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Vénézuela, le pays dont on ne sait rien mais dont les idéologues parlent beaucoup


Vénézuela, le pays dont on ne sait rien mais dont les idéologues parlent beaucoup
Manifestants anti-Maduro à Caracas, mai 2017. SIPA. AP22053233_000023
Manifestants anti-Maduro à Caracas, mai 2017. SIPA. AP22053233_000023

Depuis déjà plus de trois ans, il ne se passe une semaine sans que l’on ne soit abreuvé d’une image de manifestants défiant Caracas et son imbécile de président. Ainsi, a-t-on pu voir de belles et courageuses vénézuéliennes en appeler à la « résistance », un peuple au ventre vide réclamer trois sous pour pouvoir dégoter quelques « arepas » (savoureuses galettes de maïs que l’on mange également en Colombie), ou se faire carrément tirer dessus à balles réelles par la police – ceci dans l’indifférence tacite de ceux qui, d’ici, soutiennent Nicolas Maduro tout en s’offusquant du moindre dérapage policier ayant eu lieu lors des manifestations contre la loi El Khomri.

L’été dernier, on a aussi pu voir des Vénézuéliens – sans doute ignares et manipulés par le grand capital ! – traverser la frontière colombienne et se ruer dans les rayons des supermarchés pour s’y doter d’un bien dont je vous mets au défi de vous passer : le papier hygiénique. Cette anecdote lourde de symbole ne dit pas si ce dernier comportait une, deux, trois, ou six épaisseurs, mais les images ont fait le tour du monde. Dans le même registre, on a vu récemment une autre anecdote, plus cocasse, qui a fait la joie de 20 Minutes: les cocktails « popotov » lancés par des manifestants. En Espagnol, « popó » veut dire « caca ». Le Venezuela vu d’ici, soit on pleure, soit on se marre, mais en tous cas on se s’ennuie pas.

Grâce à Hugo Chávez, tout le monde connaît le Venezuela

Que l’on apprécie ou non l’œuvre du militaire Chavez – moi qui pensais que l’armée était un truc de droite… – rendons à César ce qui est à César : l’ancienne manne pétrolière des Etats-Unis s’est faite connaître du monde entier grâce à lui. Ses centres commerciaux ultra-climatisés, ses paysages de cartes postales, ses plages de sable fin, ses eaux turquoises et ses superbes pinups aux seins siliconés pèsent peu face au symbole de la revanche des pauvres contre les riches qu’a incarné le défunt fondateur du « socialisme du XXIème siècle ». Tandis que les âmes de la « vraie gauche » tiennent en estime ce régime qui a fait exister les pauvres en les menant à une conscience politique certaine, les autres, un peu cyniques, le dépeignent en enfer stalinien et disent que « c’était mieux avant ». Qui dit vrai ? Le Venezuela, s’il y coule du sang en ce moment, a fait ruisseler beaucoup d’encre depuis que Chavez a existé, mais il est difficile de s’en faire un avis objectif, tant il est l’objet de convoitises idéologiques. A l’image de La société du spectacle de Guy Debord, le livre dont tout le monde a parlé mais que personne n’a lu, le Venezuela est un pays dont tout le monde parle mais où personne n’a jamais mis les pieds. Un pays récupéré politiquement mais dont personne ne semble réellement saisir les ressorts de la crise durable qu’il connaît depuis quelques années, et dont on nous dit régulièrement qu’il va vraiment exploser, sans qu’une guerre civile ne soit pour autant à l’ordre du jour.

Droite, gauche, qui détient la vérité ?

Tandis que L’Express a publié il y a peu un court article dépeignant Maduro en tyran sanguinaire, le site de l’association altermondialiste Mémoire des luttes a souligné dans un papier aussi propagandiste qu’intéressant que l’envoyé du pape en personne avait demandé que  « le gouvernement et l’opposition conviennent de combattre ensemble toute forme de sabotage, de boycott ou d’agression contre l’économie ». Du grain à moudre pour ceux qui affirment que les manifestations actuelles seraient fomentées par une opposition de droite qui se moque des aspirations de la foule, et ne souhaite jeter les bolchéviques à la chaude mer des Caraïbes que pour y réinstaurer ce qui existait avant : un régime ultralibéral proche des Etats-Unis.

Le même article dénonce le mauvais traitement qui serait réservé au « chavisme » dans les médias. Mais ses défenseurs ne s’y expriment pas : l’ambassadeur du Venezuela n’a pas souhaité me répondre. Loin de moi l’envie de crier au complot comme Monsieur Maduro, mais que ses soutiens ne viennent pas crier à la désinformation quand sortiront des photos « choc » de manifestants en colère, ensanglantés par les balles de la police bolivarienne.

Sur Internet, la guerre des drames et des images fait rage. Des documents prenant le contrepied de ceux des manifestants assassinés, ont été publiés. Par le quotidien argentin de droite Clarín, notamment. Les clichés sont choquants : des miliciens chavistes dénudés sont attachés à un arbre après avoir été visiblement roués de coups par des manifestants. Dans l’autre camp, un étudiant chaviste a été assassiné par balles en pleine assemblée étudiante pour avoir affiché son soutien au régime. Ces informations n’ont pas été relayées dans nos médias. Et peu importe. Face à de telles tragédies, quotidiennes au Venezuela, quel crédit accorder aux positionnements idéologiques de ceux qui ne le connaissent pas ?



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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