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Roger Planchon, un géant discret quitte la scène


Roger Planchon, un géant discret quitte la scène

Le dramaturge Roger Planchon est mort mardi 12 mai à Paris d’une crise cardiaque, alors qu’il travaillait à la mise en forme d’un spectacle sur Sade. Il était âgé de 77 ans. Dit comme cela, avec la sécheresse des notices nécrologiques des agences de presse, on a du mal à imaginer la tristesse produite par cette nouvelle dans le cœur de ceux à qui Planchon fit découvrir et aimer le théâtre, qui sont fort nombreux, notamment dans la génération à laquelle j’appartiens.

Je l’avoue : ces dernières années, je ne suis pas allé voir ses productions au TNP de Villeurbanne, pourtant assez proche des lieux où je réside habituellement. L’âge et le plaisir de dépenser des sommes folles pour mon seul plaisir esthétique m’attire irrésistiblement vers l’opéra et ses fastes somptuaires. Mais je garderai toujours une gratitude immense à Roger Planchon pour avoir produit un miracle sur le gamin de treize ans que j’étais au mois d’octobre 1956 : le persuader qu’une pièce de théâtre était aussi passionnante qu’un match de football.

Le théâtre de la Comédie, rue des Marroniers à Lyon (moins de cent places), et le stade de Gerland (40 000 places à l’époque) ont été les lieux sacrés des émotions adolescentes d’avant l’amour.

Ce miracle a été porté par sa mise en scène du Cercle de craie causcasien de Bertolt Brecht, conforté par celle des Coréens de Michel Vinaver et parachevé par Rocambole d’après Ponson du Terrail. Avec une conséquence fâcheuse : un ennui mortel transformé en participation au chahut collectif lors des « matinées classiques », que de malheureux acteurs étaient contraints de donner devant un public de potaches travaillés par la testostérone.

Planchon fut le passeur de Bertolt Brecht dans un public français qui ne connaissait alors que le style Comédie-Française ou le théâtre de boulevard, deux genres fort respectables au demeurant, mais qui ne peuvent à eux seul représenter l’immensité du mystère théâtral. On reviendra un jour, j’en suis certain, à Brecht et à ce théâtre du texte ennobli par le travail du metteur en scène dramaturge. Brecht est tombé en disgrâce avec la chute du mur de Berlin, car il était du mauvais côté de la muraille. Planchon ne l’a jamais abandonné, même s’il s’est tourné aussi vers d’autres styles, le théâtre de l’absurde, Beckett et Ionesco.

Planchon n’était ni Vilar, ni Mnouchkine, ces deux porte-étendards flamboyants du théâtre contemporain : il cultivait une discrétion toute provinciale, fidèle à cette région lyonnaise qu’il n’a jamais quittée, à l’Ardèche de ses ancêtres et à un théâtre vraiment populaire, celui qui n’inflige pas au spectateur la punition du non-texte performatif. Qu’il en soit remercié.

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