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Le « oui mais » de Joe Biden aux Israéliens

Une visite historique. L'analyse géopolitique de Harold Hyman


Le « oui mais » de Joe Biden aux Israéliens
Le président américain décolle pour Israël, 17 octobre 2023, Washington © UPI/Newscom/SIPA

Le président Biden arrive aujourd’hui en Israël, où on va le voir poser devant les photographes avec le Premier ministre israélien. Il devait également se rendre en Jordanie. Mais la poignée de main prévue avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, les Jordaniens et les Égyptiens a été annulée, suite au dramatique bombardement sur un hôpital à Gaza (dont Tsahal assure ce matin qu’il va apporter les preuves de la responsabilité du Djihad islamique). La visite surprise de Biden au Proche-Orient démontre que les Américains n’ont pas confiance en Netanyahou. Washington veut conserver sa politique arabe, et tente d’empêcher ce dernier de la gâcher.


Joe Biden a annoncé, à la dernière minute, lundi soir, qu’il se rendrait en Israël et en Jordanie ce mercredi. Ce type de visite diplomatique surprise, et à haut risque, n’est pas dans les habitudes. Quels sont les objectifs de Joe Biden avec ce déplacement exceptionnel ? Un président américain qui se déplace dans un pays en guerre, sur lequel les missiles et roquettes tombent, est effectivement rare. Même si ce fut déjà le cas à Kiev l’année dernière.

Pourquoi Netanyahou est obligé de tenir compte de ce que Biden vient lui dire

Le président Biden doit montrer l’attachement absolu des États-Unis à l’État d’Israël, car son parti compte une petite faction pro-palestinienne, et une certaine opinion américaine commence à se dessiner en faveur des Palestiniens. L’Amérique a aussi été choquée par un crime de haine, près de Chicago, dans lequel un petit garçon musulman de 6 ans a été tué à coups de couteaux. Biden doit également réfréner Israël, empêcher que Tsahal investisse Gaza entièrement. La raison en est double : s’il y a trop de morts palestiniennes, alors la charge de la cruauté pourrait basculer sur Israël, et le sentiment pro-palestinien s’en nourrir. En se rendant sur place, en dépêchant une flotte américaine, et en expédiant des munitions et des moyens de lutte anti-aérienne, et donc quelques personnels militaires américains, Biden rend un service à Israël d’une telle magnitude que Netanyahou ne peut balayer la position américaine. Et le vaste sentiment pro-israélien sera conforté.

Biden craint-il une guerre mondiale ?

Enfin, Biden a peur qu’une confrontation militaire avec l’Iran déclenche une guerre plus grande, entre Israël et l’Iran. Pendant la Guerre du Golfe, en 1991, Israël a essuyé des SCUDs de Saddam Hussein, sans réagir, car la pression américaine en faveur de la retenue était énorme. Washington veut conserver sa politique arabe, et tente d’empêcher Netanyahou de la gâcher.

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Après avoir rappelé dans un premier temps son soutien indéfectible, et estimé que l’État hébreu pouvait riposter face au mal « à l’état pur », le président Biden peut-il réellement obtenir des concessions des Israéliens pour épargner des vies à Gaza ? C’est certain que Biden peut faire pression. Éventuellement, il pourrait même être un alibi pour Netanyahou, en donnant l’impression de forcer le Premier ministre à la retenue. Les Israéliens sont conscients qu’ils n’ont que les États-Unis comme ami majeur, les soutiens britannique, français et allemand ne faisant pas le poids. L’amitié chinoise et russe ne joue plus du tout, et les accords d’Abraham pourraient tomber à l’eau, si Israël envahissait Gaza et ne laissait pas les Gazaouis revenir après la guerre.

L’inimitié entre Téhéran et pratiquement tous les pays arabes est un atout. Si Biden transforme son intervention diplomatique et sa menace militaire en un exercice anti-iranien, personne ne le fustigera, bien au contraire. Donc c’est avec les Européens que Biden va réfréner Israël à Gaza, tout en bombant le torse face à l’Iran. Une unanimité de points de vue diplomatique. Les pays arabes lui sauront gré d’avoir empêché Israël de raser Gaza Nord, car ces mêmes pays, Arabie Saoudite en tête, pourront s’abriter derrière les États-Unis pour justifier leur hostilité au « Glaive de Fer », du nom de l’opération israélienne. De plus, Biden pourrait éventuellement révéler que le Hezbollah n’est pas un factotum absolu de Téhéran. En effet, si une guerre généralisée de la part du Hezbollah devait avoir lieu, le groupe libanais y survivrait-il ? N’est-ce pas un trop gros risque à prendre pour le Hezbollah ? En 2006 le Hezbollah a eu sa guerre. Mais en 2023 c’est la guerre de Téhéran. Et il n’y a pas de grandes retombées à espérer pour le Hebzbollah. Un affrontement Washington – Téhéran ferait plaisir à presque tous les régimes arabes.

L’issue diplomatique est décidément la plus rentable pour Washington. Le monde retient son souffle.



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Harold Hyman est franco-américain, élevé à New York, ancien du « Lycée » français de New York, diplômé de Columbia University et l’Université de Montréal. Il s’installe définitivement à Paris en 1988. Journaliste à Reader’s Digest, puis RFI, Radio Classique, BFMTV, actuellement CNEWS. Il a couvert l’Extrême-Orient, les États-Unis et le Moyen-Orient. Auteur de Géopolitiquement correct & incorrect (éditions Tallandier, 2014) puis de États-Unis: Tribus américaines (éditions Nevicata).

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