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Afghanistan : Bacha Bazi et Bachibouzouks


Afghanistan : Bacha Bazi et Bachibouzouks
Zabihullah Mujahid, porte-parole des Taliban, 17 août 2021, AP Photo/Rahmat Gul)/XRG137/21229577342740//2108171825

Le retour au pouvoir des Taliban en Afghanistan est le résultat de l’hubris des Américains qui se sont révélés impuissants face à un îlot archaïque et sectaire.

Quarante ans de guerre. Etat domino au cœur de l’Asie centrale, ce qu’on nomme l’Afghanistan a été tour à tour dominé par les Perses, les armées d’Alexandre Le Grand, les proto-Mongols Yuezhi, l’empire indien Kouchan, les Britanniques, ou encore les Russes, livrant toujours hardiment bataille… Avec l’Ethiopie et le Japon, c’est un des pays non-occidentaux à avoir le plus farouchement résisté à l’époque coloniale. Autopsie d’un échec annoncé.

Un Etat fictif

Le 14 juin dernier, Joe Biden annonçait le retrait des troupes américaines. Deux mois plus tard, les Talibans prenaient Kaboul et renversaient le régime en place, sorte de protectorat occidental entretenant une fiction d’Etat souverain. En novembre 2001, la guerre contre le terrorisme entamée par George Bush fit de l’Afghanistan sa première cible. L’objectif de guerre était assez simple : abattre Al-Qaïda, débusquer Ben Laden et son complice le Mollah Omar. Il fallut moins de deux mois pour mettre en déroute le régime des Talibans, Hamid Karzai devenant chef du gouvernement provisoire après la signature des accords de Bonn.  L’hubris américain a par la suite fait tourner les choses au vinaigre. Pendant 20 ans, les dirigeants américains ont tenté à toute force de convertir l’Afghanistan, pays aux mœurs archaïques et dominé par des jeux intertribaux ancestraux, à la démocratie universelle et aux valeurs contemporaines. Les Etatsuniens sont tombés dans le même piège que les Soviétiques, comme autrefois Napoléon et Hitler en Russie, s’enkystant dans une guerre sans fin contre des islamistes déobandis cachés dans les montagnes et des habitats troglodytiques, soutenus par une part non négligeable de la population, notamment pachtoune.

Jamais la République islamique d’Afghanistan nouvellement créée n’a trouvé de stabilité politique ou d’armée en mesure d’assurer la sécurité du régime par elle-même, tant elle était maintenue sous perfusion américaine. Il n’est pas à douter que le retour des Talibans constituera une solution de repli pour de nombreux djihadistes dans le monde, en dépit des quelques différences qu’ils pourraient entretenir. Dans cette région du monde, l’école hanafite a connu un grand succès à la fin du XIXème siècle, idéologie cimentant l’opposition aux Britanniques par son retour aux sources propres et littérales de l’islam. Il n’y a d’ailleurs pas de phrase plus imbécile que celle prononcée par Axelle Red dans Manhattan-Kaboul en duo avec Renaud : « Ceux-là n’ont jamais lu le Coran ». Si, les Talibans l’ont tous lu et appris par cœur dans les Madrassas où ils ont été éduqués, leur école islamique se voulant une restitution fidèle du temps du prophète (un peu à l’image des Amish, l’ultraviolence en plus).

Archaïsme sectaire

Le problème actuel est que les Talibans sont perçus par une part de l’opinion afghane comme une solution pour restaurer l’ordre public, ainsi que l’a notamment exprimé Vladimir Poutine dans une déclaration. Il faut dire que la situation en Afghanistan n’était guère reluisante. Les Talibans ont ainsi pu se servir des pratiques pédophiliques traditionnelles des chefs de guerre pour retourner une partie de la population, ou directement comme force de frappe en employant d’anciens esclaves sexuels. Désireux de mettre un terme à cette pratique consistant à déguiser de jeunes garçons en filles pour qu’ils dansent dans les soirées masculines, parfois en accordant des faveurs sexuelles, certains soldats américains se sont vu opposer une fin de non-recevoir… Tout comme le trafic international de pavot, le Bacha Bazi illustrait crûment les errements d’un régime aussi corrompu que dépravé qui a servi de repoussoir aux Talibans.

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À Saint-Brieuc, le Bacha Bazi a servi d’argument pour la plaidoirie d’une avocate qui défendait un « réfugié » afghan récidiviste ayant violé un garçon de 12 ans. Eh oui, l’exception culturelle… Nous n’y trompons donc pas, l’afflux de migrants venus d’Afghanistan qui devrait rapidement arriver à nos frontières doit être refoulé sans ménagement. Nous ne pouvons pas nous permettre de recevoir ces bombes humaines potentielles, y compris quand il ne s’agit pas d’islamistes déobandis. Le problème afghan ne se limite pas à la religion ; il est tribal, anthropologique, ancestral. Ces gens n’ont tout simplement rien à faire chez nous. Voir Bernard-Henri Lévy tenter de reprendre le flambeau du Tadjik Massoud, en diffusant la tribune de son fils sur son média, La Règle du Jeu, a quelque chose de dérisoire. Toute invasion massive ne peut que se solder par un échec, à moins de bombarder pendant des années et d’envoyer un million de soldats. Tout juste devons-nous appuyer épisodiquement les foyers de résistance pour leur permettre de subsister.

Îlot archaïque et sectaire entre l’Inde et la Russie, l’Afghanistan souhaite s’arracher au monde ; nous n’y pouvons rien.




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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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