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Ardisson son son les petites marionnettes


Ardisson son son les petites marionnettes

Patrick Timsit et Pierre Arditi s'en prennent à Charlie Hebdo chez Ardisson

Une nuit de la semaine dernière, en regardant sur Internet certaines émissions auxquelles j’avais échappé, je suis tombé, mais pas de très haut, sur celle de Thierry Ardisson : « Salut les terriens ». Comme à peu près partout sur les plateaux télé en ce moment, ça commençait très mal. L’animateur lança le sujet sur le film L’innocence des Musulmans et sur la une de Charlie Hebdo en évoquant « une insulte faite au 7ème art et au dessin d’humour ». Pendant des années, ce nabab de l’audiovisuel qui avait reçu sur un plateau quantité d’insultes vivantes et fanfaronnantes à la création et au bon goût, semblait soudainement heurté par des moqueries islamophobes sur pellicules et par des dessins de Charlie Hebdo. Un avis d’esthète pour tout commentaire et une leçon de bon goût pour évoquer cette nouvelle affaire de caricatures, c’est un peu court quand on rabâche depuis toujours que « toutes les vérités sont bonnes à dire ».
Pendant toute la durée de l’émission, on s’acharna sur les « provocateurs », renvoyant dos à dos l’insolence des dessinateurs moqueurs et la violence de certains musulmans fulminants. Par ailleurs et comme d’habitude, on s’empressa de rappeler, tels des imams modérés, qu’il n’y avait pas le moindre lien entre les émeutiers, les incendiaires, les meurtriers ou les manifestants qui en plein Paris hurlent « Mort aux juifs » après leur prière, et leur religion.
Très vite, dans ce café du commerce pour people, la parole fut donnée à des acteurs venus vendre leur camelote ou invités pour l’ensemble de leur œuvre. L’air grave et la colère théâtrale, Pierre Arditi et Patrick Timsit rivalisèrent de sévérité à l’endroit des auteurs qui, comme eux-mêmes tentent de le faire désespérément, avaient réveillé une société du spectacle endormie. Après nous avoir rappelé combien l’islam était une religion de paix et de tolérance, la moutarde leur monta au nez. « Un torchon, une merde de film à écraser du talon regardée par des crétins », criait l’un. « Des salopards, des dessins racoleurs, de l’huile sur le feu pour vendre du papier », hurlait l’autre – qui « ne voyait pas où était la liberté de la presse là-dedans ». En substance, et de l’avis général : des provocations lamentables à but lucratif. Comme si ces deux bons clients de télé ne s’étaient jamais compromis dans des productions navrantes et pas drôles pour gagner de l’argent. Enfin, vint l’argument fatal : ces provocations « mettaient des gens en danger ». Ceux qui avaient si souvent répété, mais surtout en temps de paix : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire » n’avaient plus qu’un mot à la bouche : « responsabilité ! ».

Je ne pus m’empêcher de voir une grande lâcheté sous cette brillante comédie et des propos lénifiants sous cette farce. Je pensais à Tino Rossi et à Maurice Chevalier chantant devant les Allemands quand Chaplin tournait Le Dictateur et Lubitsch To be or not to be, ou à Philippe Henriot dénonçant sur Radio Paris les « responsabilités » des Résistants qui « mettaient des gens en danger ». Mais je pensais aussi aux ripostes de Pierre Dac sur Radio Londres, et à Churchill qui donnait aux hommes libres la force de s’opposer aux barbares en déclarant : « nous ne pouvons pas perdre contre le nazisme, ce paganisme de pacotille, parce que nous sommes la Civilisation (judéo)-chrétienne ».
La Civilisation : ce monde qui a transformé les rapports guerriers en échanges civils, où l’on peut être radicalement et raisonnablement islamophobe sans hurler à la mort des gens, où l’on dessine tant qu’on veut sans brûler les journaux, où l’on convoque une justice qui tranche sans couper les têtes, où l’on peut se moquer des culs-bénits en djellaba et en colère, et des calotins susceptibles et meurtriers sans finir assassinés ou sous protection policière. Ce qui arrive parfois aux « blasphémateurs » qui exercent et donc défendent le droit, notre droit, de dire à des gens qui nous haïssent pour ce que nous faisons et même pour ce que nous sommes, des gens qui n’ont que le mot « respect » à la bouche et qui ne nous respectent pas, qu’on se moque d’eux et qu’on les emmerde, tous autant qu’ils sont, et ce malgré leur redoutable et redoutée capacité de nuisance.

Messieurs les comiques, les comédiens, les marionnettes, qui prêchez le respect et la prudence, et qui fustigez l’insolence et la provocation, vous ne vous exposez qu’aux feux de la rampe, jamais aux flammes des enragés. Vous, pathétiques vedettes du show biz en mal d’amour que des foules sentimentales regardent d’en bas sur vos tréteaux médiatiques au lieu de vous regarder de haut, vos courbettes lamentables qui visent l’apaisement seront reçues comme autant de signes de faiblesse par ceux qui reviendront plus nombreux, plus forts, plus vociférants et plus menaçants, tant que vous vous coucherez devant eux au lieu de relever la tête, au lieu de répondre à leurs menaces de mort et à leurs déclarations de guerre par un verbe haut et fort, c’est-à-dire par une guerre avec des moyens civils, et civilisés.

*Photo : peretzp



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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