Accueil Société Valérie Trierweiler : la Première Dame qui ne voulait pas se taire

Valérie Trierweiler : la Première Dame qui ne voulait pas se taire


valerie trierweiler hollande

Je crois avoir été l’un des premiers intellectuels français à avoir défendu Valérie Trierweiler, alors encore première dame de France, lorsqu’elle fut attaquée de toutes parts, y compris par le Président de la République et son Parti socialiste, lorsqu’elle osa afficher publiquement, lors de son fameux tweet, son soutien à Olivier Falorni, dissident socialiste qui menaçait de battre Ségolène Royal, dans la circonscription de La Rochelle, au second tour des dernières législatives.

Ce que j’y défendais en substance, chez celle que j’avais appelé là, pour sa distinction naturelle comme pour son caractère rebelle, « la dandy de la République », c’était, avant tout, son indomptable esprit de liberté, bien aussi suprême qu’inaliénable, surtout en démocratie, pour tout être humain.

Ce courageux mais nécessaire esprit d’indépendance, je l’avais en outre illustré à travers ce qu’en écrivit, tout en finesse et nuance, ce grand écrivain du XIXe siècle que fut Jules Barbey d’Aurevilly dans le superbe tableau qu’il brossa, en son petit mais historique essai sur le dandysme, de Lord Brummell, alors surnommé, tout à la fois, le « prince des dandys », l’ « arbitre des élégances » et « Beau Brummell » : « Ce qui fait le Dandy, c’est l’indépendance. Autrement, il y aurait une législation du Dandysme, et il n’y en a pas. », y stipule en effet Barbey.

Aussi pertinent qu’impertinent, il en infère donc, en guise de conclusion : « Ainsi, une des conséquences du Dandysme, un de ses principaux caractères (…) est-il de produire toujours l’imprévu, ce à quoi l’esprit accoutumé au joug des règles ne peut pas s’attendre en bonne logique. (…). C’est une révolution individuelle contre l’ordre établi, quelquefois contre nature (…) Le Dandysme, (…) se joue de la règle et pourtant la respecte encore. Il en souffre et s’en venge tout en la subissant ; il s’en réclame quand il y échappe ; il la domine et en est dominé tour à tour : double muable caractère ! (…) C’était là ce qu’avait Brummell (…) et par-là il répondait aux besoins de caprice des sociétés ennuyées et trop durement ployées sous les strictes rigueurs de la convenance ».

De fait : « cette révolution individuelle contre l’ordre établi », cette très subtile manière de se « jouer de la règle tout en la respectant encore », cette encore plus adroite façon de « s’en venger tout en la subissant » et de « la dominer en étant dominé tour à tour », c’est là l’insigne et immense privilège dont peut se targuer aujourd’hui, tel ce « double muable caractère » qu’incarna jadis le beau Brummell, la belle Valérie !

Cette rare et d’autant plus précieuse insolence, Valérie Trierweiler la réitéra, plus audacieuse encore dans la mesure où elle s’opposait carrément là au premier flic de France, l’omniprésent Manuel Valls, lors de la tristement célèbre affaire Leonarda : ce qui ne fit, bien sûr, qu’aggraver son cas, au grand dam de ce grand méchant mou qu’est François Hollande, aux yeux des bien pensants et autres cols blancs de ce médiocre socialisme à la française.

C’est dire si cette éminente femme dandy des temps modernes, comme je l’ai encore nommée, en a affolé plus d’un parmi ces cerveaux compassés et bustes engoncés de la République, faisant trembler jusqu’aux ors de l’Élysée.

C’est du reste là, insistais-je en ladite tribune, la plus profonde et juste des définitions que l’on ait jamais donnée du dandysme : « le dandysme est le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences », établit Baudelaire, maudit d’entre les maudits, dans une critique d’art ayant pour titre Le Peintre de la vie moderne. Nietzsche, dans son Gai Savoir et autre Ainsi parlait Zarathoustra, appelait aussi cela le « grand style ».

Quant à savoir si l’autorité du Président Hollande avait été ainsi, par ce tweet de Trierweiler, écornée, remise en cause ou malmenée, c’est là une question dont un dandy, libertaire et subversif par définition, n’a franchement que faire : « La désobéissance, pour qui connaît l’histoire, est la vertu originelle de l’homme. C’est par la désobéissance que le progrès s’est réalisé, par la désobéissance et par la révolte. », affirme Oscar Wilde, faisant de la rébellion un facteur de progrès pour toute civilisation, dans cette utopie socialo-anarchiste que représente ce petit livre programmatique qu’est le bien nommé « L’âme de l’homme sous le socialisme ». François Hollande, ancien Secrétaire général du PS, devrait, théoriquement, en être ravi !

Mais ce que je mettais alors surtout en exergue, dans mon article, c’est qu’il restait à espérer que Valérie Trierweiler, dont ses ennemis se mirent à être alors toujours plus nombreux et vindicatifs tout autour d’elle, n’aurait pas à payer un jour le trop cher prix de cette liberté qu’elle osait ainsi s’accorder à l’ombre de l’Elysée, mais sous la lumière des projecteurs. Car c’est pour ce type d’impudence, précisément, que Lord Brummell fut naguère répudié par le Prince de Galles, à qui il s’était permis de tenir effrontément tête. Il fut même banni sans ménagement, sous les huées et quolibets des courtisans de Londres, de Buckingham Palace, jusqu’à un exil forcé. Arrivé en France, sur une plage de Normandie, définitivement vaincu, il mourut alors seul et sans ressources, prématurément vieilli et dans la misère la plus noire. Il repose encore aujourd’hui, oublié de tous, sous une humble et anonyme pierre tombale du petit cimetière protestant de Caen.

Certes le lumineux Paris du XXIe siècle n’est-il pas le sordide Londres du XIXe. Mais il n’empêche que si l’on ne coupe certes plus les trop fortes têtes dans la capitale française, on sait néanmoins encore comment y abattre les trop grandes gueules.

C’est là malheureusement le tragique cas, ainsi que je l’avais prédit, de la pauvre Valérie Trierweiler, elle aussi impitoyablement répudiée, sans égards ni tact, sans le moindre geste d’élégance ni de clémence, par un homme que, s’il n’était pas Président de notre respectable République, avant même d’être ce très peu aimable mixte de cruauté et de cynisme, l’on pourrait aisément qualifier, au vu de son détestable machisme envers les femmes, de mufle, voire de goujat.

François Hollande, décidément, ne sait pas se comporter, surtout pas – comble du paradoxe pour le néo social-démocrate qu’il a prétendu être tout récemment – envers les plus faibles ou les plus démunis que lui… quand ils ne sont pas, tout bonnement, ses impuissantes victimes !

Valérie Trierweiler : ancienne première dame de France et femme dandy de la République, certes ; mais surtout, à présent, premier drame sentimental, sinon tout simplement humain, de France.

À elle, en plus de notre sympathie, toute notre compassion. Valérie Trierweiler, que je ne connais pas personnellement, est une amie de cœur, sinon de raison !

Son actuel voyage en Inde, parmi les miséreux de Bombay, est, dans cette tourmente et malgré l’adversité, la plus noble, digne et admirable des réponses.

*Photo : GUIBBAUD-POOL/SIPA. 00649764_000005. 



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Robert Redeker, (re)lire Arthur Schnitzler et le Professeur Schulz : mes haïkus visuels
Article suivant Nutella : Ne tournons pas autour du pot
est philosophe, auteur de La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique (Presses Universitaires de France), Oscar Wilde (Gallimard), Manifeste dandy (François Bourin Editeur).

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération