Le pari économique de Donald Trump

Les résultats économiques seront-ils au rendez-vous pour Trump?


Le pari économique de Donald Trump
Tradeurs à la bourse de New York, Wall Street, le 22 décembre 2025. UPI/Newscom/SIPA

Le président des Etats-Unis fait face à un défi. Pour remporter les élections intermédiaires en novembre 2026, il devra montrer que, sous sa gestion, la situation économique de ses concitoyens se sera améliorée de manière sensible. Les nombreuses réformes qu’il a introduites jusqu’ici sont calculées pour atteindre cet objectif, mais leurs effets ne se sont pas encore fait sentir. L’analyse de Gerald Olivier.


« J’ai hérité d’un bazar et j’essaye d’y mettre de l’ordre ». Le président Donald Trump s’est adressé aux Américains depuis la Maison Blanche, à l’occasion d’une intervention télévisée, le 17 décembre. Sa troisième depuis son retour à la Maison Blanche le 20 janvier 2025. Le prétexte était de leur souhaiter un « Joyeux Noël ». Mais la raison véritable était de vanter ses réussites économiques. Et si Trump a ressenti le besoin de s’adresser directement à ses concitoyens, c’est que, d’une part, une élection majeure se tiendra en 2026 et que, d’autre part, les médias dominants ne cessent de mettre en doute ses accomplissements… voire de les railler.

Les 3 novembre 2026 se tiendront les élections de mi-mandat. Les Américains seront appelés à renouveler tous les élus de la Chambre des Représentants (435) et un tiers de leurs sénateurs (33), ainsi que myriades d’élus locaux. Ces élections sont capitales car si les Républicains perdent la très étroite majorité dont ils disposent actuellement au Congrès, le président verra son agenda bloqué et sa légitimité même remise en cause via de nouvelles tentatives de destitution (impeachment), certes vouées à l’échec, comme les précédentes, mais qui perturberont la fin de son mandat.

Il est donc crucial pour Donald Trump et les Républicains de conserver leur majorité. Pour cela,  ils comptent sur deux arguments, (1) la sécurité, (2) l’économie. 

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Par sécurité, ils entendent la sécurité des frontières, la sécurité intérieure et la sécurité internationale. Sur ces points leurs succès sont incontestables. La frontière des Etats-Unis est sous contrôle. Véritablement. L’immigration clandestine a été réduite à néant. La criminalité recule partout aux Etats-Unis, surtout là où ICE (Immigration & Customs Enforcement, la police des frontières) agit et là où la Garde Nationale est déployée. Trump a mis fin à huit conflits à travers le monde, même si les paix obtenues semblent souvent fragiles. 

Sur l’économie, les choses sont moins claires et les résultats moins probants. Le président Trump s’est donc senti obligé de faire une mise au point. D’autant que les Américains semblent sensibles à d’autres sirènes que celles de son administration. L’élection du socialiste Zohran Mandani à la mairie de New York le 4 novembre, ainsi que celles de quelques autres candidats très à gauche, ont révélé l’existence d’un important réservoir d’insatisfaction dans l’électorat. 

Son intervention du 17 décembre fait d’ailleurs suite à une visite en Pennsylvanie , un « état clé, (« swing state » ) le 9 décembre, pour y présenter le même message. A savoir, l’économie va bien et ira encore mieux demain. L’inflation est sous contrôle et continue de reculer. Le marché du travail est sain, et le nombre d’Américains ayant un emploi augmente. Les salaires sont en hausse et les impôts en baisse, donc le revenu réel progresse…

Le problème est que les Américains ne ressentent pas forcément cela et ne partagent pas toujours ce sentiment. Pour eux le coût de la vie reste trop élevé pour leur revenu. Leur pouvoir d’achat semble baisser. Le mot « affordability », qui peut se traduire par « pouvoir d’achat », est le mot politique clé de l’automne. 

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Or rien n’est pire en politique que de vouloir convaincre un électorat que leur ressenti est faux et que la réalité n’est pas ce qu’ils vivent tous les jours. Biden s’y est cassé les dents. Et d’autres aussi ailleurs… (notamment le président Macron en France).

Trump et les Républicains sont donc engagés dans une course contre la montre. Ils ont obligation de délivrer des bénéfices économiques tangibles aux Américains d’ici dix mois, ou bien ils seront châtiés dans les urnes et verront leurs ambitions d’une transformation radicale et durable de l’économie et de la société américaine tuées avant d’avoir pu porter leurs fruits.  

Ils ont de bonnes chances d’y parvenir mais rien n’est sûr. Voici pourquoi. 

Première raison : l’inflation semble maîtrisée, mais doit encore tomber plus bas. Quelques heures après le discours de Trump, le « CPI » (« Consumer Price Index », l’indice des prix à la consommation) pour le mois de novembre a été publié. Il était de 2,7% sur un an. Tous les spécialistes l’avaient annoncé plus haut, à 3,1%. Preuve s’il en fallait que ces « spécialistes » voient la réalité plus sombre qu’elle n’est ! Et que leur détestation de Trump y est peut-être pour quelque chose… 

Ce chiffre était très encourageant pour l’économie américaine et pour Donald Trump mais toujours supérieur à l’objectif affiché qui est de 2%, niveau à partir duquel le revenu réel peut augmenter de façon perceptible. On est loin des 9% d’inflation enregistrés en juin 2022, au plus fort de « l’inflation Biden » mais pas encore au 1,2% enregistré en 2020 dernière année du premier mandat de Trump. 

Autre statistique encourageante majeure pour les Américains, le prix de l’énergie qui est en net repli. L’essence à la pompe est à 2,9$ en moyenne le gallon (4 litres), et parfois à 1,7$, comme dans certaines stations-services de l’Oklahoma. En juillet 2022 la moyenne nationale dépassait les 5 dollars, un niveau jamais atteint jusqu’alors. 

Le prix de l’électricité qui n’avait cessé d’augmenter depuis 2021, passant de 11 centimes du kwh à 17,5 centimes, s’est stabilisé depuis le mois d’avril à 17,4 cts/kwh. Toutefois il ne baisse pas encore. Idem pour les prix du charbon et du gaz naturel. Ils sont désormais stables et entre deux et trois fois moins chers qu’à leur pic de l’été 2022. 

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Ces évolutions sont très positives pour les Américains, mais aussi très inquiétantes pour les Démocrates, et les écologistes qui voient leur « Green new deal » battu en brèche. Une essence moins chère et une électricité qui ne baisse pas, c’est moins de pression pour l’achat de véhicules électriques. Tout le monde y est sensible. Le constructeur Ford vient d’abandonner son programme de « pick-up trucks » (utilitaires légers) électriques – un programme qui lui a couté vingt milliards de dollars. 

Deux, le marché de l’emploi est en pleine mutation, au bénéfice des travailleurs du secteur privé et en particulier des emplois les moins rémunérés. Sur l’ensemble des Etats-Unis, le chômage est à 4,6%. De quoi rendre certains jaloux, mais pas de quoi satisfaire un Américain. Il est de 5,6% en Californie, son plus haut niveau national, et de 1,8% dans le Dakota du Sud, son niveau le plus bas. 

Par contre ce chiffre est en hausse de 0,5% sur un an. Soit environ 850 000 chômeurs de plus. Une partie de cette hausse s’explique par les trois cent mille emplois de fonctionnaires supprimés par DOGE, au printemps, mais une partie seulement. Reste un demi-million de chômeurs supplémentaires sur un an. Preuve que l’économie américaine ne tourne pas à plein régime, que les entreprises hésitent pour l’instant à embaucher et que la croissance actuelle peine à créer des emplois. Ainsi en novembre 2025 l’économie américaine a généré 64 000 nouveaux emplois seulement, contre 150 à 200 000 habituellement.

Le « shutdown » du gouvernement est passé par là. Pendant 46 jours, du 1er octobre au 15 novembre, le gouvernement américain a suspendu ses activités, faute d’un accord sur le budget. Les Démocrates refusaient tout simplement de voter le budget de l’administration, bloquant toute activité. Des milliers de personnes et d’entreprises ont été affectées.  

Mais il y a plus. 

La question des tarifs douaniers reste un frein majeur à l’embauche pour les entreprises. Non pas pour les tarifs eux-mêmes, car leur hausse tient surtout de l’effet d’annonce et ils sont souvent plus bas qu’au départ une fois les négociations terminées, mais à cause de l’incertitude suscitée par ces négociations publiques prolongées. Plus tôt les multiples négociations commerciales engagées par l’administration Trump seront terminées, mieux ce sera. 

L’autre question est celle de l’arrivée de l’intelligence artificielle. L’IA est présente dans tous les secteurs économiques aux Etats-Unis, pas seulement dans les hautes technologies : du « back office » aux transports, de la médecine aux chaines d’assemblages, des assurances aux cabinets d’avocats, des relations clients à la comptabilité. Elle permet des gains de productivité importants mais détruit, pour l’instant, plus d’emplois qu’elle n’en génère. Une estimation récente indique que depuis 2020 plus de trois millions d’emplois ont été « affectés » par l’intelligence artificielle (« affectés » ne veut pas dire « supprimés ») sans que l’on sache combien d’emplois « nouveaux » ont été crées par l’AI.

Par contre, en dépit de ce marché de l’emploi hésitant, le revenu réel augmente aux Etats-Unis. Avant et surtout après impôts. Le travailleur américain moyen du secteur privé a vu son revenu réel augmenter de mille dollars en 2025, et même de deux mille dollars pour les travailleurs en usine et trois mille dollars pour les mineurs. Sachant que ce même revenu avait reculé de trois mille dollars durant la présidence de Joe Biden. Le retard accumulé n’est donc pas encore rattrapé, d’où la difficile réalité vécue par beaucoup de ménages américains. 

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L’une des causes de cette hausse des revenus est la fin des pressions à la baisse apportées par l’immigration sauvage des années 2020 à 2024. L’immigration clandestine est à son niveau le plus bas depuis plus de soixante ans. La frontière sud du pays est devenue infranchissable et personne, ou presque, ne s’y aventure.

2,5 millions d’immigrants clandestins ont même quitté les Etats-Unis au cours de l’année écoulée. Parmi eux, 600 000 étaient des criminels expulsés par Krsitie Noem et Tom Homan en charge du DHS et de ICE, tandis que 1,8 million sont partis volontairement. Des milliers d’emplois non qualifiés ont été libérés, ouvrant la place à des travailleurs américains et à des salaires plus élevés. 

En fin de compte, l’ambition de Donald Trump de relancer les emplois industriels correctement rémunérés qui ont fait la richesse et la stabilité des Etats-Unis de 1940 à l’an 2000, n’est pas encore devenue réalité. Mais elle prend forme.

Les « trillions » (milliers de milliards) de dollars d’investissements étrangers annoncés tout au long de l’année 2025 y contribueront inévitablement. Donald Trump, toujours enclin à « gonfler » les chiffres, parle de vingt mille milliards promis par des entreprises et des gouvernements étrangers sous forme d’usines construites aux Etats-Unis. Le site de la Maison Blanche présente un plus sobre total de 9,6 milliers de milliards, ce qui est déjà monumental. Cela représente des centaines de milliers d’emplois directs et des millions d’emplois indirects sur les années à venir, ainsi qu’une croissance économique solide. Ce qui fait dire à Trump que l’économie des Etats-Unis est la plus « chaude » du monde. Par son dynamisme et par son attractivité. 

Les marchés boursiers, qui sont au plus haut et qui n’ont cessé de battre des records en 2025, illustrent la confiance des investisseurs dans l’économie U.S. Le Dow Jones Industrial Average, l’indice phare de Wall Street, a gagné 16% depuis la victoire de Donald Trump le 5 novembre 2024, et battu cinquante-deux fois son record en 2025. Idem pour le « S&P 500 », l’indice des 500 plus grandes sociétés par capitalisation. Quant au Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, il a bondi de 29%.

Et pour l’heure les effets de la « One Big Beautiful Bill » votée en juillet ne se sont pas encore fait sentir car elle n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2026. Sa première conséquence sera un remboursement d’impôt de plusieurs milliers de dollars pour la plupart des ménages américains. Les impôts aux Etats-Unis sont calculés et payés à la source, comme en France, donnant lieu à un ajustement à chaque nouvelle déclaration. En 2025 leur calcul s’est fait au printemps, avant que la loi ne soit votée. Or celle-ci comporte d’importantes coupes d’impôts. 

Les tarifs douaniers ont par ailleurs généré plus de deux cents milliards de dollars de revenus pour le trésor américain que le président a décidé de redistribuer aux membres des forces armées. 1,3 millions de G.I.s vont donc recevoir une prime de 1776 dollars, un montant inspiré par l’année de naissance des Etats-Unis, 1776, alors que le pays s’apprête à célébrer son 250e anniversaire en 2026 !

En janvier enfin, Donald Trump nommera le futur président de la Réserve Fédérale. C’est-à-dire le premier banquier des Etats-Unis dont le job est, entre autres, de décider avec les douze gouverneurs que compte cette institution des taux d’intérêt directeurs. Le favori pour le poste est Steven Hasset, actuel président du Conseil Economique à la Maison Blanche, un proche de Trump partisan d’une politique de taux bas. Le taux d’intérêt de base aux Etats-Unis est actuellement de 3,5%. Il a connu trois baisses consécutives de 0,25%, tous les mois depuis septembre. Mais Trump le considère toujours trop élevé. Il souhaite une baisse de 0,50 points, voir même d’un point entier au printemps. Si une telle baisse intervient, elle donnera un coup de fouet à l’économie américaine à quelques mois des élections, et elle permettra d’alléger instantanément les traites immobilières de millions d’américains, ainsi mêmes que les remboursements de l’Etat sur la dette publiques américaine…

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« Nous sommes à la veille d’un boom économique comme il n’y a rarement eu » a dit Trump en conclusion de son discours du 17 décembre. Si ce boom se matérialise, les Républicains pourraient créer une énorme surprise et remporter les élections du 3 novembre. S’il ne se matérialise pas, ils perdront vraisemblablement ce scrutin. 

C’est ce que tous les médias bienpensants anticipent et annoncent, avec délectation. Ils soulignent que la côte de popularité de Trump est au plus bas, 43% d’opinions favorables seulement, contre 52% à son entrée en fonction. Ils ajoutent que 60% des Américains désapprouvent sa conduite de l’économie. Et ils trouvent réconfort dans la tradition politique américaine qui veut que le parti qui occupe la Maison Blanche perde toujours les élections intermédiaires, comme cela a été le cas pour 47 des 50 derniers scrutins intermédiaires !

Mais le 3 novembre est encore loin. Trump mise sur l’économie pour obtenir des électeurs la possibilité de poursuivre la plus formidable révolution économique entreprise aux Etats-Unis depuis Franklin Roosevelt. Ses adversaires et détracteurs ne sont pas à l’abri d’une nouvelle désillusion.



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est un journaliste franco-américain, éditeur du blog "France-Amérique, le blog de Gérald Olivier" et auteur en 2013 de "Kennedy le Temps de l'Amérique" aux éditions Jean Picollec

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