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La vengeance comme moteur politique entre Israéliens et Palestiniens


La vengeance comme moteur politique entre Israéliens et Palestiniens
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrive pour s’adresser à la 80e Assemblée générale des Nations unies au siège de l’ONU, à New York, aux États-Unis. © Sergey Guneev/SPUTNIK/SIPA

Marie Robin publie La vengeance et la paix (Biblis, 2025)


Depuis bientôt deux ans, Gaza est le théâtre d’une guerre totale entre l’armée israélienne et le Hamas. Derrière la rhétorique de la légitime défense brandie par Benyamin Nétanyahou, se joue en réalité une guerre de vengeance. Le Premier ministre israélien, malgré les avertissements de ses services, n’a pas écouté et renforcé la sécurité sud du pays. Puis se passa ce qu’il se passa : 1200 Israéliens tués par l’organisation islamiste et la prise en otage de 200 innocents supplémentaires. Depuis, aucun compromis suffisant des deux côtés n’a permis de parvenir à un cessez-le-feu.

Une guerre qui ne vise pas seulement à neutraliser le Hamas, mais à infliger une punition collective à une population déjà exsangue. Le 7 octobre 2023, les islamistes savaient très bien qu’en se vengeant de deux décennies de blocus et de la colonisation des territoires palestiniens en Cisjordanie, ils n’attireraient que la foudre de Netanyahou. Ces actes n’étaient pas un acte de guerre au sens classique, mais un acte de pure haine et de vengeance, nourri par des décennies d’humiliation et de frustration. En retour, l’armée israélienne a déclenché une opération militaire sans précédent, qui a pour but d’éradiquer le Hamas (est-ce seulement possible ?), non pas de régler le conflit mais d’assouvir la colère d’un État et d’un gouvernement d’ultra-droite persuadés qu’aucune coexistence n’est possible avec une telle organisation radicale en face. À raison. 

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Le livre de Marie Robin, La vengeance et la paix (Biblis, 2025) éclaire parfaitement ce mécanisme. Il montre comment la vengeance s’auto-entretient, se nourrit de la douleur passée pour justifier la violence présente. Elle devient une spirale qui empêche tout retour à la raison, et encore moins à la paix. Le Hamas, en attaquant les kibboutz et en massacrant des civils, n’a pas cherché à obtenir une victoire stratégique. Il a cherché à humilier, à déchirer, à venger les humiliations subies depuis des décennies par le peuple palestinien, enfermé, colonisé, assiégé. Israël, en retour, a transformé cette douleur en une guerre punitive, sans limite ni horizon politique. Deux logiques symétriques se répondent : la vengeance du faible contre le fort, et la vengeance du fort contre le faible.

Mais ce glissement est dangereux bien au-delà du Proche-Orient. Nous basculons dans un monde où les règles du droit international s’effacent petit à petit, où l’ONU devient simple arène de tribuns, spectatrice de tragédies multiples qu’elle n’arrive plus à contenir, encore moins à prévenir. La guerre de Gaza en est le symbole le plus brutal : les résolutions se succèdent, les condamnations diplomatiques se multiplient, mais aucune contrainte réelle ne s’impose sur les parties. Depuis des années, le droit est devenu un simple ornement auquel on se raccroche, impuissants que nous sommes face à la logique de la vengeance. Et ce n’est pas seulement Israël ou le Hamas qui sont concernés: partout, du Soudan à l’Ukraine, en passant par le Sahel, les conflits se nourrissent de rancunes, de mémoires blessées, de règlements de comptes sans fin.

Systémiquement parlant, le risque est immense : que les relations internationales se réduisent à une suite de représailles, d’attaques et de contre-attaques, où la diplomatie n’est plus qu’un mot vide. C’est déjà le cas. Si la vengeance devient le moteur de l’histoire, alors la paix ne sera définitivement plus qu’un mirage. L’auteur Marie Robin rappelle combien il est difficile, mais vital, de briser ce cycle : seule une logique de justice peut interrompre la spirale de la vengeance. Or nous assistons aujourd’hui au triomphe de l’inverse : une justice paralysée, un droit international méprisé, des Nations unies décrédibilisées. Ce monde est dangereux pour tous, y compris pour ceux qui croient en tirer des dividendes immédiats. Car la vengeance n’a pas de fin, elle n’engendre que de nouvelles blessures, de nouvelles rancunes, et la perpétuation des conflits.

Le discours de Benjamin Netanyahou à l’ONU, le 26 septembre dernier, en a donné une illustration saisissante. Loin de tendre la main à la communauté internationale, il a puni les Occidentaux de leurs critiques, accusant la reconnaissance de l’État palestinien de constituer une prime au terrorisme. Aux Palestiniens, il a adressé un message glaçant : il n’y aura pas d’État palestinien, et Israël décidera seul de leur avenir. Comme si la paix pouvait se résumer à une décision unilatérale, comme si l’avenir d’un peuple pouvait être dicté par la force et non par le droit. Mais qui aujourd’hui pour s’y opposer fermement ? Personne. 

261 pages

La vengeance et la paix

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est chercheur en sciences politiques associé à l’ULB (Bruxelles) et à l’UQAM (Montréal). Publications récentes: "Les Emirats Arabes Unis à la conquête du monde" (2021, MAX MILO), "Les nouvelles menaces mondiales: La grande pandémie du déni" (2021, Mardaga).

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