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Alli, un faux allié ?


Alli, un faux allié ?

D’accord, il est parfaitement immoral de vouloir continuer à s’empiffrer en toute impunité. Mais ce qui assure des ventes record aux magazines féminins d’après-fêtes et d’avant-maillot, n’est-ce pas précisément la perspective de pouvoir enfin pécher par gourmandise sans pneu abdominal ou double menton ? La pilule Alli, inventée précisément pour que les goinfres pathologiques rétifs à tous les traitements et tous les sermons puissent espérer retrouver une taille à peu près normale est exactement la réponse scientifique et la solution idéale à un « phénomène de société » qui n’en finit pas, lui aussi, d’enfler.

Le tollé anti-Alli dans la presse serait donc incompréhensible s’il ne mettait pas en péril l’emploi et la raison d’être de tous les nouveaux métiers qui ont éclos depuis quelques années : gourous minceur, salles d’aquagym, fabricants de substituts de repas, de thé vert et autres gélules de perlimpinpin… Sans oublier les associations qui ne sont pas les dernières à râler contre la pilule-miracle : Allegro Fortissimo, pour ne citer que la plus grosse, qui lutte « contre les discriminations dont sont victimes les personnes de forte corpulence », dont une représentante affirmait encore hier au JT de France 3 que « Alli, ça n’encourage pas à faire des efforts ». Bref, médecins nutritionnistes et militants de la cause obèse entonnent le même couplet : il faut souffrir pour être mince, sinon, c’est trop facile. Tout cela n’est pas sans rappeler qu’il y a moins de cinquante ans, on entendait la même antienne sur l’accouchement sans douleur. Entonnée par les mêmes : médecins, hygiénistes et moralisateurs de tout poil, qui savent mieux que nous ce qui est bon pour nous. Et surtout pour eux.

Sans oublier l’hypocrisie consternante du fabricant, GlaxoSmithKline, qui choisit de lancer son médicament à quelques jours de l’épreuve de l’achat du bikini, et proclame dans sa publicité placardée sur tous les abribus de Paris que son médicament ne s’adresse qu’aux personnes « dont la masse grasse excède 28 % ». J’en connais plus d’une titrant 22 % qui se verraient bien intégrer la catégorie des 18 %, surtout quand la solution est en vente libre… Et ce ne sont pas les mises en garde qui empêcheront les ventes de cartonner avant l’été, surtout, oserons-nous, celles de Roselyne Bachelot.

Qu’on se rassure : si c’est la menace de destruction de certains emplois qui gênent les Pères la Prudence, elle sera largement compensée par l’augmentation du chiffre d’affaires des boulangers, pâtissiers, fromagers, charcutiers et pharmaciens. J’ai failli oublier les restaurateurs et cafetiers, gravement affectés par l’interdiction de fumer, et que devrait réjouir, comme nous tous, cette dépénalisation de fait de acides gras saturés : on va enfin pouvoir concilier maillot et mayo !



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Tristan Brillat est critique gastronomique, toujours de bon appétit et parfois de mauvaise humeur. <a href="http://carnet.causeur.fr/gastro">Table ouverte sur son Carnet.</a>

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