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Maaloula, village chrétien martyr


Maaloula, village chrétien martyr

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C’est un village assis sur le versant sud des pentes de la chaîne montagneuse de l’Anti-Liban, un village connu pour ses refuges troglodytes. Là, à Maaloula, se réunissaient les premiers chrétiens persécutés pour célébrer leurs cultes il y a deux mille ans. On y trouve le monastère grec-catholique de Mar Takla ombragé par un arbre dont la tradition fait remonter les racines à sainte Thècle. Ce témoin de la foi, disciple de l’apôtre Paul, selon un récit apocryphe, « Les actes de Paul et Thècle », y a son tombeau. C’est l’une des trois dernières localités dans le monde où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ. C’est un village symbole pris d’assaut par la frange islamiste de l’opposition à Assad. Déterminée, elle a assassiné des chrétiens après avoir vainement exigé qu’ils se convertissent à l’islam. Le village devait célébrer la fête de l’Exaltation de la Croix hier.

Maaloula est un nom désormais largement connu en Occident. Cette localité de quelques milliers d’âmes à 55 kilomètres de Damas, est un village martyr. Au petit matin, le 4 septembre dernier, les rebelles islamistes ont lancé une attaque contre la bourgade jusque-là épargnée au milieu du conflit. Les rebelles, dont des djihadistes du Front al-Nosra associés à Al-Qaïda, avaient auparavant envoyé un véhicule militaire conduit par un kamikaze contre le barrage de l’Armée syrienne régulière, tuant les huit soldats qui protégeaient le village. Une fois la localité privée de protection militaire, les rebelles le surplombant ont tiré des obus et à la mitrailleuse anti-aérienne sur son centre. Le nombre de victimes varie selon les sources, ainsi que les méthodes d’assassinat, une agence d’information officielle iranienne parlant même de décapitations de chrétiens, sans confirmation des villageois.

L’assujettissement de la population de Maaloula n’est pas un objectif militaire en soi, le village ne constituant pas une cible ennemie combattante dans le conflit entre les rebelles et le régime d’Assad. L’intérêt stratégique de la chute de la localité dans l’escarcelle des opposants, c’est de pouvoir menacer la route principale permettant de ravitailler les troupes de l’armée régulière entre Damas et Homs, l’autre grande ville autrement fois fortement peuplée de chrétiens. Homs se situe au nord de la capitale, Maaloula est sise entre les deux cités, et le contrôle de cette route accentue la présence des rebelles, déjà situés au sud, à l’est et à l’ouest de Damas. Mais les djihadistes tiennent également à asseoir la présence islamique dans le pays. À ce titre, la charge historique chrétienne de Maaloula et la foi de ses habitants sont un affront à leur idéologie.

Depuis la chute de la petite ville, 80% de ses habitants ont fui. Pour échapper aux exactions. Les rebelles ont désormais repris le contrôle de la localité après avoir été repoussés par l’Armée arabe syrienne. Les islamistes s’en sont pris aux symboles religieux orthodoxes et catholiques de la communauté : comme les talibans détruisirent naguère les statues du Bouddha en Afghanistan, les djihadistes ont supprimé celle bleu ciel et blanc de la Vierge qui dominait le village ; des monastères, dont l’un des plus anciens au monde, Saint-Serge, ont été détruits ou sont occupés ; des croix sur les édifices religieux ont été brisées. La population musulmane aurait favorablement accueilli les rebelles du Jabhat al-Nosra, « Les femmes leur jetaient du riz en signe de fête », d’après le témoignage de Mariam, une chrétienne. Adnane Nasrallah, un chrétien revenu des Etats-Unis peu avant la révolution pour développer le village se dit attristé : « Des femmes sont sorties sur leurs balcons pour lancer des cris de joie et des enfants ont fait de même. J’ai découvert que notre amitié n’était que superficielle. »

Divers récits font part de plusieurs morts, on parle de trois à cinq dépouilles aperçues sur la chaussée. Le service radiophonique IRIB iranien parle même de décapitations. Cependant, ainsi que le fait prudemment remarquer l’Observatoire de la Christianophobie, l’information est sujette à caution, l’Iran, allié de la Syrie, a tout intérêt à diaboliser encore davantage les rebelles. Il est possible de penser que Téhéran, qui soutient la pendaison pour les musulmans convertis au christianisme, ne cherche ici qu’à attirer la sympathie des peuples occidentaux. Aucun témoignage connu ne confirme à l’heure actuelle cette version des faits. Néanmoins, les djihadistes, qui ne connaissent pas de relâchement dans la cruauté, ont exécuté des chrétiens en raison de leur foi.

L’agence Fides relate la mise à mort de trois chrétiens du village d’après le témoignage d’une femme hospitalisée à Damas. Le 7 septembre, des islamistes ont visité les habitations qu’ils ont saccagées et dans lesquelles ils s’en sont pris aux images sacrées. Dans l’une des maisons, ils ont rencontré quatre gréco-catholiques, les cousins Taalab, Michael et Antoun, Sarkis el Zakhm, le neveu de Michael, et le témoin du drame qui a pu être sauvé après avoir été blessé. Les rebelles ont exigé que les occupants de la maison se choisissent entre la conversion à l’islam ou la mort. Sarkis a refusé de renier sa foi et répondu : « Je suis chrétien et, si vous voulez me tuer parce que je suis chrétien, faites-le ! » Les islamistes ont alors tué les trois hommes et blessé la femme. Les chrétiens présents à leurs obsèques le 10 septembre ont été profondément bouleversés. Pour Soeur Carmel, une chrétienne de Damas qui évacue les réfugiés, « La mort de Sarkis a constitué un véritable martyr, une mort in odium fidei » (par haine de la foi).

À ce meurtre religieux, il faut ajouter au moins celui d’Atef, rapporté par l’AFP et repris par Libération : le jeune homme a été capturé et tué le jour de l’attaque contre le barrage, il était membre d’une milice communale suppléant l’armée régulière. Sa fiancée, Racha, a appris l’horrible nouvelle quand elle a appelé son portable. Elle raconte qu’un rebelle lui a répondu : « Bonjour Rachrouch (nom amical), nous sommes de l’Armée syrienne libre. Tu sais, ton fiancé est un chabih (milicien pro-gouvernemental) qui portait des armes et on l’a égorgé. » Racha aurait alors proposé l’équivalent de 450 000 dollars en échange de son fiancé, mais l’homme aurait répondu : « Viens plutôt avec des sacs poubelle, nous l’avons découpé en cent morceaux. » Racha affirme que son fiancé a refusé de se convertir et que le rebelle au téléphone lui a alors dit : « Jésus n’est pas venu le sauver. »

D’autres témoignages font état de menaces de mort, notamment par décollation, si les chrétiens n’embrassent pas l’islam, rapporte l’agence assyrienne AINA. L’Observatoire syrien pour les droits de l’homme assure que 1 500 rebelles sont dans le village, ce qui laisse présager le pire. Il y a deux mille ans, les premiers chrétiens de la région se réfugiaient dans les grottes pour célébrer leurs cultes et fuir la persécution. Aujourd’hui, quasiment tous les chrétiens du village ont pris la route de Damas. Quand bien même ils pourraient un jour revenir sur leur terre, les relations de voisinage avec les musulmans locaux ne seraient plus les mêmes.

 *Photo : Hovic.



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est juriste, notamment spécialisé dans la liberté religieuse. Il anime un site d'analyse géopolitique et culturelle sur la situation des chrétiens persécutés.

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