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Mike Johnson: le bosseur qui présidera la Chambre des représentants

C'est un conservateur entier qui prend la présidence de la Chambre des représentants, après des semaines de chaos


Mike Johnson: le bosseur qui présidera la Chambre des représentants
Mike Johnson, nouveau "speaker" du Congrès américain, le 25 octobre 2023. ©Shutterstock/SIPA

Qui est le nouveau président de la Chambre des représentants, Mike Johnson ? Quelles sont les convictions de cet homme qui a réussi à faire ce que d’autres ont échoué à faire : réunir une majorité ? Son secret réside dans sa capacité de travail sur des dossiers d’importance régalienne. Explications de Randy Yalloz, président de Republicans Overseas France.


Le mercredi 25 octobre, le conservateur social Mike Johnson a été élu 56ème président de la Chambre des représentants des États-Unis, à 220 voix contre 209. Ce verdict, qui a suivi « une période chaotique de vingt-deux jours sans chef de la Chambre »[1] (The Hill), propulse l’avocat louisianais au poste de deuxième personne dans l’ordre de succession présidentielle après la vice-présidente.

Méconnu du public français, Johnson « a fait ce que les trois candidats qui l’ont précédé n’ont pas pu faire »[2] (The New York Times) : rallier derrière sa candidature l’écrasante majorité de la droite américaine. Mais loin d’être un de ces pragmatiques sans doctrine qui font l’union sans convictions, Johnson est l’homme d’un système de pensée clair, qu’il appelle « Les sept principes fondamentaux du conservatisme »[3], système de pensée qui, selon lui, représente une forme de continuité dans la doctrine du Parti républicain, au-delà des conflits de personnes. Quels sont ces principes et comment Mike Johnson a-t-il cherché à les incarner sur le plan pratique ? (Les citations liminaires définissant chaque principe sont tirées d’une conférence en ligne donnée par Mike Johnson le 4 juillet 2023).

1) La liberté individuelle : persécution religieuse, fin de l’obligation vaccinale pour les soignants et omerta du renseignement

« En Amérique, nous proclamons les vérités évidentes que nous sommes tous créés égaux et que Dieu nous accorde les mêmes libertés inhérentes », affirme Johnson. « Le but du gouvernement est de garantir ces droits ».

En mars, Johnson a dénoncé « le ciblage récent des catholiques par le FBI », avec pour preuve un mémo interne dans lequel les adeptes de la messe en latin sont qualifiés de « catholiques radicaux-traditionalistes » et accusés d’« adhésion à une idéologie antisémite, anti-immigration et suprématiste blanche »[4] (The Post Millennial).

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Le 10 mai, Johnson enjoint le Département de la Santé et des Services sociaux à mettre immédiatement un terme à l’obligation vaccinale pour les professionnels de la santé, alors même que l’administration Biden projette « une pénurie de plus de 78 000 infirmières diplômées à temps plein d’ici 2025, une pénurie de 3 millions d’agents de santé essentiels à faible salaire au cours des 5 prochaines années et une pénurie prévue de près de 140 000 médecins dans 10 ans ».[5]

Le 18 du même mois, Johnson qualifie de « dégoûtant » le traitement par le FBI qui, de manière systématique, punit tous les lanceurs d’alerte qui dénoncent les abus perpétrés par cette agence fédérale.

2) Un État minimal : budget exorbitant bâclé, oppression du peuple par les pouvoirs publics et bureaucratie illégitime

« Pour défendre la liberté individuelle, le gouvernement doit être réduit » affirme Johnson. « Le fédéralisme, la décentralisation des pouvoirs et l’élimination des réglementations et de la bureaucratie inutiles contribuent à faire en sorte que le gouvernement soit au service du peuple, et non l’inverse ».

Le 25 décembre 2022, Johnson dénonce une loi de finances pour 1,7 billions de dollars « écrite à huis clos, publiée lundi soir et soumise à un vote avant que quiconque puisse le lire – et encore moins en débattre ou l’amender »[6] (The Post Millennial).

Le 24 janvier, Johnson reproche à l’administration Biden « d’avoir poussé les agences fédérales à « se retourner contre » les citoyens plutôt que d’assurer la sécurité des Américains ».[7] (The Shreveport Times).

Le 26 juillet, Johnson dénonce la doctrine dite de la « déférence Chevron », qui, suite à une décision de la Cour suprême de 1984, permet « à des bureaucrates non élus de subvertir l’autorité législative du Congrès et qui limite de manière anticonstitutionnelle le contrôle judiciaire »[8]. Bref, cette décision permet à des agences gouvernementales de faire leur propre interprétation de certains termes dans les textes votées par les élus – et sans que les tribunaux puisse les contrôler.

3) L’état de droit : surveillance illicite, interdiction des dernières drogues dures et contrôle efficace à la frontière

« Nous connaissons « un gouvernement de lois et non d’hommes » », affirme Johnson. « La transparence et la responsabilité sont les clés d’un bon gouvernement, et le Congrès doit s’acquitter fidèlement de sa responsabilité constitutionnelle de contrôle ».

Le 27 janvier 2022, Johnson exige du directeur du FBI qu’il fournisse « des détails sur les efforts visant à freiner l’utilisation par le bureau de mandats d’espionnage sur les citoyens américains approuvés par un tribunal fédéral secret »[9] (The Washington Times).

Le 16 mars de cette année, Johnson propose une loi « visant à classer de façon permanente le fentanyl illicite comme stupéfiant de catégorie I »[10] (Minden Press-Herald). Cette catégorie est celle des « produits sans usage médical actuellement accepté et présentant un risque élevé d’abus ».[11] Le fentanyl est jusqu’ici « approuvé par la Food and Drug Administration pour une utilisation comme analgésique et anesthésiant » (DEA)[12].

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Le 25 juillet, Johnson propose une loi « de bon sens pour sécuriser les frontières » qui supprimerait « les restrictions imposées aux agents des douanes et de la patrouille frontalière dans les zones « sauvages » désignées par le gouvernement fédéral le long de la frontière sud »[13].

4) La puissance au service de la paix : fin de l’obligation vaccinale pour les militaires, danger des drones et dépolitisation de l’armée

Selon Johnson, « La première obligation du gouvernement fédéral est de protéger notre territoire et nos intérêts stratégiques à l’étranger. Les États-Unis doivent maintenir des investissements adéquats dans leurs capacités militaires afin de dissuader toute agression. »

Le 8 décembre 2022, Johnson se réjouit d’un budget de « près de 300 millions de dollars pour des projets d’investissement militaires spécifiques en Louisiane » et applaudit « un amendement visant à abandonner l’obligation vaccinale pour les militaires »[14] (The Shreveport Times).

Le 29 juin, Johnson a proposé une loi pour « renforcer l’autorité accordée au ministère de la Sécurité intérieure et au ministère de la Justice en ce qui concerne les aéronefs sans pilote »[15], avançant qu’« à mesure que le marché des systèmes d’aéronefs sans pilote se développe, il est extrêmement important que nos forces de l’ordre soient équipées des outils nécessaires pour contrer toute menace potentielle »[16].

Le 14 juillet, Johnson « a salué l’adoption bipartite de la Loi sur l’autorisation de la défense nationale pour l’année fiscale 2024 (NDAA) », dont les provisions lui faisaient dire : « Nos soldats ne devraient pas être accablés par une politisation excessive de la part de l’administration Biden et par un endoctrinement d’extrême-gauche, et la NDAA de cette année garantit que nos forces armées auront un seul objectif : assurer notre défense nationale »[17].

5) La responsabilité fiscale : financement des secteurs clef, sauvegarde des réserves de pétrole et prévention de la banqueroute

« Parce que le gouvernement a refusé de vivre dans les limites de ses moyens, l’Amérique est confrontée à une crise de la dette et des dépenses sans précédent », affirme Johnson. « Le Congrès a le devoir de résoudre la crise et de rétablir l’ordre dans les processus budgétaires et d’affectation des crédits ».

Le 12 janvier 2022, Johnson annonce une subvention de 500 000 de dollars pour l’Université du Sud à Shreveport en Louisiane afin de stimuler les emplois dans l’aviation , estimant qu’il était « impératif que nous disposions d’une main-d’œuvre dynamique pour répondre aux demandes de notre économie en évolution rapide »[18].

Le 8 juillet 2022, Johnson dénonce l’exportation d’une partie de la Réserve Stratégique de Pétrole des États-Unis vers plusieurs pays et notamment la Chine, rappelant que « la Réserve Stratégique de Pétrole, bien sûr, est là pour protéger notre pays en cas d’événement imprévisible, comme un attentat terroriste, une catastrophe naturelle, etc. Ce n’est pas la caisse noire énergétique personnelle du président »[19] (Breitbart).

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Le 31 mai de cette année, Johnson déclare, lors du passage du Projet de loi sur la responsabilité fiscale : « J’ai voté ce soir en faveur de la loi sur la responsabilité budgétaire pour éviter la première banqueroute de l’histoire de notre pays. […] Les experts s’accordent à dire que la cote de crédit des États-Unis subirait une baisse douloureuse, que notre monnaie serait irrémédiablement endommagée, qu’une récession profonde et prolongée pourrait être déclenchée, que les taux d’intérêt augmenteraient, que les revenus diminueraient, que les comptes de retraite seraient drainés et que les familles qui travaillent dur et qui sont déjà en difficulté seraient gravement affectées ».[20]

6) Des marchés libres : Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), pas de devoir sans droit ni de droit sans devoir et intérêts énergétiques

« Le gouvernement est souvent le plus grand obstacle au progrès et à la prospérité des peuples libres », selon la doctrine johnsonienne. « Le système de la libre entreprise récompense le travail et le dévouement et constitue la base et le génie de l’économie américaine ».

Le 19 décembre 2019, Johnson salue la signature de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique qui, selon ses calculs, « ajoutera plus de 68 milliards de dollars à notre économie, créera 176 000 emplois et augmentera la quantité de produits « made-in-America » sur tout le continent ».[21]

Le 23 avril 2020, Johnson déclare à propos de la Loi sur la protection des salaires et l’amélioration du système de santé, qui est sur le point de passer : « Nous pouvons protéger des vies et des gagne-pains en même temps ; et même : nous le devons ».[22]

Le 27 janvier 2021, il dénonce la « guerre contre le pétrole et le gaz » du président Biden, estimant qu’« en supprimant unilatéralement l’oléoduc Keystone, en réengageant les États-Unis dans l’Accord de Paris bancal sur le changement climatique et en gelant désormais la production d’énergie sur nos terres fédérales […] le président Biden a déjà assuré qu’il augmenterait les prix de l’énergie, éliminerait les emplois liés à l’énergie et rendrait notre pays plus dépendant du pétrole étranger ».[23] (Houma Today)

7) La dignité humaine : idéologie de genre ponctuelle, défense des organisations pro-vie et dénonciation de l’idéologie de genre généralisée

Johnson croit que, « Parce que tous les hommes sont créés égaux et à l’image de Dieu, chaque vie humaine a une dignité et une valeur inestimables ». Par conséquent : « Chaque personne ne doit être jugée qu’à l’aune de son caractère ».

Le 19 octobre 2022, Johnson propose « une nouvelle loi qui interdirait l’utilisation de fonds fédéraux pour des programmes sexuellement explicites, telle que la vague de spectacles de drag shows et de lectures aux enfants par des drag queens qui a déferlé à travers le pays »[24] (Fox News).

Le 12 janvier 2023, Johnson propose une résolution pour condamner « les faits récents de vandalisme, de violence et de destruction contre des établissements pro-vie » et reconnaître « le caractère sacré de la vie et le rôle important que jouent les établissements, groupes et églises pro-vie dans le soutien aux femmes enceintes, aux nourrissons et aux familles ».[25] (Fox News)

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Le 27 juillet, en tant que président de la Commission judiciaire sur la Constitution et le Gouvernement limité, Johnson conduit une audience « sur les effets néfastes des « soins d’affirmation de genre » pour les enfants », au cours de laquelle il atteste que « nous voyons des adultes faire du mal à des enfants sans défense pour affirmer leur vision du monde : que le genre est fluide, que le sexe peut être modifié chirurgicalement et qu’il n’y a pas de conséquences durables des suites de ces procédures de transition de genre ». Il ajoute que « la portée des politiques radicales sur l’identité sexuelle ne se limite pas aux jeunes enfants. Nous constatons que cela s’étend aux jeunes adultes, surtout au niveau universitaire. […] Aujourd’hui, près d’un lycéen sur quatre s’identifie comme LGBTQ. Que ce soit par le scalpel ou par la coercition sociale des enseignants, des professeurs, des administrateurs et des médias de gauche, c’est une tentative de transformation de toute la jeunesse de notre pays. »[26]

On l’aura compris : c’est un conservateur entier qui prend la présidence de la Chambre des représentants. À l’approche des présidentielles, il est probable qu’un personnage de la carrure discrète mais complète de Mike Johnson joue un rôle structurant majeur dans la politique américaine pour le quadriennat à venir.

Mike Johnson interviendra le 10 novembre prochain à l’occasion de la première édition de la Worldwide Freedom Initiative, le dialogue transatlantique des leaders des droites d’Occident, ainsi que de nombreuses autres figures majeures des milieux conservateurs américain et européens.


[1] https://thehill.com/homenews/house/4274127-house-republicans-speaker-mike-johnson-live-coverage/

[2] https://www.nytimes.com/live/2023/10/25/us/house-speaker-vote-mike-johnson

[3] https://mikejohnson.house.gov/7-core-principles-of-conservatism/

[4] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1281

[5] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1237

[6] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1237

[7] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1267

[8] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1328

[9] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1033

[10] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1279

[11] https://www.dea.gov/drug-information/drug-scheduling

[12] https://www.dea.gov/sites/default/files/2020-06/Fentanyl-2020_0.pdf

[13] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1326

[14] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1226

[15] https://houlahan.house.gov/uploadedfiles/houlpa_counter-drone_legislation.pdf

[16] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1306

[17] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1311

[18] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1018

[19] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1162

[20] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1302

[21] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=657

[22] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=742

[23] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=75

[24] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1213

[25] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1255

[26] https://mikejohnson.house.gov/news/documentsingle.aspx?DocumentID=1329



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Avocat franco-américain et associé fondateur du cabinet Euro Legal Counsel Group, Président de Republicans Overseas France

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