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Macron, Bonaparte à petit pied


Macron, Bonaparte à petit pied
Emmanuel Macron. Sipa. Numéro de reportage : 00853055_000022. Bonaparte (wikicommons).

Depuis son élection, on aime bien assimiler Macron à Bonaparte : jeune, ambitieux, autoritaire, moderne, parvenu au faîte, comme Bonaparte le 18 Brumaire, à l’occasion d’une prise de pouvoir litigieuse (mise à mort politique de son principal concurrent Fillon, avec connivence, sinon complot juridico-médiatique, et piétinement du secret de l’instruction pour Macron, putsch militaire pour Bonaparte).

Macron le communicant

Sur le plan des réformes, la comparaison semble s’arrêter là. Bonaparte était un forcené de l’action, une « machine » à transformer la France et le monde. De ce que nous semblons voir de Macron, ce qui apparaît le plus, c’est une communication très bien faite, mais son action, pour le moment du moins, ne semble pas être beaucoup plus décisive que celle de ses récents prédécesseurs. Aucune grande réforme de structure n’est véritablement en cours. De fait, si Macron était un « grand réformateur », passant outre aux freins de toutes sortes pour imposer des directions pérennes et de long terme, répondant aux grands maux de la société française, qui sont parfaitement connus, nous le saurions déjà. En ce sens, il ne ressemble guère à son grand ancien, l’ogre, le « bulldozer » corse.

La bourgeoisie en marche

On peut cependant dire qu’il lui ressemble en un autre aspect. En effet, on sait que la Révolution française n’est pas d’origine populaire, mais bourgeoise. Dans un premier temps, sous l’action conjointe de la grande bourgeoisie d’affaires, alliée à une partie de la haute noblesse, et de la petite bourgeoisie de province, qui compose en très grande majorité le Tiers-Etat, elle vise à constitutionnaliser le régime, et d’abord pour contrôler les finances. En effet, plane sur ces acteurs, tous propriétaires terriens, la menace (depuis Août 1786), d’un nouvel impôt foncier, payé par tous, un danger dont ils doivent se débarrasser. Par ailleurs, ces constituants ne sont pas antiroyalistes, loin s’en faut : toute l’oligarchie financière, et pas seulement elle, fait fortune, à cette époque, en particulier avec la Caisse d’escompte, la grande œuvre de Necker, autour de laquelle s’organiseront des « tripatouillages » très lucratifs. Pourquoi iraient-ils mettre à bas un Etat si prolixe ? C’est ensuite, avec les jacobins, que les choses se gâtent. La grande bourgeoisie d’affaires, un moment débordée, cherche un moyen de ramener l’ordre. La paysannerie étant affaiblie, et les corps intermédiaires détruits (par la loi Le Chapelier du 14 Juin 1791), les perspectives économiques, industrielles et commerciales, sont en effet extraordinaires, avec cette nouvelle main d’œuvre ruinée à exploiter. Mais pour cela, il faut remettre la maison en marche, c’est-à-dire créer les conditions d’un Etat bourgeois moderne qui fonctionne, pour tirer tout le parti de la « mondialisation », industrielle et libérale, de l’époque. C’est le mandat qui est confié à Bonaparte.

La Révolution est finie

Un mois après le coup d’Etat, en Décembre 1799, il dit : « Citoyens, la révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie ». Ensuite, il met en place, et avec quelle énergie, le programme pour lequel il a été poussé au pouvoir : la centralisation administrative, judiciaire et financière, avec les départements, l’institution des préfets, la banque, les lycées et l’université, etc. Une œuvre gigantesque. Napoléon disparaîtra politiquement en 1815, mais son œuvre lui survivra.

On peut trouver nombre de similitudes entre le début de l’époque moderne, pendant et après la Révolution, et la nôtre. Mêmes Etats affaiblis, mêmes oligarchies d’affaires, même finance triomphante, permettant toutes les spéculations possibles, mêmes perspectives économiques extraordinaires, autrefois avec l’industrie et le commerce maritime, aujourd’hui avec les services mondialisés et la révolution informatique, même main d’œuvre, en France et à l’étranger, à exploiter sans vergogne. Après la catastrophe hollandaise, il s’agissait de remettre de l’ordre, de faire fonctionner un Etat efficace « à la main » d’une élite bourgeoise citadine, ambitieuse et internationale. Macron est issu de ce milieu et en comprend les codes parfaitement.

Le peuple n’a aucune place

Mutatis mutandis, son mandat est le même que celui de Bonaparte : créer les conditions, la « base étatique », dont cette élite a besoin pour les promesses d’enrichissement qui se présentent. Y parviendra-t-il ? Même s’il n’a pas l’énergie féroce et l’immense caractère de son grand prédécesseur, en tout cas, à sa façon, il essaye. Ce faisant, il reste cohérent avec le mandat qu’il a reçu. Dans cette vision, comme à l’époque, le peuple, évidemment, n’a aucune place. Depuis qu’il a été élu, et malgré le coup de com de Berd’huis, qui ne fait pas une politique, nous n’avons pas vu beaucoup de signaux de sa part vers la France « périphérique ». On peut craindre qu’il n’y en ait pas non plus par la suite.



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