Le jour où Lee Sedol a eu honte


Le jour où Lee Sedol a eu honte
Retransmission télévisuelle du match entre AlphaGo et Lee Sedol, le 15 mars dernier (Photo : SIPA.AP21871158_000010)
Retransmission télévisuelle du match entre AlphaGo et Lee Sedol, le 15 mars dernier (Photo : SIPA.AP21871158_000010)

On peut se demander ce qu’a ressenti Lee Sedol, champion du monde de go quand, le 15 mars dernier, il a été battu par AlphaGo, le programme développé par Google. De la colère ? Du dépit ? L’impression d’avoir été pris au piège par une intelligence artificielle qui, après avoir été le sujet des romans de science-fiction, est entrée dans notre vie quotidienne  comme Tay, la tweeteuse créée par Microsoft qui devait apprendre des autres internautes et qui a été retirée du réseau  en moins de 24 h car elle était devenue complètement raciste ?

« Un beau jour, le petit ordinateur apprit qu’il existait des foules de grands ordinateurs de toutes espèces, des multitudes. Et le petit ordinateur comprit que les ordinateurs grandiraient toujours en sagesse et en puissance et qu’un jour… un jour… un jour… », comme le dit un personnage du Cycle des robots d’Isaac Asimov. « À l’évidence, AlphaGo est différent, avant tout parce qu’il n’est pas humain. Tout est complètement différent de ce à quoi j’ai été habitué et j’ai eu du mal à m’y faire », a déclaré Sedol qui pense déjà à la revanche : « Si c’était à refaire, je ne peux pas dire que je gagnerais, je pense que sur des aspects de go pur, l’intelligence humaine peut être meilleure qu’AlphaGo, mais qu’en revanche psychologiquement, sur la concentration, il est meilleur. » Le plus troublant, c’est que malgré lui Sedol personnifie un ordinateur à qui il dénie juste toute humanité.[access capability= »lire_inedits »]

Pour qui a écouté Lee Sedol après cette défaite, il y avait chez lui, aussi, un écho du Günther Anders de L’Obsolescence de l’homme. Dans les années 1940, il montre comment les machines démodent l’homme lui-même qui éprouve une « honte prométhéenne ». Pour Anders, l’intuition de cette obsolescence lui vient lors d’un salon scientifique californien visité avec un ami en 1942 : « Dès qu’une machine des plus complexes de l’exposition a commencé à fonctionner, T. a baissé les yeux et s’est tu. » Lee Sedol et Microsoft ont sans doute eux aussi baissé les yeux à cause de cette « honte qui s’empare de l’homme devant l’humiliante qualité des choses qu’il a lui-même fabriquées ».

Le Cycle des robots, Isaac Asimov (J’ai lu)
L’Obsolescence de l’homme, Günther Anders (Encyclopédies des nuisances)
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Les robots

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Avril 2016 #34

Article extrait du Magazine Causeur



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