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Admission à l’université: la réforme qui promet de ne rien changer


Admission à l’université: la réforme qui promet de ne rien changer
Le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ont présenté le "Plan étudiants", lundi 30 octobre 2017. SIPA. Numéro de reportage : 00829835_000003

Le « Plan étudiants » présenté par le gouvernement ne prend pas la crise des admissions post-bac par le bon bout: c’est la sortie des lycées qui pose problème, pas l’entrée à l’université.


Le pédagogisme rattraperait-il l’Université ? On peut le craindre lorsqu’on entend, dans les annonces ministérielles, le vocabulaire bien connu de la pédagogie destructrice de l’école. Voici le « prérequis », ce faux concept utilisé pour dire que l’école maternelle doit préparer à la lecture et l’écriture sans enseigner ni l’une ni l’autre. Bon, il est vrai que le Premier ministre a renoncé au mot, probablement pour cette raison, mais il l’a remplacé par celui d’ « attendus », qui veut dire la même chose. Voici le « contrat de réussite pédagogique » qui rappelle la « pédagogie de la réussite » à l’école primaire. Sans oublier l’« accompagnement individuel » au lycée, les deux professeurs principaux qui vont « aider » l’élève à choisir. Surtout, les nouveaux étudiants se verront proposer un « parcours personnalisé » selon leur bac, leur niveau et leur « motivation » avec un « Contrat de réussite étudiant » (les juristes apprécieront le détournement de la notion de contrat) !

Une réforme des mots

Il faut noter que la manipulation pédagogiste dans l’enseignement supérieur ne date pas d’aujourd’hui. Qui donc a mis en place la « compensation » qui permet de rattraper une mauvaise note dans une matière principale par une meilleure note dans une matière secondaire ? De rattraper un semestre manqué par un autre mieux réussi alors même que ces semestres sont indépendants ? Qui a interdit les notes éliminatoires ? Les notes plancher ? Qui a inventé la « capitalisation » (notes, UE et semestres définitivement acquis) ? Ce ne serait pas en 2011 ? Comme on voit, le pédagogisme n’est pas seulement à gauche, même s’il l’est majoritairement.

L’avantage du pédagogisme est de permettre une révolution spectaculaire qui ne se traduit jamais dans les faits parce que le public se satisfait des mots employés. Une réforme impossible arrive donc parce qu’elle est inévitable, mais étant impossible, elle ne sera que dans les mots.

Cette réforme est impossible parce qu’on parle d’entrée à l’Université alors qu’il faudrait parler de sortie des lycées. Ce ne devrait pas être à l’Université de s’adapter aux élèves venus des lycées, mais aux élèves d’arriver à l’Université avec les moyens d’en suivre les enseignements. On ne devrait donc pas traiter les Universités comme des lycées. Les lycées diffusent le savoir ou la culture au sens large. Leur mission est d’augmenter le niveau de culture de la population.

A lire aussi: La crise de l’Université est une crise des lycées

L’Université a une tout autre mission, et qui lui est spécifique, celle de produire des savoirs. Si on la surcharge d’une autre mission, on l’affaiblit dans cette mission propre. Or, aucune université ne renoncera à la production du savoir. Il deviendra donc inévitable de trouver les moyens d’écarter les étudiants qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas suivre. La solution usuelle, celle mise en œuvre aux États-Unis, est de faire patienter les étudiants dans un premier cycle jusqu’à ce qu’ils décident d’eux-mêmes d’abandonner. C’est la solution retenue aujourd’hui, mais sans le dire, pour notre pays.

« Porter 80 % d’une classe d’âge au bac a été une avancée majeure »

Une vraie solution consisterait à remonter le niveau du baccalauréat. Mais ce n’est pas ce qu’on veut et Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, a tenu à le dire : « Porter 80 % d’une classe d’âge au bac a été une avancée majeure ». Sauf qu’être titulaire d’un diplôme qui n’atteste pas vraiment d’une qualification ne sert à rien. Même les mentions « très bien » sont souvent en difficulté. Et les problèmes sont bien connus : les programmes sont extraordinairement allégés ; les mathématiques s’enseignent sans les démonstrations, l’histoire sans suivi et sans chronologie, quelquefois ce sont les enseignements scientifiques ou mathématiques qui manquent (des élèves prennent une calculette pour… diviser par dix !). On ne leur donne guère d’habitudes de travail, on ne les fait pas vraiment écrire… On fait souvent semblant en tout. Mais pas toujours, car il y a encore des professeurs qui résistent à ce laxisme institutionnalisé.

Comment entreprendre des études supérieures sans une certaine aisance dans l’expression, dans la capacité à rédiger, dans la capacité à mettre en ordre et par écrit ses propres idées ou quand on n’a acquis ni méthode ni capacité critique ?

On pourrait prolonger cette liste : les élèves prêts pour l’enseignement supérieur le sont par l’aide de leur milieu beaucoup plus que par l’efficience des lycées. Tout cela est bien connu. Connu au point qu’on se demande si l’inefficience de notre système d’enseignement ne serait pas en fait le véritable but. On estimait, en 2012, à 150 000 le nombre d’élèves sortant du collège sans diplôme. Par ailleurs, seuls 27% des étudiants inscrits en première année d’université en ressortent diplômés. Si là est l’objectif, il est atteint. Et cela quelles que soient les majorités de droite ou de gauche au pouvoir.

Il faudra, un jour, se demander pourquoi.



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