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Moi François Hollande, je romprai avec la Françafrique


Moi François Hollande, je romprai avec la Françafrique

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Lionel Jospin, lors du putsch du général Gueï à la Noël 1999 en Côte d’Ivoire, avait mis en application sa doctrine dite « ni ingérence, ni indifférence ». Il s’ensuivit une décennie de guerre civile. Un gâchis que le défunt 43°BIMa de Port- Bouët aurait pu éviter s’il était intervenu pour défendre le président élu, Henri Konan-Bédié. La cohabitation fit que Chirac et Jospin jugèrent urgent d’attendre. En mars 2012, la France en campagne présidentielle regardait impotente le putsch du capitaine Sanogo à l’origine de l’effondrement de l’Etat malien. Un an plus tard, belote et rebelote, François Hollande laissait tomber le centrafricain François Bozizé, un despote parmi d’autres, face aux colonnes de la Séléka. Hier, une opposition armée, aujourd’hui un mouvement accusé par le Département d’Etat, mais un peu tard, d’être « prégénocidaire ».

En Côte d’Ivoire, au Mali, en Centrafrique, à chaque fois une coûteuse opération militaire est nécessaire pour colmater les brèches et remettre en selle un processus démocratique qu’on aurait pu réformer lorsque tout allait pour le mieux. Mais c’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur… Alexandra Geneste soulignait, non sans ironie, dans Le Monde: « il aura fallu huit mois aux quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU pour s’entendre sur le « besoin d’une action rapide et décisive » en République centrafricaine (RCA)« . Rejeter la faute de cet attentisme chronique sur les seules Nations-Unies serait toutefois injuste car c’est bien l’Élysée qui semble marabouté par le spectre de la « Françafrique ». Ce fantôme réactivé avec gourmandise par la médiacratie française a fait oublier le sens premier de ce néologisme forgé par Félix Houphouët-Boigny. Une fusion stratégique franco-africaine, pour le meilleur et pour le pire, qui mériterait d’être extirpée de ses interprétations simplistes (du style France-à-Fric) pour n’en garder que l’idéal fondateur imaginé par de Gaulle.

Malheureusement, on a pris la regrettable habitude de dénigrer la « Françafrique » à force de cultiver un complexe colonial et antiraciste. L’aventure coloniale, qui fut largement l’œuvre des républicains, a suscité au lendemain de la seconde guerre mondiale, un malaise et un repentir dont la France et, tout particulièrement la gauche, peinent à se défaire. Car la décolonisation fut mieux assumée par le gaullisme que par le socialisme. Ce malaise est entretenu par une partie des descendants des colonisés et de certaines personnalités de gauche qui trouvent dans le combat contre la Françafrique une sorte de rattrapage militant de la lutte anticoloniale. Un phénomène que reconnaissait volontiers Thomas Mélonio, aujourd’hui conseiller Afrique adjoint de l’Élysée, dans une tribune au Monde le 13 juillet 2011 au profit de la Fondation Jean-Jaurès : « Une relation complexe, marquée par les traumatismes de la décolonisation et les indépendances. (…) des enjeux de politique intérieur sensibles : il faut donc définir un discours susceptible d’en porter toutes les dimensions et éviter le double écueil de l’autoflagellation et de la glorification de la colonisation. »
Pas étonnant que le premier à prononcer l’arrêt de mort de la Françafrique dans un discours présidentiel fut François Mitterrand, lequel dut en partie son élection au scandale des diamants de Jean-Bedel Bokassa. Des sentences récurrentes à chaque début de mandat. Autant de coups d’épée dans l’eau dont la « Françafrique moribonde » se releva à chaque fois.

Avec le temps, la droite a repris le slogan de « la fin de la Françafrique ». Un peu comme si elle était gagnée par le complexe colonial de la gauche. Foccard et Giscard jouant le rôle de Ferry et Gallieni. Pourtant, la droite a continué, comme la gauche, à s’impliquer; toujours rattrapées par l’étroitesse des relations franco-africaines. Souvenons-nous du discours de Nicolas Sarkozy, bien plus insultant que celui de Dakar,  qui annonçait, à l’occasion du 25ème Sommet Afrique-France (on ne peut plus dire sommet France-Afrique…), vouloir « en finir avec 50 ans de Françafrique » et faire de l’année 2010 « la véritable année de la décolonisation ». Et pourtant Nicolas Sarkozy, qui ne s’y était jamais intéressé et qui a commencé par démanteler la moitié de nos bases militaires, n’a cessé d’y intervenir au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Niger, en Mauritanie, en Libye… mi-indifférence, mi-ingérence!

François Hollande, en fidèle disciple de Mitterrand, ne fut pas en reste. « Je romprai avec la « Françafrique », en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité. » pouvait-on lire dans sa 58ème promesse de campagne. Après quelques pudibonderies post-électorales, il se rendait en juillet 2012 à Kinshasa au sommet de la francophonie, poussé par sa ministre Yamina Benguigui, sur fond de crise malienne. Alors même que des émeutes urbaines venaient d’être réprimées dans le sang en RDC. En l’absence de cellule africaine conséquente à l’Élysée et face à l’inconsistance de Pascal Canfin et Yamina Benguigui, Jean-Yves Le Drian en a profité pour prendre la main sur les questions africaines. Sur Europe 1 cette semaine il s’est même autorisé à remarquer que « Le Premier ministre et le Président Djotodia (…) sont des autorités de transition (…) ces autorités sont provisoires, elles seront remplacées« . Comme au bon vieux temps de Bokassa Ier?  Reste à savoir pourquoi ne l’avait-on pas fait plus tôt en empêchant les rebelles de piller Bangui.

Peut-être parce qu’à la gauche du PS, on recommence à agiter le spectre de la Françafrique… « On a le triste sentiment de revenir aux méthodes anciennes de la Françafrique » regrettait Noël Mamère au lendemain de l’opération Serval. Pour le PCF et le Front de Gauche  « la France doit se désengager sur le plan militaire, rompre avec la politique de domination contenue dans le Livre blanc 2013 de la défense. » « La France a une responsabilité écrasante dans cette tragédie. Elle a une dette considérable envers le peuple de Centrafrique » poursuit Dominique Josse, animateur du « collectif Afrique du PCF ». La tentation de l’autoflagellation n’est jamais très loin à gauche.

*Photo : REX/Alon Skuy/Gallo Ima/REX/SIPA. REX40311099_000004.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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