Chine: Tu t’es fait violer quand t’as bu


Chine: Tu t’es fait violer quand t’as bu

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Une cour de justice chinoise vient de rendre une décision qui ferait sauter au plafond nos féministes : une femme qui fume, boit et s’habille de manière provocatrice inciterait davantage au viol qu’une autre. Et les juges de conseiller à leurs compatriotes féminines de changer leurs habitudes afin de cesser de provoquer ces pauvres mâles turlupinés par leur libido. Ayez pitié, femmes à la fleur de l’âge, séduisantes et un peu trop libres, de ces hommes prisonniers de leur testostérone. Rangez jupes, robes et décolletés affriolants. La nature du reproducteur guette, tapie dans l’ombre, prête à surgir.

« Certaines victimes ont de mauvaises habitudes de vie, comme fumer et boire », affirme la cour. « Les accusés ciblent ces personnes, compte tenu de leur vision habituelle des victimes, qu’ils perçoivent comme des personnes qui fument et boivent, et particulièrement les victimes saouls, pouvant devenir des proies faciles ». La cour ne précise toutefois pas que fumer et boire sont loin d’être des pratiques marginales en Chine, bien qu’elles soient perçues comme plus acceptables chez les hommes que chez les femmes. En clair, si vous vous faites violer, c’est de votre faute.

Et la cour de renchérir : les femmes violées « ont eu une attitude ouvertement sexuelle et n’ont pas pris de mesures préventives face aux avances de leur agresseur ». Plusieurs accusés auraient ainsi confessé que leur désir d’agression avait émergé lorsque la victime était jeune, belle et habillée de manière à révéler une partie de leurs corps. Elles l’ont décidément bien cherché, ces allumeuses !

Sur 151 viols en trois ans, le constat est sans appel : 64 % des agresseurs avaient entre 18 et 30 ans, et, « pour des raisons physiologiques, avaient des besoins physiques forts » mais « refoulés », constate le tribunal chinois.  Des hommes venus de la campagne, soit célibataires, soit mariés, mais ne vivant pas avec leur épouse, expliquant ainsi que leur appétit sexuel ne puisse pas être « satisfait normalement », rapporte encore la cour.

La moitié des criminels sexuels de l’Empire du milieu n’ont ni travail ni revenu stable, ce qui ne les aide pas à « enrichir leur vie spirituelle ». Ces pauvres petits à l’éducation limitée ne savent pas reconnaître le licite de l’illicite, remettant en cause l’adage français  « nul n’est censé ignoré la loi » qui n’a, semble-t-il, pas droit de cité à Pékin.

Aussi déroutante soit-elle, la décision de la cour est symptomatique du désarroi chinois face aux mutations que traverse le pays. Des statistiques publiées dans le journal britannique The Economist révèlent que  deux tiers des jeunes chinois ayant commis un crime en 2010 venaient de zones rurales alors qu’ils ne comptaient que pour moitié dix ans plus tôt. Dans les grandes villes ce chiffre peut même atteindre 90 %. C’est d’autant moins une donnée anodine que l’urbanisation est devenue la nouvelle marotte d’un gouvernement désireux de faire de la croissance des villes le nouvel outil de la croissance économique du pays. Alors qu’en 1980, 200 millions de Chinois peuplaient les villes, ils sont désormais 690 millions et atteindront probablement atteindre le milliard en 2030. Parmi cette immigration venue des campagnes confinées dans un monde de vie traditionnel, on trouve des jeunes pauvres et peu habitués aux mœurs des villes qui pourraient être plus enclins à commettre des crimes.

Chose rassurante, la Toile chinoise s’est insurgée contre la conclusion de la cour. Un internaute s’est interrogé : « Donc il n’y aura plus aucun viol si les femmes arrêtent de fumer et de boire ? » Et un autre d’ironiser : « Celles avec des cheveux sont plus susceptibles d’être agressées sexuellement que celles qui n’ont pas de cheveux. « Celles avec des dents, plus que celles qui n’ont pas de dents ». « Plus important encore, les femmes vivantes sont plus susceptibles d’être agressées sexuellement que les cadavres féminins. Alors, en dehors de toute notion d’amour propre et de protection de soi, il nous faut mourir. »

D’autres campagnes visant à inviter les femmes à plus de décence ont déjà fait parler d’elles en Chine. En 2012, deux femmes originaires de Shanghai ont lancé la mobilisation « Je peux flirter mais ne viens pas me déranger » en réponse à une campagne du métro qui rappelait aux femmes ne pas inciter les hommes au harcèlement sexuel en s’habillant de manière provocatrice.

Cette année, cinq militantes distribuant des tracts dénonçant le harcèlement sexuel ont été arrêtées. Ces porte-parole de victimes de violence conjugale n’ont été libérées qu’un mois plus tard, grâce à la mobilisation internationale. Bref,  ancrer l’égalité homme/femme dans les mœurs chinoises demande encore du travail. Voire une révolution culturelle !

*Photo: wikicommons.



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