«Lettres au père Jacob», un joyau lumineux


«Lettres au père Jacob», un joyau lumineux
(Photo : Kaarina Hazard - Saje Distribution)
(Photo : Kaarina Hazard - Saje Distribution)

Après les Oscar de Spotlight et les louanges pour le film d’Anne Fontaine, Les Innocentes, le cinéma nous offre une fable finlandaise sur le thème — pourtant classique — du pardon et de la rédemption, Lettres au Père Jacob, un film réalisé par le Finlandais Klaus Härö, en 2009. Et c’est grâce à la boîte de distribution catholique Saje Productions qu’il arrive en France ce mois-ci.

L’expansion du christianisme au-delà des frontières des mondes juif et romain s’est réalisée en majeure partie grâce au zèle apostolique de Saint-Paul, « l’avorton de Dieu » qui multiplia les Epîtres à destination des nations plus ou moins lointaines. Dans le film finlandais Lettres au Père Jacob, le spectateur assiste à l’inverse : des ouailles reviennent à leur pasteur en couchant sur le papier leurs peines et leurs questions. C’est le père Jacob, isolé dans sa paroisse désertée, qui se retrouve relié au monde par ces missives, auxquelles il répond, comme il aviserait charitablement un pénitent au sortir de sa confession ou consolerait un affligé.

La trame est simple : ce bon prêtre aveugle, digne du Mgr Myriel des Misérables, sollicite l’aide d’une femme graciée, Leïla, pour lire son courrier et y répondre. Condamnée à perpétuité pour meurtre, elle a purgé douze ans de sa peine. On assiste au motif classique du salaud qui pourrait retrouver la grâce et la rédemption au contact d’un personnage bon comme du bon pain. Cette femme revêche et hermétique à sa mission ne reste que quelques jours à vouloir tirer avantage de la faiblesse du vieillard aveugle.

Le film est relativement court, il se contente donc d’aller à l’essentiel. Les dialogues ne prennent de sens que parce qu’ils sont entrecoupés de beaucoup d’écoute et d’attention entre les deux personnages principaux. Tandis que l’une observe avec de moins en moins de distance, l’autre ressemble à un Siméon des temps modernes, clairvoyant et bienveillant. Le motif des échanges par lettres renforce cette atmosphère dépouillée de toute la frénésie que connaît notre société Internet qui échange en 140 caractères.

La force du film réside dans son traitement délicat de la lumière et de la photographie. Ce huis-clos pourtant ouvert sur le monde expose un univers à haute portée symbolique. Le pain partagé sur la table du tea time suggère une métaphore de l’eucharistie, sans ostentation ni prosélytisme forcené. Des plans appliqués sur un service à thé, une bouilloire fumante, renforcent l’atmosphère paisible de cette parabole contemporaine filmée dans des paysages verdoyants et des maisons de bois.

Le terme religion, selon le dictionnaire Gaffiot, viendrait du latin religio, qui signifierait recueillir à nouveau. D’autres sources préfèrent le rattacher à religare, qui se traduit par relier ou attacher. Ce film très abouti réconcilie les deux significations : il y a le prêtre qui recueille cette Leïla fracassée par la vie. Et à côté, on décachète ces lettres qui relient les expéditeurs presque anonymes à notre curé. Ces deux aspects constituent autant de facettes de la foi à visage humain, transcendée par l’amour du prochain. Comme dans la Première lettre de Saint Paul aux Corinthiens : la charité première.

Lettres au père Jacob de Klaus Häro. En salle depuis le 9 mars.



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est journaliste à RCF Touraine.

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