Charlie: c’est drôle de mal nommer les cons


Charlie: c’est drôle de mal nommer les cons

Charlie Hebdo Dieu islam

Une fois de plus, le dessin de Riss en couverture de Charlie Hebdo réussit à nous décevoir sans même nous surprendre. Depuis longtemps hélas, que voit-on en une ? Marine le Pen, le pape, Nadine Morano, le pape et Jean-Marie Le Pen. On peut comprendre les caricaturistes, leurs cibles ne sont pas armées et personne n’a envie de vivre sous protection policière dans un pays où on a encore peur de stigmatiser des pauvres et où l’on refuse de pratiquer des amalgames entre l’islam et les musulmans. Evidemment, je préfèrerais vivre dans un pays où on choisit de mettre hors d’état de nuire, par des moyens sur lesquels je ne serai pas regardant,  quelques milliers de délinquants fanatisés et de criminels radicalisés, plutôt que de réduire de fait la liberté de mouvement de leurs victimes potentielles.

Au lieu de multiplier les boucliers, nous ferions mieux de manier le glaive et les coups de filet, même de façon très large, même de façon un peu arbitraire. Mais nous n’avons pas ce sens-là de la justice et si je le regrette, il faut bien vivre malgré son temps. C’est ce que nous faisons tous. Lorsqu’on ne peut parler vrai, dessiner juste, et qu’on ne veut pas se taire, on renoue avec une vieille coutume satirique : on ruse, on prend un détour. Ainsi, on peut penser que Riss est, dans cette affaire, plus malin qu’il en a l’air. En réalité, personne ne changera sa vision du mal après cette Une et personne ne modifiera son diagnostic sur le cancer qui empoisonne le monde. S’il feint de se tromper de cible, personne ne se trompe. D’ailleurs, les autorités musulmanes susceptibles et pas aussi cons qu’elles en ont l’air ne s’y sont pas trompées. Au lieu de dessiner un dieu judéo-chrétien en sandales gréco-latines, Riss aurait été encore plus loufoque, plus ironique et plus drôle s’il avait croqué le Dalaï Lama, ou un bisounours, qui court toujours.

Comme lorsqu’on décrit les auteurs d’une agression comme ayant le type « suédois », on se fait parfaitement comprendre en évitant les ennuis et les regards de haut comme de travers, voire les procès. La nature des crimes et des criminels est telle qu’aujourd’hui, on n’a même plus besoin de mentionner des Scandinaves. Il suffit de dire « viol en réunion » sans plus de précision pour faire apparaître dans l’imaginaire collectif des jeunes issus, il suffit d’écrire « règlements de comptes à Marseille » sans autre mention pour faire comprendre à tous que la fusillade mortelle opposait cette fois-ci, comme toutes les autres, des capuches à des stigmatisés. On peut le déplorer mais c’est comme ça : l’angélisme des médias a généré stigmatisation et généralisation abusives.

Eh bien, de la même façon, quand on parle de dieu assassin en 2016, on pourrait l’affubler d’un marteau et de cornes, tout le monde comprendrait qu’il ne s’agit ni de Thor, ni d’Odin.

On nous répète jusqu’à plus soif que mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Aujourd’hui que plus personne n’est dupe sur le malheur du monde et sur son origine, mal nommer, c’est ajouter de la drôlerie au monde. Et de Charlie, je n’en attendais pas moins.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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