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Algérie : l’impasse historique


Algérie : l’impasse historique
photo : Said Sadi face à la police lors de la manifestation du 2 janvier à Alger
photo : Said Sadi face à la police lors de la manifestation du 2 janvier à Alger

Cinq jours après avoir annoncé son intention de lever l’état d’urgence instauré depuis dix-neuf ans, le pouvoir algérien interdit la marche organisée par la Coordination nationale pour la démocratie et prévue le 12 février à Alger. Cette décision traduit on ne peut mieux les perturbations qui déchirent le sérail algérien. La coordination, qui regroupe des partis politiques de l’opposition, des syndicats autonomes, la ligue des droits de l’Homme, des associations de jeunes et de journalistes, a décidé de maintenir la marche dans la capitale algérienne. À noter que l’interdiction qui frappe l’opposition ne concerne pas les structures clientélisées par le pouvoir. Ainsi, en 2005, lorsque le président Bouteflika était rentré de Paris après deux mois d’hospitalisation au Val-de-Grâce, les transports publics et privés avaient été réquisitionnés dans tout le pays pour organiser son accueil.

Actuellement, des quantités importantes de bombes lacrymogènes et autre matériel anti-émeutes sont débarqués au port d’Alger. Le 22 janvier, lors de la marche organisée par notre parti, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, le régime a appelé 19.000 policiers en renfort, interdit l’entrée des trains et des bus dans Alger, où il a fait encercler les cités universitaires pendant 24 heures.

C’est dire si la situation explosive qui prévaut dans le pays panique le pouvoir qui, terrifié par ce qui se passe en Tunisie et en Egypte, ne sait réagir qu’en se bunkérisant. Incapable de prendre la mesure des enjeux, Bouteflika, à la suite de Ben Ali et de Moubarak, joue séquence après séquence, le scénario des despotes en sursis : menaces, simulacres d’écoute, concessions tardives, inadaptées et, pour tout dire, puériles, provocations à l’encontre de manifestations pacifiques, le tout pour exercer un chantage au chaos ou à l’islamisme…

Or, il faut savoir que la situation est beaucoup plus tendue en Algérie qu’ailleurs : en 2010, on a enregistré 9700 émeutes, d’ampleur inégale. Si on ajoute le fait que les classes moyennes qui ont accompagné et canalisé la révolution en Tunisie n’existent quasiment pas en Algérie, la conclusion est claire : l’autisme du pouvoir couplé à une exaspération populaire trop longtemps contenue peut mener à une déflagration qui aura des répercussions nationales et régionales inédites.

La conscience nationale algérienne, fraiche et fragile, est née de la résistance à la violence d’une colonisation de peuplement qui a pulvérisé normes sociales et valeurs communautaires. La prédation plus massive encore, compte tenu des ressources disponibles, perpétrée par le régime a généré une fureur que la fuite des cadres et des jeunes ne parvient pas à dissoudre. En vérité, nous ne vivons pas seulement une crise politique majeure, nous sommes dans une impasse historique.

Bouteflika était ministre en 1962. En 2008, il s’est autoproclamé président à vie. Mais plus des trois quarts de la population algérienne a moins de trente ans. Tout est dit.



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Saïd Sadi est psychiatre. Il est député d'Alger et président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).

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