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Il ne fallait pas inviter Donald Trump le 14 juillet


Il ne fallait pas inviter Donald Trump le 14 juillet
Emmanuel Macron et Donald Trump lors du G20 à Hambourg, juillet 2017. SIPA. Shutterstock40522927_000010

L’époque est aux enfants terribles. Gosses de riches capricieux et brutaux, tel le président américain, enfants Narcisses n’ayant jamais connu la frustration ni l’échec, tel notre président à nous. Bientôt bébés éprouvettes pour tous, et bébés GPA à acheter sur catalogue. Le regard du jeune homme qui nous gouverne, à ce propos, a quelque chose de très étrange, et pas du tout jupitérien ; un regard où il manque quelque chose, peut-être l’incarnation d’une âme éclose au fond d’entrailles humaines.

Je sais bien que monsieur Macron n’est pas un bébé éprouvette, et que c’est un vrai jeune homme, né de vrais parents aimants, élevé à l’école de la République comme un vrai petit garçon méritant, doué et travailleur, parvenu ensuite pas ses vraies (et exceptionnelles) qualités vraiment humaines aux sommets de l’Etat… Je sais cela et demande pardon à notre jeune Jupiter de le comparer injustement à un bébé éprouvette à qui aurait manqué, et manquerait toujours, l’imparfaite et charnelle humanité. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste, ce n’est pas bien, et c’est ma faute.

Une faute et un affront

Mais il y a autre chose qui est une faute, une vraie, et de celle-ci, on ne peut exonérer notre enfant-roi : c’est d’avoir invité l’enfant gâté et brutal Trump aux cérémonies officielles du 14 juillet prochain. On comprend bien quel a été en l’espèce le vertigineux désir d’Emmanuel Macron, à qui le réel ne saurait rien refuser : s’attacher comme un obligé le rustre que le monde civilisé bat froid, en lui offrant un honneur auquel sa vanité de gosse de riche ne pourrait résister. Notre enfant-roi se voit en habit de lumière, toréant un bison américain obtus, surpuissant mais si bête, surtout comparé à lui, Jupiter de la pensée. Un jeune homme maîtrisant par la grâce de l’esprit, dans l’arène sans pitié de la géopolitique, la force brute, se jouant d’elle et l’emmenant où il lui plaît…

Sauf que l’histoire nous apprend que l’on ne gagne rien à flatter et honorer outre mesure ceux pour qui les accords signés ne sont que chiffons de papier. Je parle là des accords de Paris de décembre 2015 concluant la COP 21, et signés par 195 pays, dont les Etats-Unis d’Amérique, alors sous la présidence Obama. Inviter, avec tous les honneurs, le jour de la fête nationale française, dans cette ville de Paris qui donne son nom à un accord dont dépend, tout simplement, l’avenir de l’humanité sur Terre, celui qui foule aux pieds avec le mépris le plus crasse ledit accord, est une faute, et un affront.

Un affront pour les 194 autres pays signataires, qui ne peuvent que considérer l’invitation faite à Trump comme une prime à la déraison, à l’ignorance et l’impudence.

Et le climat dans tout ça?

Un affront envers les milliers d’organisations et d’associations qui, dans le monde, chaque jour, se battent contre les climato-sceptiques, les négationnistes du réchauffement, pour informer, alerter, mobiliser, motiver, et sans l’action desquels depuis des années, il n’y aurait pas de prise de conscience, pas de COP, pas de négociations internationales, pas d’accords, pas d’espoir, si mince fût-il, de parvenir à « sauver les meubles » du vivant, de la biodiversité et de l’avenir de nos enfants.

Un affront envers tous les Américains, nombreux, majoritaires en fait, qui ne se sentent pas, qui ne se veulent pas, représentés par Trump, et qui se battent, tels ces maires de grandes villes américains qui décident de ratifier l’accord de Paris contre la position de leur président, pour que la perception de leur pays ne se résume pas à un égoïsme hallucinant, sans lendemain, ouvertement obscurantiste, stérile et isolé. Plus on accorde d’égards à leur président, plus on en enlève à ces femmes et ces hommes innombrables et remarquables.

La dignité des Français n’est pas un jouet

Un affront envers la dignité du peuple français. Faire de monsieur Trump l’invité d’honneur de notre fête nationale, avec toute la pompe et la solennité afférente à l’évènement, compte tenu de ce qui a été déjà exposé auparavant, c’est rabaisser d’autant la considération que l’on porte audit évènement et à sa symbolique, et ainsi faire peu de cas de la dignité de notre pays et de ses citoyens. Cette dignité n’est pas un jouet à disposition d’un enfant-roi qui désire gagner à tous les jeux et briller en toute occasion. Elle n’est pas à vendre ou à échanger contre les gains personnels que s’imagine toucher, à peu de frais, un jeune homme à qui l’on n’a pas assez dit « non » quand il était petit.

La dignité du peuple français n’appartient pas à Emmanuel Macron, pas plus qu’elle n’appartenait à Nicolas Sarkozy, quand celui-ci n’avait pas prévu que Mouammar Khadafi planterait sa tente bédouine dans les jardins de l’hôtel de Marigny, histoire de montrer qu’il pouvait tout se permettre.

Il fallait inviter les soldats américains

Car bien sûr, c’est à la même conclusion que l’esprit, disons brutalement simple, de Trump, va aboutir, suite à l’invitation du 14 juillet : voyez, je peux tout me permettre, même et surtout de cracher sur les efforts et les espoirs de l’humanité pour sauvegarder son avenir, car ce faisant on me traite avec encore plus de déférence, et l’on m’invite avec tous les honneurs dans « la plus belle ville du monde », celle dont je conchie (il paraît qu’Emmanuel Macron apprécie ce verbe désuet mais terriblement lettré) l’accord qui porte son nom et tous ceux qui y ont contribué…

Oui, il fallait inviter des soldats américains à défiler aux côtés des soldats français le 14 juillet, car les soldats américains sont morts en nombre, et en partie pour nous, sur le sol français, au cours des deux guerres mondiales. Oui, il faut parler les yeux dans les yeux à ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord, que ce soit Poutine, Trump ou d’autres. Mais il ne fallait pas flatter l’irresponsabilité, le mépris, la vulgarité, l’ignorance et l’hubris destructeur du dirigeant du pays le plus puissant du monde.

Cela s’appelle faire la part des choses, et décider non pour soi mais pour le bien commun des générations présentes et futures. Mais cela, un enfant-roi dont les désirs ont toujours été satisfaits le peut-il ?



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est écrivain.

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