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Cette gauche qui nous fait tant de mal

Les socialistes devraient dénoncer clairement les déconstructeurs


Cette gauche qui nous fait tant de mal
Renée Frégosi © BALTEL/SIPA

Le PS devrait se consacrer à faire sa révolution copernicienne, plutôt que de chercher à faire l’union des gauches avec des déconstructeurs, des woke et les islamogauchistes. Un texte de Renée Fregosi, qui publie Comment je n’ai pas fait carrière au PS: La social-démocratie empêchée (Balland, mai 2021).


Aujourd’hui, seulement 24-25% des Français se disent de gauche tandis qu’entre 2017 et mai 2021, ceux qui se disent de droite ont progressé de 33% à 38% (février 2021 institut de sondage Opinion Way). Car être de gauche ce n’est plus lutter pour une répartition au plus grand nombre des biens matériels et culturels et souhaiter une mobilité sociale au mérite, favorisée par l’élitisme républicain. Être de gauche signifie désormais défendre les islamistes au motif que les musulmans sont systématiquement victimes de discriminations, acquiescer à la vulgate décoloniale et raciste anti-blancs, et souhaiter « faire du passé table rase » pour éradiquer la « vieille culture » comme souhaitait le faire Pol Pot bien avant Daech. Être de gauche c’est seriner la litanie des « éveillés », nouvelle secte politique animée par cette nouvelle « religion séculière », selon l’expression de Raymond Aron hier pour qualifier le communisme.

Mélenchon dépassé

La dernière saillie typiquement complotiste de Jean-Luc Mélenchon sonne peut-être le glas de son leadership « à gauche de la gauche ». Au demeurant, les idéologies radicales qui l’ont doublé en radicalité depuis quelques temps, ont le vent en poupe.  Indigénisme, décolonialisme, racialisme, « cancel culture » et conscience « woke » de tout poil ont débordé les discours anti-oligarchiques et dégagistes « populistes de gauche » du vieux tribun. S’imposent désormais un strict examen politiquement correct de la repentance occidentale, la flagellation blanche et la déconstruction systématique de la République. Cette nouvelle gauche sociétale, très « américaine » dans son style et ses origines, a rapidement acquis une position dominante et mène à pas de charge son travail de sape des fondements de nos démocraties sociales et libérales.

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Il faut dire que le terrain a été préparé à ce radicalisme « intersectionnel » inquisitorial qui sature aujourd’hui le champ idéologique à gauche. Si le Front de gauche puis la France Insoumise par chez nous, comme Podemos en Espagne, Syriza en Grèce ou les partis du Forum de São-Paulo en Amérique latine, ont un temps semblé ouvrir de nouvelles perspectives à gauche, leur fond idéologique néo-bolchevique, luxemburgiste ou castro-chaviste, les ont conduit  à l’impasse. Mais tandis que cette gauche se révélait incapable de promouvoir une alternative socialement souhaitable et politiquement durable, elle a ouvert la voie à une « hégémonie culturelle » qui s’oppose frontalement à une éventuelle recomposition d’une gauche de transformation sociale réformiste.

Les idiots utiles

Depuis 2001, la gauche s’est faite « l’idiote utile » de l’islamisme, assimilant l’islamisme à l’islam, l’islam aux populations immigrées maghrébines et africaines, et les immigrés aux nouveaux « damnés de la terre ». Poursuivant son soutien aveugle de longue date à « la cause palestinienne », et retrouvant la logique des « avant-gardes » minoritaires qui réalisent la « jonction avec le peuple », la gauche de la gauche a défendu les revendications de l’islam politique sans se soucier de leur caractère anti-démocratique, antirépublicain et y compris sexiste. Ainsi, Danièle Obono a été la tête de file de cette ligne à la France Insoumise et Clémentine Autain n’est pas en reste dans la lutte contre « l’islamophobie ». 

Certes, l’alliance de la faucille et du marteau communiste avec le croissant islamiste est une tradition que l’on peut faire remonter au congrès de Bakou lors duquel, en 1922, Lénine exhortait les chefs musulmans des confins de l’empire russe à rejoindre la révolution. Ensuite, on la retrouva pendant la guerre d’Algérie lorsque le FLN adoptait la confusion islamiste entre islam et libération nationale. Elle s’est poursuit notamment à l’OLP (créée en 1964 sous l’égide du KGB) enfourchant le cheval de bataille anti-juif de la tradition califale et ottomane, et le Fatah de l’Autorité palestinienne se référant aujourd’hui en permanence au Coran, persécute les esprits libres comme le jeune Waleed Al-Husseini. 

Lamentable recul

Rien d’étonnant alors que Jean Baudrillard et Jacques Derrida dans les années 2000 ou encore Alain Badiou et Noam Chomsky aient pris l’islamisme pour substitut de leur fantasme révolutionnaire. Toute visée utopique totalisante est pour eux par essence révolutionnaire et partant, l’utopie religieuse des islamistes aussi, puisqu’elle projette vers l’avenir un monde parfait, débarrassé de toutes les impuretés et de tous les ennemis.

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Mais au de-là des avatars staliniens d’hier, affaiblis un temps par la chute de l’URSS et les luttes antitotalitaires, qui relèvent la tête grâce à l’offensive djihadiste, le tropisme islamo-gauchiste a atteint la gauche dans son ensemble. Même les socialistes sauf quelques exceptions individuelles comme Yvette Roudy ont donné tête baissée dans la complaisance à l’islamisme par bêtise, par cynisme clientéliste ou par lâcheté. Alors certes, aux élections locales, le PS parvient encore à maintenir quelques positions. Mais « la gauche française » connaît globalement un nouveau recul historique, chacun en convient, pour s’en réjouir ou s’en lamenter.  

Déconstruction woke et offensive islamiste

Or, s’il est loin d’être à l’avant-garde du militantisme islamo-gauchiste et de la cause « woke », le PS français porte cependant une responsabilité toute particulière dans cette dégradation de la gauche et de notre démocratie républicaine plus globalement. Depuis les années 50-70, tandis que ses homologues européens et latino-américains notamment s’engageaient résolument dans une social-démocratie de combat contre l’option rupturiste anticapitaliste, le PS français a toujours esquivé l’aggiornamento clairement réformiste. Car « la religion de l’unité » comme l’appelait Léon Blum dans A l’échelle humaine, n’a cessé d’obscurcir la vue des socialistes. Alors qu’il faudrait qu’une rupture franche séparât des éléments irréconciliables au regard d’un problème vital, en l’occurrence aujourd’hui, l’entreprise de déconstruction « woke » de la civilisation occidentale convergeant avec l’offensive islamiste.

N’est-il pas temps pour les socialistes d’envisager d’autres alliances ? L’articulation d’un projet de transformation social-démocrate adapté à la phase actuelle de mondialisation capitaliste visant à davantage de justice sociale, et un réformisme culturel revenant aux fondamentaux de la République laïque serait certainement susceptible de réunir bonnes volontés et intelligences de gauche et de droite. Pour cela il faut que les socialistes trouvent le courage de faire une « révolution copernicienne » : renoncer à l’union « des gauches » à toute force et s’affirmer « socialistes-conservateurs-libéraux » selon la belle formule de Leszek Kolakowski. C’est seulement à ce prix qu’ils pourront redevenir le moteur d’une reconquête républicaine et de nouvelles avancées sociales rassemblant de larges secteurs de la société française.

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Philosophe et politologue. Présidente du CECIEC. Membre de Dhimmi Watch et de l’Observatoire des idéologies identitaires. Dernier ouvrage paru : "Cinquante nuances de dictature. Tentations et emprises autoritaires en France et ailleurs". Éditions de l’Aube 2023

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