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Le livre, objet de première nécessité

Il est temps qu'Amazon et les librairies rouvrent


Le livre, objet de première nécessité
Site d'Amazon à Saran, près d'Orléans © PATRICK GELY/SIPA Numéro de reportage: 00956406_000020

Je n’ai pas d’actions chez Amazon, et je n’ai aucune sympathie pour ce géant de la distribution responsable de la disparition de tant de libraires. J’ai lu en son temps le livre-témoignage de Jean-Baptiste Malet, En Amazonie (2013— glaçant et significatif) racontant le système d’exploitation et de flicage mis en place par la multinationale de Jeff Bezos : le livre est vendu en ligne par l’entreprise même qu’il dénonce et qui se fiche pas mal de ce que l’on pense d’elle, tant que les bénéfices sont au rendez-vous.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Le livre, un bien superflu?

Mais le jugement tout récemment rendu par le tribunal de Nanterre, qui sous prétexte de normes sanitaires, oblige la compagnie, sous astreinte d’une amende d’1 million d’euros par infraction constatée, à ne plus vendre que des biens « de première nécessité », est consternant. Une grande victoire pour le syndicat SUD, qui lutte de toutes ses forces contre toutes les formes d’oppression — y compris ethniques : SUD est ce syndicat pas du tout raciste ni antisémite qui organisait l’année dernière un stage interdit à toutes les personnes non « racisées ». Et qui vient donc, en ces temps de confinement et de reductio ad nihilum de la vie intellectuelle, d’interdire tout approvisionnement en livres, DVD et autres produits de divertissement. Sans doute ignorent-ils, à SUD, que le divertissement est essentiel à l’homme, qui ne peut demeurer en repos entre les quatre murs de sa prison ou de sa chambre, comme l’a souligné Pascal.

Ne pas ouvrir les librairies, c’est en outre nous livrer tout crus au rayon « livres » des grandes surfaces. Qui sait si les consommateurs ne finiront pas par croire, faute de points de comparaison, que les pets imprimés de Virginie Despentes ou Christine Angot, entre les rayons « salades » et « papier-toilette », sont des littératures de premier plan ?

Ou peut-être ne savent-ils pas lire, comme l’émeutier analphabète qui, dans un célèbre poème de Hugo (« À qui la faute ? », in l’Année terrible), avait mis le feu à la bibliothèque des Tuileries — 80 000 ouvrages, quand même… Le coronavirus non seulement fait des morts, mais il anéantit les bibliothèques et les librairies, puisqu’on interdit leur fréquentation. Double peine.

Le jugement a apparemment comblé aussi la CGT, dont les adhérents amazoniens renâclaient à empaqueter des sextoys, qui ne leur paraissaient pas correspondre à la définition des fournitures essentielles en cas de confinement (ils ne doivent pas savoir que Sade, à la Bastille, s’en fabriquaient d’énormes, en cire, pour se titiller la prostate). Ils ont toujours été puritains, à gauche — déjà en son temps l’Humanité avait violemment condamné Histoire d’O, accusé de propager des perversions bourgeoises. Un prolo, ça pratique la bête à deux dos et rien d’autre, madame. Ou remettez-vous en au régime bananes…

Le problème dépasse d’ailleurs largement Amazon. Bruno Le Maire s’est déclaré personnellement favorable à …

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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