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Et si LREM cessait de nous faire la morale?

Les prises de parole du gouvernement ne sont pas politiques, elles sont morales


Et si LREM cessait de nous faire la morale?
De gauche à droite: Cedric Brugiere, Marlene Schiappa, Benjamin Griveaux et Stanislas Guerini de LREM, Paris, 28 janvier 2019. ©Jacques Witt/SIPA / 00892858_000042

La réponse du gouvernement au mouvement des gilets jaunes, et aux Français en général, n’est pas politique: elle est presque systématiquement morale. 


On aime bien, du côté du parti médiatique et de LREM donner des leçons de morale. Attention, pas des leçons de politique, mais des leçons de morale. On ne vous parle pas en termes politiques parce que vous ne pourriez pas comprendre. Vous êtes trop bêtes, vous le savez bien, ils vous l’ont dit, le président et ses sbires : vous n’êtes pas foutu de traverser la rue pour trouver un job, vous êtes juste bon à fumer des clopes et rouler au diesel. Et quand on vous donne des minima sociaux, comme dit le président, il y en a qui trouvent encore le moyen de « déconner » (sic).

Pars de là, « bien » et « mal »

Bref, on ne vous dit pas : « C’est juste ou injuste », ce qui serait politique. On vous dit : « Ce que vous faites est bien ou ce que vous faites est mal », ce qui est de la morale. Ça ne remonte pas à hier. Le bon ouvrier, pour les patrons du XIXe, c’était celui qui ne buvait pas, qui ne battait pas sa femme mais surtout qui ne se syndiquait pas et ne tenait pas dans les estaminets des discours de « partageux ».

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C’est d’ailleurs en ça que La République en Marche est bel et bien, au sens marxiste du terme, un parti bourgeois. Son coup de génie, c’est d’avoir transcendé les petites différences sociétales pour montrer au bourgeois communicant en fringues ethniques du XIe arrondissement et au bourgeois notaire à Montargis en Old England, que ce qui les unissait, au fond, était plus fort que ce qui les séparait.

L’Etat, bon père de famille

Un exemple parmi d’autres d’un discours moral, celui sur la dette, la fameuse dette. La métaphore pour culpabiliser les Français est toujours la même : on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on a, l’Etat doit être un bon père de famille, et puis ce sont nos enfants qui vont payer même si on a surtout l’impression diffuse que ce qu’ils vont surtout payer, nos enfants, c’est les conséquences écologiques épouvantables de notre mode de production.

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Il resterait à prouver qu’un Etat et une famille aient quelque chose de commun, même métaphoriquement, mais on préfère vous culpabiliser comme des ados à problèmes. Jamais on ne vous dit de quoi cette dette est le nom, si elle été contractée dans l’intérêt général ou pour des minorités déjà privilégiées ? Si on peut alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations ? On rappellera ce qu’en pensait Maurizio Lazzarato dans Gouverner par la dette : « La dette constitue une nouvelle technique de pouvoir. Elle sert à détruire les résistances résiduelles (salaires, revenus, services) à la logique néolibérale. »

La politique, c’est parler du juste et de l’injuste

Ce discours moral, il a joué et continue à jouer à plein contre les gilets jaunes. Dès le début, il a été hors de question de les considérer comme autre chose que des Jacques mal-élevés et quand ils ont demandé de quoi bouffer on leur a dit : « C’est pas possible, vous devriez avoir honte ! » Les gilets jaunes ont alors répondu politiquement à un discours moral : pour le dire gentiment, ils ont mis le boxon. Et, miracle, la réponse morale et méprisante du gouvernement est devenue politique : « Bon, ok, finalement, 12 milliards, ça va être possible ! »

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Mais, comme une fois cette aumône accordée, le mouvement a continué, alors on a recommencé avec la morale et on a parlé du bien et du mal plutôt que du juste et de l’injuste. Il fallait séparer les méchants casseurs des bons manifestants alors que celui qui a vécu une manif un peu chaude ailleurs que derrière un clavier sait qu’on ne naît pas casseur, on le devient : par exemple quand on voit un copain énucléé s’écrouler à côté de vous.

Macron le populiste

Ensuite, le gouvernement bourgeois de Macron a voulu nous faire le coup des populismes. Pour aller vite, lui, il est la république progressiste opposée à la faction rouge-brune d’un populo hystérisé par Mélenchon et Le Pen qui, c’est bien connu, se réunissent en secret dans les caves de l’ambassade russe en poussant des rires sardoniques.

C’est drôle, parce que la seule vraie pulsion populiste, autoritaire et liberticide, jusque là, elle est venue de ce gouvernement avec sa loi anticasseurs. Et elle a révolté l’excellent écrivain François Sureau, pourtant macroniste de cœur, comme le député centriste Charles de Courson qui n’a pas franchement l’air d’un black bloc ou d’un nervi cryptofasciste.

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