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Syrie: Macron a raison, notre ennemi c’est Daech


Syrie: Macron a raison, notre ennemi c’est Daech
Emmanuel Macron à l'Elysée, juin 2017. Sipa. Numéro de reportage: 00812078_000009.
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Emmanuel Macron à l'Elysée, juin 2017. Sipa. Numéro de reportage: 00812078_000009.

Il faut saluer les propos tenus par Emmanuel Macron dans Le Figaro d’hier, au sujet de la Syrie : « Je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar Al-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! Longtemps, nous avons été bloqués sur la personne de Bachar Al-Assad. Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien. »

Après six années d’une politique chaotique qui n’a fait que marginaliser la France dans la gestion du conflit syrien, nous assistons au retour de la diplomatie, prélude au renouveau de la France sur la scène internationale.

Hiérarchiser les menaces

La diplomatie ne consiste pas à échanger entre amis partageant les mêmes positions, elle sert à parler avec ses adversaires, de manière à éviter, en cas de désaccord, une escalade qui puisse mener jusqu’au conflit armé. De ce point de vue, Emmanuel Macron a raison de renouer le dialogue avec Vladimir Poutine qui détient aujourd’hui les cartes maîtresses sur le terrain pour dénouer le conflit syrien.

Ensuite, un État doit savoir hiérarchiser ses menaces et ses ennemis. À ce sujet, la France a commis l’erreur de mettre au même niveau Bachar Al-Assad et l’État islamique, en les vouant tous les deux aux mêmes gémonies : « Ni Bachar ni Daech » ânonnait fébrilement Laurent Fabius, qui concentrait tout son fiel sur la Russie.

Assad n’est pas responsable du Bataclan

Il a fallu les 130 morts du Bataclan en novembre 2015 pour que la France infléchisse très légèrement sa position. Or, jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont ni les troupes de Bachar Al-Assad ni les soldats russes qui tuent nos concitoyens dans les rues. Affirmer cela ne signifie pas donner quitus à l’un et à l’autre sur tous les aspects de leur politique. En 1941, les anglo-américains n’ont pas hésité à s’allier avec le régime de Staline dont personne ne pouvait méconnaître le caractère totalitaire. Interpellé sur ce point à la Chambre des Communes, Churchill avait répliqué net : « Si Hitler avait envahi l’enfer, j’aurais cherché à construire une alliance avec le diable ».

Bienvenue à la realpolitik…

Un principe de bon sens qu’Emmanuel Macron a rapidement mis à exécution au rebours de sa stratégie de campagne, preuve qu’il a réellement endossé les habits d’un homme d’État. Cette inflexion salutaire qu’il qualifie lui-même de « vrai aggiornamento » le conduit à fixer désormais comme priorité « la lutte absolue contre tous les groupes terroristes » et à reconnaître des « convergences » avec la Russie sur ce terrain-là. De la même manière, le départ de Bachar Al-Assad ne devient plus le leitmotiv de la politique française.

Avec Emmanuel Macron, on assiste au retour de la realpolitik et de la diplomatie d’influence sur l’idéologie néoconservatrice qui prévalait jusqu’alors : « Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans ». Nicolas Sarkozy est implicitement visé pour s’être alors aligné sur la diplomatie américaine, au mépris de la tradition gaullienne d’indépendance que Chirac avait respectée en refusant de participer à la guerre en Irak.

…en rupture avec le manichéisme de Bush

Le réalisme en diplomatie, ce n’est pas n’avoir aucune considération morale et verser dans le cynisme mais privilégier l’éthique de responsabilité – qui évalue les conséquences de chaque décision et choisit la moins mauvaise d’entre elle – sur l’éthique de conviction qui se drape dans une posture morale et multiplie indignations et bons sentiments au mépris du réel. C’est le refus de l’idéalisme en politique. Le refus d’une grille de lecture simpliste qui divise le monde entre bons et méchants, à l’image de George W. Bush qui avait rangé l’Irak dans « l’Axe du mal » pour justifier la guerre qu’il voulait lui déclarer. Le refus d’utiliser les droits de l’homme et les valeurs démocratiques comme source unique de l’agir politique, au mépris des conséquences engendrées par les guerres engagées en leur nom. Le refus des actions spectaculaires de court terme qui enveniment la situation sur le long terme, comme ce fut malheureusement le cas en Libye.

Le réalisme en diplomatie, c’est favoriser tout ce qui contribue au maintien ou au retour de la paix et de la stabilité ; c’est un exercice humble et laborieux qui suppose de dialoguer avec tous les acteurs concernés. C’est surtout le renoncement à vouloir transformer le monde dans la fébrilité d’une émotion, l’indignation d’un moment ou la fièvre d’une aventure militaire sans lendemain. C’est la prise en compte du temps long et des permanences de l’histoire, de la lente évolution des mentalités et de la nécessité de ne pas bousculer des équilibres internationaux souvent précaires pour des résultats à coup sûr chaotiques.

Macron a appris de Hollande

C’est, enfin, la nécessaire prise en compte de l’existence d’un État souverain comme préalable indispensable à tout rétablissement de la stabilité sur le long terme. Emmanuel Macron précise, à ce titre, que sa politique sera guidée par la nécessité de garantir « la stabilité de la Syrie car je ne veux pas d’un État failli ». On est bien loin du moment où Laurent Fabius livrait à la rébellion des armes qui terminaient entre les mains des factions islamistes et voulait porter au pouvoir des rebelles souffrant d’une absence de légitimité sur le terrain.

Sur cette base, une certaine convergence est possible avec la Russie qui peut seule aujourd’hui faire entendre raison à l’Iran et au régime syrien et réunir à la table des négociations toutes les parties au conflit. Le président fixe toutefois une ligne rouge en cas d’utilisation d’armes chimiques par Bachar Al-Assad et affirme être prêt à répliquer militairement après preuve irréfutable d’utilisation et enquête indépendante, y compris en cas de non-participation des Américains. Une leçon qu’Emmanuel Macron a puisé de la reculade de François Hollande qui avait renoncé à tout bombardement après la volte-face d’Obama en août 2013, montrant à la face du monde qu’il était en tout dépendant de la politique américaine et n’avait aucunement les moyens de ses ambitions.

Rétablir l’influence française au Levant

Si Emmanuel Macron est fidèle à cette nouvelle ligne, il contribuera à rétablir l’influence française au Levant qui a beaucoup pâti de la diplomatie catastrophique des six dernières années. La Syrie est un ancien mandat français, la francophonie y reste une réalité et l’image de la France, quoique ternie, demeure bien ancrée dans les esprits. Souhaitons donc pour l’avenir de la Syrie comme pour le rayonnement de la France que l’inflexion diplomatique du président Macron soit couronnée de succès !



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Charles Beigbeder est entrepreneur et président de la Fondation du Pont-Neuf.

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