Mélenchon enfin cohérent?


Mélenchon enfin cohérent?
Jean-Luc Mélenchon lors de sa déclaration de candidature (Photo : SIPA.00742460_000011)

Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2017 mercredi dernier. Cette annonce a pris de cours tant ses « bons amis » du PCF, auquel il est uni par les accords du Front de gauche que certains des militants du Parti de gauche lui-même. Pour tout dire, cette annonce semble relever de la décision si ce n’est personnelle, du moins partagée entre un tout petit nombre de personnes.

Ce faisant Jean-Luc Mélenchon adopte le modèle « gaulliste » originel. Il n’est pas sans ironie que celui qui est explicitement le plus grand pourfendeur des institutions de la Vème République, au point d’appeler à un changement de ces institutions avec l’appel pour une « VIème République », soit obligé d’endosser une posture gaullienne.

Une candidature de défiance

Cette candidature, et ceci est une évidence, est un acte de défiance contre le « régime des partis », cette chose justement que dénonçait le Général de Gaulle. Ce « régime », nous le voyons effectivement à l’œuvre dans les « combinaisons » multiples qui s’échafaudent aujourd’hui pour tenter d’étrangler l’expression d’une réelle gauche face à l’effondrement et au discrédit de la « gauche » de pouvoir.

Cette dernière, que représentent (et l’on évitera de dire illustre) tant François Hollande que Manuel Valls ou Emmanuel Macron, est aujourd’hui à bout de souffle. De trahisons en trahisons – et ces dernières ont commencé dès l’élection de François Hollande dans le refus de renégocier réellement le TSCG – cette « gauche » de pouvoir, accrochée à ses prébendes, ses sinécures et ses avantages telle l’arapède à son rocher, s’est avérée une catastrophe pour la France. On se lasse d’énumérer tous les reniements, de la sidérurgie à l’Education nationale, des actions contre la montée du chômage au revenu des ménages, et à l’international de l’inaction érigée en principe à l’aplatissement serviles derrière les Etats-Unis.

La comédie de la « primaire », qui fut au départ engendrée par la méfiance justement qu’inspirait Hollande à certains, mais qui fut rapidement récupérée par les hiérarques de toute obédience, avait pour but d’étrangler l’expression d’une gauche véritable. Jean-Luc Mélenchon ici renverse la table et met fin à cette opération en déclarant sa candidature. Il renvoie les dirigeants du PCF à leurs contradictions. Les glapissements que ces derniers poussent dans les médias le prouvent bien.

L’impératif de cohérence

Il reste qu’il ne suffit pas d’endosser une posture gaullienne pour en avoir la stature. Car, pour chercher à passer au-dessus de la tête des partis, en s’adressant directement au peuple, encore faut-il avoir quelque chose à lui dire. Il faut être au clair sur l’articulation entre les intérêts du peuple et ceux de la Nation. Il convient de ne pas hésiter sur la question de la souveraineté. Cela implique de désigner clairement qui est l’ennemi, mais aussi d’en tirer toutes les conséquences.

La décision de Jean-Luc Mélenchon peut le libérer du lacis des compromis qu’il était obligé de passer quotidiennement et qui avaient fini par l’étrangler, par ôter à son action toute lisibilité et toute cohérence. Il devra cependant dire rapidement quelle serait son attitude dans le cas – que bien entendu on ne souhaite pas mais qu’il convient d’évoquer – où il ne serait pas présent au second tour de cette élection. On ne peut se dresser pour dénoncer les anciennes trahisons, prévenir les trahisons futures, et porter l’étendard d’une véritable révolte, et finir par accepter de se couler dans le moule d’un système honnis.

La décision de Jean-Luc Mélenchon a pour elle la force de la logique. On a dit sur ce carnet que ce serait sa dernière chance. Mais, cette décision impose aussi un effort de mise en cohérence. C’est sur ce point que l’on jugera si Jean-Luc Mélenchon s’est réellement hissé au niveau nécessaire pour peser sur l’avenir de la France.

Retrouvez cet article sur le blog de Jacques Sapir



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économiste, spécialiste de la Russie.

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