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Le petit nez de Cyrano

Un problème de taille...


Le petit nez de Cyrano
Peter Dinklage. © metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

L’adaptation de la pièce d’Edmond Rostand en comédie musicale s’éloigne largement du texte original.


Le « teaser » de la prochaine adaptation de Cyrano de Bergerac est désormais disponible sur internet : une très grosse production qui devrait arriver en France en mars 2022 avec Joe Wright en réalisateur et Peter Dinklage dans le rôle du personnage éponyme. La star de Game of Thrones, forte de son nanisme, est connue pour y avoir interprété Tyrion Lannister.

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Pour cette comédie musicale tirée de l’adaptation pour le théâtre d’Erica Schmidt, épouse de Dinklage, le choix d’acteur peut surprendre. Le personnage littéraire de Cyrano est plutôt grand, fin et élancé malgré sa difformité nasale. Si l’acteur s’était présenté au casting hors période woke, un producteur malicieux aurait pu lui opposer la fameuse réplique du nez : « Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! »

Dans la pièce, Cyrano écrit des lettres amoureuses à Roxanne – la femme qu’il aime – pour le compte de Christian de Neuvillette, l’homme qu’aime Roxane. Il redoute que son physique peu avantageux gâte ses chances. Selon Joe Wright, le handicap de Dinklage remplacera habilement la disgrâce physique de Cyrano. Jadis, quand il s’agissait d’adapter une œuvre, le souci du réalisme l’emportait sur l’exégèse du metteur en scène. Joe Wright aimerait aujourd’hui moins honorer l’œuvre d’Edmond Rostand que faire « passer un message ». Quel est-il ?

« Normalement, Cyrano est joué un par un bel acteur avec un gros nez en caoutchouc sur le visage. Pete, lui, est comme il est. […] Son Cyrano lui permet, avec plus de simplicité, d’affronter les insécurités induites par toute différence physique. » Wright ose l’oxymore : « Il apporte par sa taille de nain une âme de géant ».

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En un mot : Cyrano doit tous nous inclure. La précédente adaptation cinématographique, de 1990, n’avait pas autant à offrir. Gérard Depardieu y incarnait un Cyrano tel que l’aime notre imaginaire national : héroïque, bravache, épris de liberté, franchouillard en un mot. Ça tombe bien puisque la pièce d’Edmond Rostand est précisément une pièce patriotique. Jouée à la fin du XIXe, après la débâcle de 1870, elle sublime la geste française dans son souci de compenser la défaite et la disgrâce physique par le panache et le verbe.


Novembre 2021 - Causeur #95

Article extrait du Magazine Causeur




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