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Montebourg: une candidature qui fera pschiit?


Montebourg: une candidature qui fera pschiit?
Arnaud Montebourg lors de la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse (Photo : SIPA.00768770_000008)
Arnaud Montebourg lors de la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse (Photo : SIPA.00768770_000008)

Le faux suspense n’aura pas duré. Depuis dimanche, Arnaud Montebourg est officiellement candidat à la présidence de la République, au motif que le bilan de Hollande ne serait « pas défendable ». Dans son fief de Frangy-en-Bresse, le héraut de la démondialisation cru 2011-2012 a remis le couvert, mâtinant son discours de clins d’œil au non-alignement gaulliste, histoire de se démarquer des deux précédents quinquennats. Voyant dans le refus de nationaliser Florange le péché originel du hollandisme présidentiel, Montebourg justifie son aventure personnelle — à l’intérieur ou en dehors des primaires de la gauche — par le renoncement de la gauche à incarner une alternative économique. Vieilles lunes néokeynésiennes, jureront certains, persuadés que l’ordolibéralisme bruxellois devrait s’imposer à tous, version May, Macron ou Renzi, suivant que vous soyez souverainiste britannique, social-libéral français, ou démocrate italien.

Le service pour tous ? Un peu court…

Je ne m’étendrai pas sur ces questions économiques, du reste passionnantes. Pas seulement par incompétence crasse dans ce domaine, mais parce qu’Arnaud Montebourg déroule déjà un argumentaire fort étayé en la matière. On serait plutôt tenté de critiquer ce qu’il ne dit pas, empêtré qu’il est dans un économisme forcené. De ce point de vue, l’ancien ministre du Redressement productif est l’exact inverse des impétrants à la primaire de la droite, lesquels rivalisent de propositions austéritaires impopulaires qu’ils maquillent sous des slogans identitaires en écho aux préoccupations des Français. Pour se démarquer de Juppé, zélote de « l’identité heureuse », Sarkozy parodie l’anaphore hollandienne, avec sa dose de boursouflure : « Il n’y a pas d’identité heureuse lorsque les règles de la République sont à ce point bafouées. Il n’y a pas d’identité heureuse lorsqu’on accepte des accommodements “raisonnables” par souci prétendu d’apaisement», écrit l’ex-chef de l’Etat. Il n’y a pas d’identité nationale heureuse quand la politique menée conduit à ce qu’il n’y ait plus une seule France, mais une agrégation de communautés, d’identités particulières, où le droit à la différence devient plus important que la communauté de destin. »

Que nous dit Arnaud Montebourg pour répondre à l’exaspération des Français, ulcérés par la multiplication des attentats et des revendications victimaires ? D’après une enquête Ipsos, seuls 11% de nos compatriotes pensent que l’immigration est une chance pour la France. Montebourg est assurément de ceux-là puisqu’il qualifie les polémiques sur le burkini d’« affaire subalterne » et propose de conjurer le péril terroriste par la réintroduction d’un service civique ou militaire général. Très bien, mais un peu court, jeune homme : rétrospectivement, imagine-t-on rééduquer à coups de crédos laïques et vivre-ensemblistes les Merah, Kouachi ou Coulibaly avant qu’ils ne commettent l’irréparable ? Dans son livre d’entretiens avec Gérard Berréby, l’ex-situationniste belge Raoul Vaneigem se souvenait de ses vertes années de service militaire durant lesquelles il comptait faire un usage révolutionnaire du maniement des armes. On cauchemarde devant l’instrumentalisation du service que feraient des « loups solitaires » dissimulés sous des discours lénifiants, jusqu’au jour où leurs cellules dormantes se réveilleraient.

Mais dans la mythologie montebourgeoise, parfaitement sympathique au demeurant, le redressement économique tient lieu de redressement moral. C’est à regretter que Montebourg n’écoute pas davantage le courageux Malek Boutih, plutôt que d’exhiber ses quartiers de noblesse immigrée en rappelant pour la cinq-millième fois l’origine algérienne de son grand-père maternel.

Beaucoup rétorqueront qu’il n’y a point de salut à chercher sur le terrain identitaire et sécuritaire du côté de la gauche. On leur opposera la lucidité d’un Chevènement, ou même la légère inflexion de l’infatigable militant de la laïcité Jean-Luc Mélenchon qui en viendra peut-être à appeler les islamistes par leur nom si la saignée terroriste continue.

Le candidat des CSP+ mal-pensantes ?

En 2012, la cavalcade de Montebourg faisait souffler un vent frais sur la primaire du PS. Le troisième homme parlait démondialisation, protectionnisme et même (un peu) de souveraineté. Certes, l’ex-jeune fabiusien estimait déjà que l’immigration et les entorses au mode de vie français (prières de rue, voile, refus de la mixité…) relevait de problèmes imaginaires, agités par le Front national. Mais ses 17% des suffrages aux primaires de la gauche n’étaient pas volés.

Cinq ans plus tard,  en plein état d’urgence, alors que la menace terroriste n’est pas près de disparaître, Montebourg se cantonne à jouer le rôle du candidat des CSP+ mal-pensantes. Un peu à la manière du phénomène Bernie Sanders, dans lequel Lauric Henneton reconnaît la révolte anti-élites de la jeunesse diplômée. Tel Trump raflant la mise de la working class blanche, Marine Le Pen récupérera les voix des déclassés. Vampirisé par ses tabous, l’ancien député de Saône-et-Loire se retrouvera lui piégé par le processus des primaires qu’il a enclenché.

Qu’il se lance à l’intérieur du PS et c’en sera fini de sa singularité, puisque la participation au primaire vaut quitus final à François Hollande. Qu’il tente une aventure solitaire, ses adversaires socialistes auront beau jeu de railler le concepteur des primaires, contempteur de la Ve République, élancé dans une échappée solitaire gaullienne, le tout sans parti structuré ni programme innovant.

Montebourg mise sans doute sur la déconfiture de la gauche à la présidentielle afin de préparer l’après-Hollande. C’est oublier qu’aux yeux d’une majorité de Français, les hommes du passé seront aussi ceux du passif.



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est journaliste.

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