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Les filles de La Rochelle


Je le confesse et j’en ai honte : j’éprouve des joies mauvaises, tel un commerçant de petite ville, qui voit avec bonheur, mais dans la pénombre de son rideau baissé, passer le lent cortège funèbre de son concurrent. Toute mon éducation, surveillée, dès le bac à sable du parc Monceau, par des dames d’un complet dévouement, puis encadrée par des prêtres non pédophiles, enfin éclairée par des principes, humanistes souvent, et catholiques toujours, tout cela n’aura servi de rien : je ressens du plaisir au spectacle de l’affliction de certains, surtout des Verts et de quelques arrogants.

Ces derniers temps, j’ai pu laisser libre cours à mes mauvais penchants : hier, grâce à la déroute de M. Meirieu, à Lyon, aujourd’hui, devant le désastre de La Rochelle. « Sapotache ! » aura peut-être murmuré Eva Joly en apprenant la chose. Au contraire, se sera-t-elle réjouie en imaginant la mine déconfite de son « plus fidèle soutien » pendant la récente campagne présidentielle, Cécile Duflot ?

Représentons-nous la séquence : le temps est couvert, mais c’est sans importance, La Rochelle, même sous la pluie, reste une ville lumineuse. Cécile et Martine sont arrivées par le train ; Ségolène les a accueillies, tout sourire, tout miel. Le trio a surjoué le bonheur des retrouvailles, l’enjouement, la solidarité sans faille du parti et du gouvernement : conférence de presse, mines réjouies, sourires complices. Martine a improvisé : « Nous sommes venues ici pour manifester notre solidarité avec notre copine Ségo, et pour dire aux électeurs de cette ville qu’elle est la candidate des socialistes. Moi, je ne la supporte pas, j’ai cherché à m’en débarrasser. Si vous pouviez la renvoyer dans ses foyers, cela m’arrangerait. J’ai apporté un billot de bois, il ne vous reste qu’à placer sa tête dessus. Moi présidente du parti socialiste, je ne passerai rien à François Hollande ; moi présidente du parti socialiste, j’entraverai sa marche déjà embarrassée ; moi présidente du parti socialiste, je les harcèlerai jusqu’à ce qu’ils me regrettent ; moi, présidente du parti socialiste… Mais je m’égare, où en étais-je ? ».

Soudain, patatras ! le bruit court que la belle Valérie T. aurait envoyé un « touite » de grande sympathie au rebelle, à celui qu’on ne nomme pas, qu’on évoque en se signant ou avec une moue dédaigneuse : « Courage à Olivier Falorni qui n’a pas démérité, qui se bat aux côtés des rochelais depuis tant d’années dans un engagement désintéressé. ».

C’est aimable, certes, à l’endroit du dissident, mais de Ségolène ? Des témoins de la scène prétendent que Martine a blêmi. Quant à Ségolène, elle déclara sur le champ la fin de la conférence, sans se départir de ce beau sourire de commerciale en chabichou qu’on lui connaît… C’est une vraie « pro », la Royal, elle tient son rang, quoi qu’on en pense, et ne manque pas de cran : elle a dissimulé le vertige qui, sans doute, l’aura saisie. Pour elle, l’épreuve n’en finit pas de durer, à la fois publique et intime. Or, malgré mon caractère foncièrement déplaisant, sa solitude me touche : allez comprendre !

Cécile Duflot n’a rien dit ; de toute façon, elle avait accompagné Martine parce qu’elle ne peut rien lui refuser. Elle lui doit sa prochaine légitimité électorale, à Paris, dans une circonscription sans risque. Néanmoins, je suis bien sûr qu’elle aura soupiré d’aise, en songeant qu’elle l’avait échappé belle ! Si sa suppléante, Danièle Hoffman-Rispal, qui présentait des certificats de dévouement social et politique autrement plus convaincants que ceux de la vibrionnante ambitieuse d’EELV, avait été vraiment rétive, elle se serait retrouvée dans la même désagréable situation que Ségolène…



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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