Déchéance de nationalité: 94% de pétainistes?


Déchéance de nationalité: 94% de pétainistes?

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La gauche lyncheuse a l’esprit large. Dans sa quête insatiable de dérapages, de relents des heures les plus sombres et autres remugles de Vichy, elle n’épargne personne. Mais cette fois, la roue de l’infortune s’est emballée au point de désigner le président de la République – hier porteur des glorieux espoirs de la Gauche –, qui se retrouve sous le feu des dénonciateurs. François Hollande en émule de Pétain, parce qu’il pourrait priver quelques assassins de leur passeport français, c’est la polémique à la fois amusante et consternante de cette fin d’année.

Indigne ! Honteux ! Valeurs piétinées ! République bafouée !

Depuis l’annonce du maintien de la déchéance de la nationalité dans la révision constitutionnelle, le 23 décembre, le chœur des indignés est progressivement monté en puissance – bénissons l’Université, les spécialistes de la tribune outragée sont pour l’essentiel en vacances. Pour Aurélie Filippetti et Cécile Duflot, le chef de l’Etat fait le jeu du Front national. Mélenchon, tout en nuance, prononce sa « déchéance morale » de même que celle de son Premier ministre. Et la clameur n’émane pas seulement des rangs des frondeurs ou de la gauche-de-gauche toujours en embuscade, mais se fait entendre au cœur même de la Hollandie, de Jean-Marc Ayrault à Laurent Joffrin en passant par Jean-Pierre Mignard.

Au sein de la gauche d’en haut, la condamnation de la décision présidentielle est donc à peu près unanime. Ainsi, 80 % des députés socialistes y seraient opposés. L’ennui, c’est que, à en croire un sondage qui semble avoir grandement guidé le choix présidentiel, 94 % des Français y sont plutôt favorables. À ce niveau de décalage, nos défenseurs des droits des terroristes devraient tout de même se demander si leurs affèteries juridico-morales ne sont pas légèrement hors-sol.

Entendons-nous bien. Il y a d’excellentes raisons pour être opposé à la déchéance de nationalité et d’excellentes raisons pour lui être favorable, à commencer par le fait qu’elle fasse un tabac au braillomètre. J’ai déjà dit ici, au moment du discours de Grenoble, que, par principe, je n’aime guère le « passeport à points », qu’il concerne les terroristes, les tueurs de flics ou les bandits ordinaires. Certes, un Etat peut manquer à sa parole ou revenir sur elle, mais perso, je préfèrerais qu’il la donne un peu moins facilement. Autrement dit, qu’on cesse d’accorder la nationalité française sans la moindre contrepartie. Mais enfin je ne crois pas que les libertés des honnêtes citoyens – ni d’ailleurs, celles des malhonnêtes de modèle courant – soient menacées parce que des assassins en seraient privés.

Que cette mesure soit dictée par d’inavouables calculs politiciens, c’est probable. Qu’elle soit inefficace pour lutter contre le terrorisme, c’est un fait. C’est donc bien, comme on l’a répété, une mesure symbolique et contre le symbole que s’insurgent les bons esprits. Eh bien, c’est à cause du symbole que les Français approuvent le président. Si des terroristes peuvent être expulsés, même symboliquement, de la communauté nationale, eh bien, bon débarras symbolique ! Cela revient à porter atteinte au droit du sol, a déclaré Christiane Taubira. Justement, beaucoup de Français aimeraient que l’on débatte du droit du sol qui, à leur connaissance, ne relève pas de la loi divine. Si inscrire la possibilité de déchéance de la nationalité dans la Constitution, c’est rappeler que la France n’est pas un droit de l’homme et qu’elle peut choisir ceux qu’elle accueille, alors va pour la déchéance. Bien sûr, elle doit le faire selon des règles strictes, humaines et fondées. Mais je l’avoue, je fais partie des 94 % de Français qui se fichent éperdument que les droits des salopards qui tirent sur des foules désarmées ne soient pas scrupuleusement respectés. Du reste, s’il y a 94 % de pétainistes en France, nos belles âmes devraient peut-être songer à l’exil. En plus, Guernesey a dû devenir un paradis fiscal…

*Photo: © POOL/AFP/Archives Eric FEFERBERG.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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