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Moi, j’aime les «patrons»

En France, les patrons c’est méchant, les entrepreneurs c’est gentil, les chefs d’entreprise ça dépend


Moi, j’aime les «patrons»
Javier Bardem dans le film "El buen patrón" réalisé par Fernando León (2021) © Paname distrib.

Bien avant que les mots ne soient changés jusque dans les contes de fées, pour créer un monde meilleur, sans relief, sans vagues et sans passé sous la menace des tenants tout puissants du wokisme, et avant d’attaquer la littérature, on avait déjà banni du langage courant le terme de « patron »…


Les patrons c’est méchant, les entrepreneurs, c’est gentil, les chefs d’entreprise ça dépend.

Les seuls qui prononcent aujourd’hui le mot patron avec délectation, ce sont les syndicalistes et les manifestants. L’évocation du mot est déjà une accusation. Le patron est autoritaire, intransigeant, directif, il est tout puissant, maltraite un peu ses salariés, que dis-je ses « employés » car le mot évoque mieux la dépendance de l’emploi assujetti, alors que « salarié » induit le salaire qui est quand même bien vu, surtout lorsque le pouvoir d’achat faiblit.  

Lorsque j’avais suggéré de lancer la fête des patrons, Ernest-Antoine Seillière, alors patron du CNPF, m’avait répondu, non sans humour: «Mais enfin, en France, lorsqu’on fait la fête à un patron, c’est pour le séquestrer!»

Quand on veut être critique, on parle donc d’employés, que l’on imagine pliant sous le joug de la dictature patronale, avec un soupçon d’esclavagisme. Derrière le patron il y a pire : le « patronat » ! Une classe sociale à elle seule, dominatrice et exploitante. D’ailleurs, en 1998, le CNPF (Centre National du Patronat Français) avait tenté de se refaire une réputation en changeant de nom (déjà…) et nous sommes peut-être mieux considérés depuis qu’il s’est transformé en MEDEF (Mouvement des Entreprises de France).

La disparition du patron est donc bien ancrée, même si certains salariés normaux continuent de dire « mon patron » (« mon chef d’entreprise », c’est un peu lourd) quand ils parlent de leur travail, pardon d’utiliser le mot travail (« activité professionnelle »). « Patron » a des relents d’années 50 avec Jean Gabin qui donne de la voix, devant lequel on ne bronche pas et qui vous casse une grève debout tout seul dans la cour de son usine, rien qu’en se montrant.

A lire aussi, du même auteur: Féministes: arrêtez de castrer nos mecs!

L’appellation de patron a disparu en même temps que le principe d’autorité en général. Le patron, lui, n’a pas l’esprit de bande des start-uppeurs, il n’est pas « cool », il ne tutoie pas ses salariés; le DRH c’est lui et ça ne rigole pas toujours. On ne l’accusait pas encore de super profits mais il s’en « mettait déjà plein les poches ». Certes, on peut se réjouir de la disparition des tortionnaires du boulot comme les définissent ceux qui en font des films : « Merci Patron !» * mais l’origine est pourtant belle : du latin pater, le père, le défenseur qui veut dire aussi un protecteur. Sous le terme patron (qu’eux-mêmes se gardent bien d’employer) il y a pourtant beaucoup de ses qualités qui manquent aujourd’hui aux dirigeants de toutes sortes, y compris chez les politiques. Le patron, du moins dans l’image que l’on s’en faisait, assume, il joue de son autorité, il prend des risques, et il n’a jamais peur car il a les épaules larges, il inspire confiance à ses salariés… On en a un peu peur mais on le respecte. Oui, c’est vrai c’était peut-être un « mâle dominant », il avait des défauts bien sûr, mais il n’était en réalité ni plus dur ni moins juste qu’un chef d’entreprise maintenant. Et puis, il y avait la patronne : elle inspirait tout autant le respect et même la crainte – les maris ne disaient-ils pas « je vais demander à la patronne », pour bien montrer que l’autorité au foyer, quoiqu’on en dise, c’était elle aussi. Pas besoin de féminisme outragé, la patronne s’est imposée d’abord à la tête de PME ou des commerces, même si bien sûr il faut relativiser et continuer à se battre pour l’égalité, la promotion et la place des femmes partout dans le monde !

Les Anglo-saxons, eux, ont aussi ont leur « patron » qui n’a pas eu besoin de changer de nom, c’est le boss qui a toujours été le boss. D’ailleurs, on a bien sûr emprunté le vocable, «  mon boss » est à la mode, cela traduit mon patron, en plus sympa. Plus sympa déjà que par exemple mon « chef », qui a un côté mesquin: chef de rang, sous-chef, petit chef. En voilà un qui n’a pas gagné ses galons de vrai « dirigeant » (le terme techno qui ne fait vraiment pas de vagues).

Eh non! On ne rêve pas: il y a même aux États-Unis le boss day, jour où l’on déclare à son patron qu’on l’aime, et on le fête. Prudemment, on a timidement enchainé en France sur « J’aime ma boite », et lorsque j’avais suggéré de lancer la fête des patrons, Ernest-Antoine Seillière, alors patron du CNPF, m’avait répondu, non sans humour: « Mais enfin, en France, lorsqu’on fait la fête à un patron, c’est pour le séquestrer ! »

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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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