aussi pour ce qu’elle révèle de l’atmosphère des quartiers-ghettos entre enfermement communautariste, influence islamiste, trafic de drogue et culte de la violence gratuite. Ce qui fait le cœur, comme la toile de fond de cette agression sordide, est un concentré des maux de notre époque.

Mais s’il y a un élément qui change vraiment la donne, c’est la sauvagerie des agressions et le fait que la perspective du tuer n’est en rien un frein. À 14/15 ans ces jeunes savent parfaitement que shooter dans la tête et le corps d’une personne à terre peut tuer. C’est en toute connaissance de cause qu’ils se déchainent et en général ils n’ont aucun remords. Le psychiatre Maurice Berger indique que, souvent, seule la sanction peut leur faire prendre conscience que donner la mort est mal. Il raconte dans son livre sur l’hyperviolence des jeunes que certains se déresponsabilisent en expliquant qu’après tout mourir est notre lot et qu’ils n’ont fait qu’accélérer l’échéance. Il raconte l’histoire de ce jeune qui, confronté à la douleur de la mère de l’enfant qu’il avait tué, répond au psychiatre qu’elle n’a qu’à en faire un autre et qu’il faut avancer dans la vie.

C’est sans doute ce type de sauvagerie que l’on retrouvera chez les assassins d’un élève de 15 ans du collège des sablons à Viry-Châtillon. Lui aussi a été lynché par une petite bande de jeunes. À la différence de Samara, il n’a pas survécu.

Le collège mis en cause

Dans le cas de Samara, la mère de la victime en veut particulièrement à l’administration du collège. Selon son témoignage, non seulement elle aurait alerté les responsables sur le harcèlement que subissait sa fille, sans que cela ne suscite de réactions ; mais il semblerait que l’élève mise en cause dans le lynchage avait déjà appelé un an plus tôt au viol de Samara. Elle n’aurait pourtant écopé que d’un renvoi de deux jours, aucun signalement n’étant fait malgré la gravité des faits. Si cela était avéré on se demande pourquoi la sanction a été traitée au niveau du collège alors que de tels comportements relèvent de la Justice.

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Mais surtout, le jour de l’agression, la mère aurait demandé à l’institution de veiller à ce que sa fille ne sorte pas avant qu’elle-même n’arrive, un professeur l’ayant averti qu’un comité d’accueil musclé attendait la collégienne à la sortie de l’établissement. Hélas la consigne n’aurait pas été transmise et la jeune fille s’est retrouvée dehors. Pour son plus grand malheur.

Le principal s’inscrit en faux contre ces accusations ; il n’aurait pas été informé du harcèlement et il n’y aurait aucune trace de la demande de la mère. Sur ce point, seule l’enquête nous dira précisément le déroulé des événements.

En fond d’écran, la réislamisation des quartiers

Interrogée sur les causes profondes qui ont pu motiver une telle agression, la mère ne voit, pour expliquer cette explosion de violence, que la jalousie d’une jeune fille voilée envers la liberté de sa fille. Jeudi 4 avril, interviewée devant le collège, elle s’étonne de la dimension religieuse du harcèlement subi, sa fille se faisant traiter de mécréante alors qu’elle est de confession musulmane, comme ceux qui l’ont agressée. Sauf qu’elle n’est pas assez musulmane selon la logique islamiste. En effet, sa mère raconte que Samara est une jeune fille coquette, qui aime se maquiller, se teindre les cheveux. Elle s’habille même « à l’européenne » – comprendre : elle n’est pas voilée, ne porte ni abaya, ni vêtement ample et long pour cacher ses formes. Elle se fait donc traiter de kouffar et de kahba (de mécréante et de pute, en arabe), autrement dit de femme peu respectable, qui mérite d’être corrigée parce qu’elle offense la religion. Mais ça c’est avant d’arriver sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste. Là, la femme qui tenait ce discours face caméra de façon spontanée, change sa version.

Disparue la mère qui s’exprime de façon très directe. Tout d’un coup celle-ci se met à lire un texte qui lui a manifestement été concocté et dans lequel elle dit que sa fille est pieuse, fait sa prière cinq fois par jour et accusé l’extrême-droite de vouloir « salir sa religion ». Alors qu’elle dénonce l’instrumentalisation de l’histoire de Samara par l’extrême-droite, cette mère de famille montre tous les signes d’une reprise en main communautariste et religieuse.

La volonté séparatiste alimente la violence

À l’origine du conflit entre les adolescentes, il y a probablement une jalousie ou une rivalité entre filles. Le conflit a donc une dimension interpersonnelle, mais s’il prend de telles proportions et s’envenime à ce point, c’est parce qu’il se passe sur fond de réislamisation de ces quartiers. Or cette réislamisation se fait par le séparatisme : il faut distinguer le musulman des autres et cela doit se traduire par l’affichage des marqueurs de la religion, par le fait de faire primer l’appartenance à la communauté des croyants sur toute autre appartenance. Il s’agit de rendre ainsi impossible l’assimilation et l’acceptation des lois et des valeurs contraires à la charia, comme l’égalité homme/femme, la liberté de conscience ou d’expression. Et cette volonté de contrôle du territoire passe par l’imposition de marqueurs communautaires visibles. Le voile en est l’un des meilleurs, et ce n’est pas un hasard si la fille qui a failli tuer Samara est voilée. Cela participe de son sentiment de supériorité et de la légitimité qu’elle accorde à la violence qu’elle va déchainer sur Samara.

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En effet, dans la tête d’une personne sous influence des représentations islamistes, la femme voilée est une femme pudique, respectable et qui se respecte, une bonne musulmane. En revanche, la femme non voilée est une pute occidentalisée, qui trahit à la fois ses origines et sa religion, c’est une mauvaise musulmane.  Dans cette vision du monde, être traité de Kouffar quand on est musulman équivaut à la fois à un rejet et à une condamnation. Dans des têtes influençables et peu éduquées, cette insulte est le premier pas vers la déshumanisation. Cela finit par donner cette sauvagerie gratuite. Par ce biais, le conflit individuel peut être transformé en offense à Dieu, ce qui permet de faire croire que l’on ne règle pas des comptes mais que l’on ne fait que rendre justice. Et souvent c’est ainsi que des actes atroces sont justifiés et validés dans ce type de quartier. Rappelez-vous l’histoire de Shaina, une jeune fille de 15 ans, brûlée vive à Creil par le garçon qui l’avait mise enceinte ; il faut lire la façon dont certains garçons de ce quartier parlaient de cette histoire, se montrant compréhensif vis-à-vis des atrocités commises par le petit ami parce que la jeune fille « était une pute ». C’est cette lecture du monde qui explique aussi une part de l’explosion de violence.  Il s’agit, au nom de l’allégeance islamiste, de faire la chasse au musulman qui voudrait montrer qu’il estime pouvoir vivre sa foi en respectant le cadre républicain, ses principes et ses idéaux. Or pour un islamiste, un tel homme ne saurait être reconnu comme un bon musulman.

Entre barbus et bédo

Ce qui est intéressant dans l’évolution du discours de la mère de Samara, c’est la rapidité de sa reprise en main. Cela nous indique qui est craint dans ce quartier de la Paillade. Et ce n’est pas l’État français, manifestement.

En effet, le quartier où se déroule cette histoire n’est pas franchement le Beverly Hills de Montpellier. La Paillade est un des quartiers-ghetto les plus mal famés de France, un véritable repoussoir. Au point qu’il fallut le rebaptiser. Mais tout le monde à Montpellier continue de dire la Paillade. Là-bas, on vit entre barbus et bédo. Religion et trafic de drogue. Vous vous en doutez, ce n’est pas le quartier le plus débordant de mixité sociale.

En ne combattant pas l’islamisme, ce sont les musulmans qui ne voient pas de tension entre leur foi et la France qui se voient traités de mauvais musulmans. Les témoignages de la mère de Samara sont forts parce qu’elle dit de façon très directe comme indirecte, par ses revirements, le poids de la religion dans le quartier. Nous aurions aimé lui dire qu’il y aura un avant et un après l’agression de Samara. Mais nous, comme elle, savons que c’est faux. Elle en a d’ailleurs tiré la conclusion logique, et a fait allégeance aux Barbus. Après avoir revendiqué la liberté de sa fille, elle la présente maintenant en Madone des mosquées. Il est probable que cela soit plus efficace que l’intransigeance affichée dans les tweets gouvernementaux pour protéger la collégienne.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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