Accueil Politique Eric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin: des histoires de crachats

Eric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin: des histoires de crachats

Ne serait-ce pas les propos de nos ministres qui sont extrèmes?


Eric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin: des histoires de crachats
Eric Dupond-Moretti, novembre 2021 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 01047123_000012

Selon le Garde des Sceaux, CNews est la « chaîne officielle » de Zemmour. Et pour le ministre de l’Intérieur, les LR n’ont plus rien à envier au RN. Tu parles, Charles, les vrais « extrémistes » sont déjà au pouvoir ! Démonstration.


Il faut toujours un petit temps de préparation avant l’ébullition…

J’apprends que sur France Info Jean-Christophe Lagarde qui depuis quelque temps ne se maîtrise plus a déclaré, invoquant Charles Pasqua contre Eric Zemmour : « Se foutre du monde au point de dire, ‘Je suis un RPR’… Mais Monsieur Zemmour, si Monsieur Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête! ». Cette horreur (dont il s’est vite excusé) n’a suscité aucune réaction de la part des journalistes. La direction s’est contentée de couper la séquence et elle ne sera plus rediffusée. Voilà qui s’appelle de la fermeté ! Par ailleurs il a proféré un certain nombre de mensonges sur Drancy et sur la confrontation du polémiste avec certains habitants.

France, ton journalisme fout le camp !

Il a fallu une réplique cinglante d’Eric Zemmour à Jean-Christophe Lagarde pour que le fond de cet épisode soit vraiment mis en lumière !

Le garde des Sceaux s’en prend à CNews qui serait la « chaîne officielle d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen » et où Ivan Rioufol et Philippe Bilger « crachent sur lui ». Il refusera toujours d’y être invité.

L’absurdité de cette assimilation, pour qui regarde sans préjugé CNews, ne peut qu’être dénoncée et on constatera par exemple, sur le plan judiciaire, aucune véritable concordance entre Georges Fenech expert et moi-même simple chroniqueur. Je ne sais pas ce qu’il en est pour mon ami Ivan Rioufol mais pour ma part je n’ai jamais « craché » sur Eric Dupond-Moretti.

Exceptionnel avocat, piètre politique

L’avocat était exceptionnel quoi qu’on pense de son tempérament atypique et de sa manière de concevoir la défense. J’ajoute que plus d’une fois au sein de la magistrature, j’ai plaidé sa cause avec sincérité parce qu’il y a des caractères et des talents qui ne sont pas substituables. À la réflexion, le nommer garde des Sceaux était une grave erreur pour plusieurs raisons et elle doit être imputée en premier lieu au couple Macron qui a cru réussir « un coup » sans se soucier une seconde de l’honneur de la magistrature qu’Eric Dupond-Moretti a détestée avec constance et de l’opinion publique interloquée.

A lire aussi, du même auteur: Pour dénigrer le Congrès LR, tout est permis

Je laisse de côté un grief personnel pourtant révélateur du fait que ministre, il n’était plus le même et que l’audace de l’avocat avait laissé la place à la frilosité du politique (qu’il n’a pas su devenir par ailleurs, notamment dans les Hauts-de-France). Je n’ai jamais « craché » sur lui et mes crachats d’ailleurs n’auraient aucun sens ni le moindre effet à considérer l’unanimisme présidentiel et gouvernemental à son sujet. Si ne pas approuver béatement tout ce qu’il fait ou tout ce qu’il renie est « cracher », soit !

Les leçons de vertu républicaine du ministre de l’Intérieur

On a entendu ces derniers jours, dans une sorte de concert qui a mis en valeur une forme de traîtrise en politique, des propos ineptes et de mauvaise foi qui ont eu ou auront l’effet inverse de celui escompté. Qui pourrait se permettre de jeter la pierre aux personnalités qui à droite comme à gauche, avec une intuition remarquable ou non, ont varié, évolué, déserté ? Personne, sinon on pourrait craindre de tarir la source même du politique. Mais à une seule condition qui est impérative : qu’elles ne prétendent pas en plus donner des leçons de vertu républicaine, des injonctions de morale démocratique. Or force est de constater qu’elles se sont abandonnées avec un sadisme totalement contre-productif à ce qu’elles auraient dû récuser !

Renaud Muselier « crache », lui, véritablement, sur David Lisnard le grand maire de Cannes et donc brillamment élu à la tête de l’AMP. Il y a des hostilités tellement grotesques qu’elles font le lit du triomphe de l’adversaire.

Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti à l’issue du Conseil des ministres du 28 avril 2021, lors duquel un nouveau projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été présenté © Gonzalo Fuentes/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22562594_000003

Christian Estrosi, qui ne pouvait pas être en reste depuis qu’il a rejoint la macronie il y a quelques semaines, a qualifié de « formidables promoteurs d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen » les cinq candidats LR, probablement parce qu’il n’avait rien d’autre à dire face à la qualité de leurs débats. Certes ils ont beaucoup parlé de sécurité et d’immigration mais il n’est pas interdit de traiter des problèmes prioritaires des Français et de la part de Christian Estrosi, c’est piquant si j’ose dire : avant d’opter pour une autre stratégie d’ambition, il était infiniment plus dur que tous ces compétiteurs sur ces mêmes thèmes ! Enfin Gérald Darmanin qui par comparaison n’est pas un médiocre ministre de l’Intérieur – mais un transfuge trop content de lui – a développé dans un entretien toutes les raisons qui le font se féliciter de son bilan, certes sans triomphalisme (trop habile pour ça !) mais aussi, avec condescendance, l’image ridicule qu’il se fait de son ancienne famille politique. Il a mis au point une méthode dont il espère qu’elle sera efficace : inconditionnel à l’égard du président – il y aurait un « acharnement personnel » contre lui qui n’en oublie pas de faire campagne ! -, il garde ses amitiés à droite. Deux fers au feu. Surtout Gérald Darmanin est tristement typique de ceux qui ont trahi, de ceux qui ont choisi une autre « écurie » plutôt que de rester dans la leur : il faut qu’ils crachent au-delà de toute vraisemblance sur le parti qu’ils ont mauvaise conscience d’avoir quitté.

L’argument éculé de l’extrémisme

D’où « l’obsession immigrationniste » qu’il prête aux candidats LR. Et le petit rappel ridiculement nostalgique « parce qu’il n’y a pas le Jacques Chirac ou le Nicolas Sarkozy de mon adolescence politique ». Passons sur le second mais pour le premier on finira par le savoir que l’immobilisme est la meilleure méthode pour être célébré jusqu’à plus soif après sa mort ! Là où je regrette que l’honnêteté d’un Darmanin soit prise en défaut – mais il faut concéder ce qu’on doit à son maître -, c’est dans la malignité avec laquelle il prête aux débats LR des préoccupations et des obsessions qui sont seulement celles d’Eric Zemmour et, à un degré moindre, de Marine Le Pen.

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Pour stigmatiser faussement son ancienne famille (qui vivra verra !), il lui impute d’être ce que précisément elle n’est pas et la constitue comme un bouclier face aux défis que la faiblesse régalienne du pouvoir au contraire amplifie. Cette droite républicaine, entre le macronisme mou ou alternatif et la gauche enkystée dans son aveuglement, sera une chance pour la France si on lui fait confiance. Gérald Darmanin reprochant aux compétiteurs LR « de caler leurs pas non pas sur ceux de leurs pères mais sur les pas de la droite extrême » serait comique si la problématique n’était pas infiniment grave. Le réel que cette présidence va nous livrer, sur les plans de la sécurité, de la Justice et du vivre-ensemble, est lui-même extrême. Je serais curieux de savoir comment on pourrait guérir, avec de l’eau tiède et un humanisme n’ayant jamais à donner les résultats de son idéalisme ni à assumer les conséquences de sa naïveté, les terribles et quotidiennes blessures d’une démocratie en péril, corps et biens compris.

Cet argument sempiternel de l’extrémisme – dernière injure à la mode qui ne veut plus rien dire ! – est devenu le salut de ceux qui ne veulent plus argumenter ni contredire mais seulement se donner raison par l’invocation d’un prétendu excès que rien ne démontre puisque la mesure d’hier a échoué et que les nouvelles pistes proposées sont encore virtuelles. Cette notion d’extrémisme est un concept vague dont on ne connaît pas la référence – par rapport à qui, à quoi ? – et qui offre le grand avantage de ne jamais avoir à démontrer la validité de son reproche.

Je me souviens d’une époque où le juste milieu était moqué, le centrisme ridiculisé, le modéré honni. Maintenant on est passé au poncif de l’opprobre de l’extrémisme ! Rien n’est plus pauvre que ces prurits qui viennent mécaniquement se substituer à l’intelligence républicaine, à la force, à la richesse et à la contradiction des débats. Encore faut-il les écouter et ne pas y mettre la gangrène qu’on rêverait d’y voir ! Je propose à tous ces bons apôtres, à tous ces donneurs de leçons, à tous ces vertueux de la politique de s’interroger : et si les extrémistes étaient au pouvoir avec leur ancien (de plus en plus) monde insupportable ?

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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