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Bain de sang ne saurait mentir


Bain de sang ne saurait mentir
Clotilde Reiss lors de son procès à Téhéran.
Clotilde Reiss lors de son procès à Téhéran.

À quelques semaines de l’anniversaire des célèbres élections en Iran, Téhéran va recevoir un petit cadeau : le retour au pays de l’assassin de Chapour Bakhtiar. Si c’est le prix payé pour Clotilde Reiss, on peut s’en réjouir : la libération d’un prisonnier déjà libérable ne me semble pas une rançon excessive. Ce n’est donc pas la France qui sort abaissée de cette affaire mais plutôt la prétendue « gagnante » du bras de fer, la République islamique de l’Iran. À l’infamie de la détention de Clotilde Reiss, elle vient d’ajouter la honte de revendiquer et d’accueillir l’homme qui a massacré Chapour Bakhtiar.

Ultime premier ministre du Shah, Bakhtiar était un adversaire du nouveau régime qui l’avait chassé et du pouvoir et de son pays. Ancien combattant de l’armée française et résistant sous l’Occupation allemande, il ne manquait ni de lucidité ni de courage. Il savait très bien que sa résistance aux ayatollahs lui réserverait une bonne place sur la liste des opposants à liquider. Même ceux qui soutenaient Bakhtiar et sa cause reconnaîtraient qu’il s’était lancé dans une guerre contre Téhéran et qu’il risquait gros. On peut aussi comprendre les craintes de Téhéran et l’état d’esprit de ses élites politiques pendant la première décennie après la Révolution, époque marquée par une guerre à mort contre l’Irak de Saddam Hussein. Pour le régime iranien, Bakhtiar aurait pu effectivement représenter une menace.

Méthodes barbares
En revanche, ce qu’on ne peut ni comprendre ni jamais accepter, c’est la méthode de ces fidèles d’Allah et d’Ali. Quand on a dit violence, on n’a pas tout dit et il faut regarder de plus près. Là aussi, Dieu est dans les détails. Et donc, pour ceux qui l’ignorent encore, l’ancien premier ministre du Shah a d’abord été frappé à la gorge, un coup terrible dont la violence lui a fracassé le larynx. Ensuite, ses assassins ont pris un couteau à viande et un couteau à pain dans les tiroirs de la cuisine de Bakhtiar à l’aide desquels ils ont égorgé leur victime – qui ne pouvait à ce moment ni respirer ni crier – et coupé ses poignets.

Le rôle primordial de l’effusion de sang
La violence c’est la violence, me direz-vous. Eh bien non ! Les détails de la mise à mort, souvent passés sous silence par égard pour la sensibilité du public, sont d’une importance majeure. Certes, il vaut mieux ne pas tuer, mais si la décision est prise par un gouvernement qui estime ses intérêts vitaux menacés ou par un groupe terroriste qui lutte pour une cause, le choix de la mise à mort est révélateur, il en dit long sur le monde que ces gens-là appellent de leurs vœux s’ils gagnent.

Ainsi, la boucherie sanglante qui s’est déroulée dans la villa de Bakhtiar à Suresnes montre le véritable visage de la République islamique iranienne. Il suffit de voir ses monuments aux morts, édifiés autour de fontaines où coule une eau colorée en rouge, pour comprendre le rôle primordial de l’effusion de sang. Les pratiques chiites traditionnelles comme l’Achoura, fête religieuse où les fidèles s’infligent des coups de rasoir et défilent dans les rues en se flagellant, le visage ensanglanté, sont largement dépassées par la surenchère sanguinaire iranienne.

Ahmadinejad ne pouvait pas trouver un meilleur symbole pour marquer l’anniversaire de sa réélection, que le retour au pays d’Ali Vakili Rad, celui qui a égorgé un homme de 76 ans et son secrétaire privé avec un couteau à pain.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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