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La violence policière est légitime

Policiers et gendarmes ont appliqué autant que faire se peut les ordres de leur hiérarchie


La violence policière est légitime
Paris, 8 décembre 2018, © Bertrand Guay

Face aux débordements de certains gilets jaunes et à la violence croissante des casseurs, les forces de l’ordre exercent le monopole de la violence physique légitime en protégeant civils et commerces. Sous le feu des critiques et la surveillance des caméras, policiers et gendarmes ont appliqué autant que faire se peut les ordres de leur hiérarchie. 


« Macron déchaîne la répression » : ce titre, donné à une vidéo du Media TV, résume la journée du samedi 8 décembre sur les Champs-Élysées. Le journaliste qui commente les images regrette dès les premières minutes que les masques et lunettes de plongée soient saisis à l’occasion de fouilles de sac et de préfiltrages. Comme on pouvait s’y attendre, le reporter revient longuement sur les « violences policières » et fait l’impasse sur les casseurs qui saccagent les avenues de Paris le soir même.

A chaque fois, c’est pareil…

À chaque mouvement social, surtout s’il est violent, les forces de l’ordre sont accusées, au choix, de brutalité gratuite, d’incompétence ou de manipulation. Quand on ne parle pas tout simplement d’État policier et de dictature capitaliste. Tel témoin a reconnu des policiers en civil, casqués, armés et sans brassard (on n’infiltre pas des casseurs avec un brassard apparent…). Tel autre a vu une vitrine se briser sans que la police n’intervienne. L’Arc de Triomphe a été saccagé, mais ce n’est pas le fruit du hasard : « S’il y a des incidents, la responsabilité en incombe d’abord au gouvernement qui ne bouge pas… », explique Jean-François Barnaba, figure des « gilets jaunes » et fonctionnaire sans activité depuis des années.

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Ces commentaires que l’on retrouve ad nauseam sur les réseaux sociaux, les forces de l’ordre y sont habituées et n’y font presque plus attention. Elles font leur travail : l’exercice du « monopole de la violence légitime », pour reprendre l’expression forgée par Max Weber. La critique est facile tandis que le commandement est un art difficile. Le civil, qui n’a pas toujours fait son service militaire, ne réalise pas combien il est compliqué de faire manœuvrer des troupes, combien il est lent de coordonner des appuis-feu et du soutien logistique avec des jeunes recrues, du stress et de la fatigue accumulés. Il faut ensuite supporter l’exploitation médiatique d’un dérapage isolé, le plus souvent des « baqueux » (brigades anticriminalité ou BAC), plus habitués aux interpellations vigoureuses dans les quartiers difficiles qu’à la gestion d’une grande manifestation politique.

Tous les ordres ne viennent pas d’en haut

Autre lieu commun entendu ici et là : le policier ou gendarme n’est pas responsable de la répression, car il obéirait à des ordres incendiaires ou à des stratégies politiciennes à trois bandes. En réalité, les unités disposent dans l’action d’une autonomie certaine : plus c’est compliqué sur le terrain et plus les salles de commandement ont du mal à diriger les unités qu’elles ne connaissent pas toujours. Dans l’urgence, le réseau radio et téléphonique est saturé. Malgré les caméras, les autorités n’ont d’autre choix que de faire confiance aux commandants de la troupe pour assurer le rétablissement de l’ordre du mieux qu’ils peuvent. L’acte IV a été mieux géré que l’acte III parce que les forces de l’ordre avaient plus de liberté d’action. L’attention des autorités a pu se concentrer sur le traitement médiatique de l’événement plutôt que sur telle ou telle manœuvre dans une rue adjacente. Le ratio journaliste/émeutier étant parfois égal ou supérieur à un, il faut savoir communiquer rapidement.

Certes, les petits commerçants ont le sentiment d’être abandonnés, car l’attention des forces de l’ordre est focalisée sur les violences aux personnes. Mais on ne pourra jamais placer un effectif devant chaque devanture. Cela n’exclut pas les remises en question. Les militaires de la gendarmerie agissent à visage découvert et ont l’habitude de rédiger des rapports qui sont autant de justifications ou de « retours d’expérience » (retex) sur la façon de faire de la foule et les nouvelles tactiques pour s’y adapter. En plus des blindés, des canons à eau et des dispositifs de « retenue du public » (grands murs dépliables en plexiglas), les expérimentations se sont multipliées : déploiements de drones, d’hélicoptères, de chiens, de motos, de chevaux. Équipés de protections, ces derniers pourraient être encore plus efficaces contre des casseurs si le cavalier avait des moyens de coercition adaptés. Pour le moment, sa mission principale est de dissuader et renseigner.

L’émeutier s’adapte

La mission est d’autant plus difficile que l’opposant en colère est disparate et désorganisé. Le « gilet jaune » le plus pacifiste, qui n’a pas conscience de participer à un attroupement puni par la loi, est entraîné ou mêlé à des militants radicaux qui s’attaquent au pouvoir public, voire au mobilier urbain et aux commerces. Enfin, profitant du désordre, se trouvent les pillards, le plus souvent des petits délinquants de banlieue. Ils viennent casser et voler en fin de manif, par simple plaisir de détruire et de s’enrichir. La racaille salit la légitime colère d’une manifestation pacifique. Mais personne ne leur a demandé de venir, ni les organisateurs ni les autorités.

Face à cela, les forces de l’ordre doivent faire respecter la loi, y compris celle qui encadre leur action dans le Code de la sécurité intérieure (CSI). En France, la technique la plus répandue est la diffusion de gaz lacrymogène (grenade à main ou propulsé en tir courbe à 50, 100 ou 200 mètres). Un produit qui, lorsqu’il est concentré, interdit à la foule indiscriminée toute action autre que celle de sortir du nuage le plus vite possible. Mais l’émeutier s’adapte. Il est de plus en plus équipé pour y résister. Il a parfois une raquette de tennis pour renvoyer les petits plots de lacrymogène CM6 vers le tireur de lance-grenade « Cougar ». Effets pernicieux dans les espaces confinés et urbains : le nuage de fumigène peut empêcher les policiers et gendarmes de constater une dégradation, un caillassage ou une voiture mise à feu. Mais c’est un produit qui reste incontournable pour disperser une manifestation qui dégénère en insurrection.

La bataille des images

Pour dégager un adversaire particulièrement coriace, il existe par ailleurs deux types d’armes privilégiés : le lanceur de balle de défense (LBD, parfois appelé « Flash-Ball ») et la grenade assourdissante de type F4, progressivement remplacée par la GM2L. Non létales, ces armes sont très dangereuses si l’émeutier est touché à la tête ou ramasse la grenade. Dans la précipitation et la confusion du mouvement de foule, tirer juste n’est pas si simple. Il faut donc les manipuler avec précaution.

La tendance est aujourd’hui à la judiciarisation du maintien de l’ordre. On demande de plus en plus aux troupes de filmer et documenter les exactions et surtout d’interpeller. La bataille des images a été cruciale à Notre-Dame-des-Landes. Mais une interpellation avec remise à OPJ (officier de police judiciaire), suivie d’une garde à vue est particulièrement consommatrice de temps et de moyens. Quant à la réponse pénale, elle est finalement assez peu dissuasive.

Quoi qu’il en soit, la plus petite des bavures est redoutée pour une raison très simple : ceux qui reprochent aux forces de l’ordre de manipuler les casseurs contre le peuple ne supportent pas non plus qu’on les mette à genoux.

Janvier 2019 - Causeur #64

Article extrait du Magazine Causeur




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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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