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Heureux comme Macron chez les évêques

Du jamais vu depuis 1905


Heureux comme Macron chez les évêques
Emmanuel Macron à la Conférence des Evêques. Sipa.. Numéros de reportage :AP22188126_000016 et AP22188126_000008

Dans sa photo officielle, le président Macron laisse voir discrètement en arrière-plan Les nourritures terrestres d’André Gide, une profession de foi pour un hédonisme débridé inspiré de de Nietzsche, l’éloge de l’homosexualité en plus. Le personnage principal porte un nom évangélique, Nathanaël, qui, dans ce contexte, apparaît quelque peu blasphématoire.

Un autre livre de Gide s’appelle Les Caves du Vatican : un aigrefin a répandu dans le milieu catholique français que le pape avait été enlevé par les francs-maçons et remplacé par un imposteur. Les fidèles sont appelés à partir en croisade pour faire libérer le vrai pape, en commençant par envoyer de l’argent à l’aigrefin. Cette pochade visait la crédulité de certains milieux catholiques dans le contexte des rudes batailles que lui imposait la République anticléricale.

C’est à ce second roman que l’on pense en apprenant que le président de la République s’est exprimé aux Bernardins devant la conférence des évêques de France.  Il est question ici, sinon de crédulité, du moins de naïveté devant une rencontre sans précédent et dont on voit bien l’exploitation qu’en fera l’Elysée.

Cynisme et naïveté

D’abord pour conforter l’adhésion d’une partie du monde catholique au président, qui s’était déjà exprimée lors du vote présidentiel et qui pourrait, comme d’autres, elle aussi se détourner.  Ensuite désamorcer par avance   l’opposition que l’Eglise pourrait faire aux projets gouvernementaux de légalisation complète d’euthanasie et de procréation médicalement assistée pour femmes homosexuelles.  Sur ces sujets, le président croit même utile de donner une leçon d’humilité aux évêques (pour qui se prend-t-il ?) : il ne se sont pas là, dit-il, pour faire des « injonctions », mais seulement pour apporter des « questionnements », ce qui est moins dérangeant.  Macron appelle les catholiques à s’engager dans la Cité (c’est très à la mode) mais surtout pas pour dire ce qu’ils pensent. Donc pas de rappel intempestif de la loi naturelle ou de la doctrine chrétienne de tous les temps en matière bioéthique et évidemment pas de réédition de la Manif pour tous ! Les associations catholiques qui, après avoir été consultés, penseraient à résister sont d’avance qualifiés, paraît-il, d’ «atroces » à l’Elysée.

Macron l’indifférent

Une telle rencontre pourra en outre légitimer qu’il  voie  ultérieurement  les imams  de France, le CRIF, la Libre pensée dans la logique communautaire qui est la sienne.

Par-delà la dimension politicienne, la démarche de Macron s’inscrit dans une philosophie de l’indifférence : pas de barrière fondamentale entre l’Etat et l’Eglise, le temporel et le spirituel, comme entre l’homme et la femme (théorie du genre), les homos et les hétéros, le public et le privé, les nations d’Europe, bref la subversion de toutes les distinctions qui structurent la vie.  L’Eglise catholique mérite mieux.  Il n’est pas sûr que la protestation d’un Mélenchon, faite au nom de la laïcité pure et dure, ne soit pas, à sa manière, plus respectueuse.

Il est vrai que les convergences apparentes ne manquent pas et la rhétorique présidentielle, si bien huilée mais souvent creuse, et une certaine langue de bois ecclésiastique très prisée à la Conférence des évêques de France, convergence déjà apparente dans son discours de Versailles. Convergence par le bas : moraline à outrance, politiquement correct à tous les étages : accueil des immigrés, souci des exclus, des  handicapés, solidarité, tout cela très bien dit grâce à une plume de qualité avec force références . Sur le registre humanitaire, le président n’a pas de mal à louer l’action de l’Eglise de France. Hors de question bien sûr de se demander quelle est la responsabilité de la politique économique de M. Macron dans le maintien d’un taux élevé de chômage, de la philosophie mondialiste qui est la sienne dans les « fragilités sociales » évoquées ou encore de sa politique étrangère dans l’afflux de migrants en provenance du Proche-Orient.

Un événement historique inédit

Que le chef de l’Etat se rende à une assemblée de l’épiscopat français est sans précédent dans l’histoire de France. Tout fraîchement baptisé, Clovis avait laissé les évêques de Gaule se réunir à Orléans sans lui. Les rois capétiens (fils aînés de l’Eglise, les historiens rappelant que  le fils ainé de l’Eglise, c’était d’ abord le roi et non la France.) n’ont jamais présidé ou même été reçus par l’ensemble des évêques. A fortiori les présidents de la République laïque qui, à la différence de M. Macron ne faisaient pas, par rebelles islamistes interposés, la guerre aux chrétiens d’Orient mais qui, fidèles en cela à la tradition capétienne, savaient qu’il était du devoir de la France de les défendre.

Le plus catholique des chefs d’Etat contemporains, Charles de Gaulle, dont la plupart des évêques se méfiaient beaucoup plus qu’ils ne se méfient du président actuel, non seulement n’aurait jamais été invité mais aurait sans doute décliné une telle invitation. La distance respectueuse à laquelle il tenait le haut clergé n’était pas un signe de mépris mais au contraire de l’immense déférence que lui inspirait les ministres du sacré.

La nostalgie d’avant 1905

Dans les années 1970, Jacques Chirac, Premier ministre, se vit opposer un refus quand il voulut inviter les plus notoires des évêques à déjeuner : le vent de mai 68 soufflait alors sur le clergé.

Derrière cette étrange démarche de la Conférence des évêques de France, puissance invitante au moins officiellement, qui suscite un certain malaise chez beaucoup de catholiques et même de non-catholiques, une nostalgie secrète du temps d’avant la Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. Quoiqu’ils célèbrent souvent la laïcité, les évêques ressentent encore cette séparation comme une blessure : « Le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et il nous importe de le réparer. » dit Macron. Peut-être y a-t-il de bons motifs à ces regrets, mais ce n’est pas une raison pour faire fête à un chef d’Etat qui fait mine de vouloir revenir dessus.

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est essayiste.

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