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A Ré, un bain de musique après le bain de mer

Des initiatives modestes mais ambitieuses


A Ré, un bain de musique après le bain de mer
Une plage de Ré D.R.

En France, l’été, on trouve jusque dans les lieux de villégiature les plus reculés des festivals qui se mettent au service de la culture la plus exigeante. A cet égard, le festival « Syrinx en Ré » est exemplaire.


En 1913, Claude Debussy compose Syrinx, un solo pour flûte traversière de trois minutes à peine, publication posthume : à l’origine, une commande du traducteur, poète et romancier quelque peu oublié Gabriel Mourey, pour sa pièce en vers Psyché. Ce très court morceau ne sera créé qu’en 1926, dans le théâtre privé de Louis Mors, patron des automobiles Mors – la marque pionnière sera de bonne heure absorbée par Citroën. Syrinx, en référence à la suivante d’Artémis, nymphe poursuivie par les ardeurs libidinales de Pan, ce dieu des bergers et des troupeaux qui « sifflote dans la forêt », s’il faut en croire une strophe d’Apollinaire…  Voilà pour la petite histoire. 

Un récent sondage révèle qu’aux yeux des Français l’île de Ré incarne l’apothéose du rêve de vacances : ultime paradis agreste et patrimonial, avec son « petit bois de Trousse-Chemise » où jadis le regretté Charles Aznavour déniaisait une jouvencelle (en 2025, à coup sûr les paroles de cette chanson nostalgique d’un « viol sur mineure » vaudrait à son auteur quelques ennuis judiciaires), ses vieux remparts de Saint-Martin érigés par Vauban, ses longues plages immaculées, ourlées de pinèdes face au Pertuis breton… Y perdure discrètement une tradition mélomane qui, le soir venu, offre un autre genre de baignade :  l’an passé, votre serviteur évoquait dans Causeur le festival Musique en Ré, dont l’édition 2025 s’achève tout juste, reconduisant pour sa 38ème édition la vespérale félicité d’entendre de la belle musique dans des églises et des places de villages – comme ce 3 août dernier, au Bois-Plage, où l’inoubliable Quintette avec clarinette de Mozart précédait La nuit transfigurée, sublime sextuor de Schoenberg aux subtiles dissonances auquel les bords de mer prêtent rarement l’oreille…  

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Il faut saluer hautement ces initiatives modestes mais ambitieuses : elles savent répandre encore, à force de ténacité, un humus de culture exigeante jusqu’aux confins du territoire, en sorte que la proximité de leurs rôtissoires de sable fin ne se donne pas pour l’unique attraction de ces bourgades insulaires, envahies deux mois de l’année, et vides l’hiver. De ce pas de côté, le festival Syrinx en Ré est l’expression parfaite : sur trois jours, dans trois de ces charmantes petites églises de villages – Ars, Les Portes, La Couarde, – un programme éclectique de musique de chambre au cœur du mois d’août, portée par de jeunes interprètes de haut niveau.

La flûtiste Perrine Chapoutot (c) Perrine Chapoutot

L’impulsion, comme souvent, part d’une famille. Perrine Chapoutot, 26 ans, est flûtiste. Son frère cadet, Marin, s’était fait connaître dans l’adolescence comme clarinettiste prodige ; Melvil, l’aîné, est pianiste, tout comme Aude, leur mère. En 2019, le pianiste tourangeau Adrien Gey a l’idée d’une manifestation musicale au château-relais d’Artigny, un 5 étoiles sis à 20km de Tours – un beau Steinway y trône au salon : le festival Syrinx est né. Il se déroule depuis lors chaque année, au mois de novembre. Comme le château est désormais en travaux, l’édition 2025 (du 13 au 16 novembre prochain) est appelée à migrer dans la salle de l’hôtel de ville de Tours. 

C’est en 2021 que Syrinx proposait sa première déclinaison sur l’île de Ré – les musiciens sont logés aux Portes, dans la vaste maison familiale riveraine du Fier d’Ars, ce petit golfe clair. Comment se dessine le programme, d’année en année ? Empiriquement, à partir des expériences antérieures des instrumentistes, de leur familiarité avec certains morceaux du répertoire classique ou romantique, – et de l’envie partagée, tout simplement. Ces artistes, pour la plupart, se sont connus au Conservatoire national de Paris, où ils ont fait leurs classes. Tous appartiennent à des formations de chambre qui se produisent ici et là, en France comme à l’étranger. Ainsi Perrine fait partie de l’ensemble Daphnis, un quintette en résidence cette année au sein de la très prestigieuse Fondation Singer-Polignac ; ainsi l’altiste Jean-Baptiste Souchon est-il membre du quatuor Métamorphoses… Ainsi la soprano Emy Gazeilles a-t-elle intégré, en 2024, la troupe lyrique de l’Opéra de Paris.  

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Cette émulation générationnelle fera donc vibrer le public les 20, 21 et 22 août, à travers trois concerts associant Schubert, Mozart, Brahms, Ravel, Beethoven, sans compter des lieder et mélodies de Schumann, Poulenc, Dvorak ou Rachmaninov. Un bain de musique après le bain de mer.

Festival Syrinx en Ré : du 20 au 22 août 2025.



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