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Pernaut s’en va mais Zemmour monte

Le pluralisme reste très relatif à la télévision française


Pernaut s’en va mais Zemmour monte
© IBO/SIPA Numéro de reportage: 00653168_000012

La droitisation de la télé est dénoncée partout. Mais à bien y regarder, les réacs restent très minoritaires sur les antennes en cette rentrée. Bons scores après records, le soldat de CNews Eric Zemmour fait toutefois fondre peu à peu le permafrost de la bienpensance à la télévision…


Ils sont revenus, ils sont tous là. Ils sont rentrés comme ils étaient partis. Le port de tête bien droit et fier des sachants, tels des toutous en voiture, la truffe (bronzée) coincée à la fenêtre de leur étrange lucarne, pour mieux respirer l’air des infos mainstream.

Rien n’a changé, ou presque

Le fumet délicieux du conformisme. L’odeur rassurante des certitudes. Mais qu’on se rassure, pendant les vacances les héros du PAF se sont bien gardés d’ôter leurs lunettes déformantes. Ils ont aussi bien respecté les gestes barrières. Evitant soigneusement les mélanges. On ne sait jamais, ils auraient pu prendre le risque d’être au contact des réalités. Ils ont eu beau instagrammer leurs bonheurs de tous les coins de l’hexagone profond – interdits de voyage à l’étranger qu’ils étaient – ils n’ont visiblement rien tiré de leurs aventures provinciales et vacancières.

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Pourtant Anne-Sophie était à Biarritz, Patrick et Laurent au Ferret, Léa en Corse. Quant à Cyril, il était sur les hauteurs de Saint-Trop. Mais à part les retards de TGV Paris-Bordeaux, le gobage d’huîtres à la cabane Réveleau, les pâtes aux araignées de mer à l’hôtel Carangi de Bastia et les parties de ping-pong endiablées avec les peoples (à se casser le poignet), les vedettes du PAF n’ont pas changé. Pas d’un iota même. C’est bien la preuve que voyager en France ne rapproche pas toujours des attaques meurtrières en bus en banlieue, des expéditions punitives tchétchènes ou des agressions à la Goutte d’or. Enfin bref, le boulot a repris. Et avec lui, les tauliers de l’acces et des matinales ont ressaisi le manche de leur train-train bien-pensant. Une rentrée classique en somme. Classique ? Vraiment? Pas tout à fait.

Marée montante

Car un élément majeur vient désormais troubler les certitudes de la boboïtude médiatique. Un courant montant doucement comme un niveau d’océan engorgé par la fonte des banquises vient leur lécher les pieds. Les idées de droite font leur chemin dans les médias. Ou dans le langage complotiste des leaders d’opinion « la fachosphère se refait une santé ». Les observateurs avisés l’avaient déjà bien noté. Le péril « nauséabond » pointait son nez «populiste » depuis le printemps. Et, en cette rentrée de septembre, l’audience est maintenant au rendez-vous. C’est évidemment Zemmour qui a porté le premier l’estocade. Le fanion de la différence brandi haut, sabre au clair à l’attaque sur CNews. Balbutiant à ses débuts il y a quelques mois, chassant même les annonceurs de la chaîne, il vient de battre le roi Hanouna. 533.000 téléspectateurs (3,2% de PDA), soit 6.000 de plus que sur C8, plaçant la chaîne à la première place des chaînes d’info. Pascal Praud fait lui aussi un carton sur la même chaîne, matin et soir et sur RTL au déjeuner. Au point qu’on prête à Vincent Bolloré, le propriétaire de CNews, l’intention de racheter Europe 1 pour se confectionner un « Fox News » télé + radio à la française. Même Laurence Ferrari – la ligne la plus douce de la chaîne – tire les marrons du feu et voit progresser son audience. Pressant la très prudente LCI (prompte à virer le boss de Valeurs Actuelles en pleine affaire Obono) d’engager Eric Brunet ex RMC pour « droitiser » une peu sa ligne et même Alain Finkielkraut. Mais seulement une fois par semaine. Faut pas exagérer non plus. Face au tsunami de la pensée unique généralisée, cette résistance ressemble cependant plus à une vaguelette, qu’à une marée déferlante. D’autant qu’elle est attaquée, dénoncée, conspuée dès que possible au quotidien. Chaque jour donc, les associations ou groupuscules ne représentant souvent rien ou pas grand monde, ne se lassent pas de rappeler les condamnations des uns sur les antennes, scrutant les dérapages supposés des autres au CSA. Ne s’émouvant évidemment jamais des insultes faites à Kelly ou des menaces de mort.

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Qu’à cela ne tienne, ça n’est pourtant pas suffisant pour désarmer la bien pensance du PAF qui arrose de ses leçons le plus grand nombre. Le simple calcul des scores d’avant soirée laisse pantois. C+, TMC, C8 et France 5 peuvent réunir certains soirs près de 4 millions de téléspectateurs en tout vers 19H. Si on ajoute le JT de 20 h de F2, qui culmine à 5 millions, et la matinale d’Inter, qui dépasse les 2 on frôle les 11 millions d’audience en cumulé. C’est énorme.

C’est mon dernier mot, Jean-Pierre

Certes regarder et suivre n’équivaut évidemment pas toujours à approuver les contenus en signant les analyses des deux mains. Il y a par ailleurs quelques différences entre les lignes éditoriales de toutes ces émissions. Quelques intersections et similitudes aussi quand même. Parmi lesquelles on citera pêle-mêle une obsession patente à nier la hausse de la criminalité, celle de la montée du fondamentalisme aussi (même quand les journalistes du Monde la décrivent dans un livre), l’échec de la politique pénale face aux multirécidivistes, la défense des sapins évidemment vivants et les avantages de l’écriture inclusive…

Bref, un mode de traitement bien éloigné des préoccupations des Français et de leur vie – sans doute la vraie – qu’on peut percevoir quand on prend la peine de voyager dans la vraie France. Une chose est sûre donc, la pensée unique a encore de beaux jours devant elle. Et il n’est pas dit que l’esprit TF1-13H que Jean-Pierre Pernaut porta si haut en codirigeant au passage l’info de la première chaîne pendant 33 ans, saura résister au changement de titulaire.



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Francois Tauriac est journaliste et éditeur

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