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Muray, souvenir d’une quinzaine antifasciste


Muray, souvenir d’une quinzaine antifasciste
Manifestation anti-fn à Lyon, mai 2017. SIPA. 00804679_000014
Manifestation anti-fn à Lyon, mai 2017. SIPA. 00804679_000014

Extrait d’Exorcismes spirituels, tome III, paru le 4 octobre 2002

De lui-même, Le Pen n’est rien. Rien d’autre que la structure gonflable qu’est venu emplir, le 21 avril dernier, tout ce qui subsiste de réel. Le Pen est la figure que prend la réalité lorsque toute une société en mutation technoïde la chasse par la porte et qu’elle revient s’inviter au festin, sous le nom par exemple d’insécurité, en sautant par la fenêtre. Le Pen est la tête que revêt le réel lorsqu’on l’a laissé trop longtemps dehors, dans les ténèbres extérieures, et qu’il y a chopé la peste. C’est la baudruche enflée de tous les résidus de monde concret non encore transformés par les processus de cybermodernisation illimitée dont notre temps est la proie.

Le Pen est une occupation. Le Pen donne à ces demi-soldes de l’Histoire l’impression de vivre puisqu’ils sont vigilants et en état d’alerte.

Sans ces vestiges encore en suspension un peu partout, et qui sont allés s’engouffrer dans son nom, le soir du premier tour des élections présidentielles, parce qu’ils n’avaient pas trouvé de pire débouché, Le Pen serait relégué au magasin d’antiquités avec sa quincaillerie de calembours, de latin de cuisine, d’Indochine, d’Algérie, et sa collection de casseroles négationnistes. Il est probable qu’il n’a jamais voulu le pouvoir parce que l’accumulation de jouissance que lui donne l’horreur qu’il suscite lui est une satisfaction plus forte que l’exercice de la maîtrise.

Quand je le voyais à la télévision, dans les derniers jours de la campagne du second tour, je repensais à ce texte où Borgès évoque la visite chez lui, en juin 1940, d’un « germanophile » venu lui annoncer triomphalement l’entrée de l’armée nazie dans Paris. « J’éprouvai, écrit-il, un mélange de tristesse, de dégoût, de malaise. Quelque chose m’arrêta que je ne pus comprendre : l’insolence de la joie n’expliquait ni la voix de stentor ni la brusquerie de l’annonce. Il y ajouta que ces mêmes armées entreraient bientôt à Londres. Toute opposition était inutile, rien ne pourrait arrêter leur victoire. Alors je compris qu’il était lui aussi atterré. » Et Borgès commente : « Le nazisme souffre d’irréalité, comme les Enfers d’Érigène. Il est inhabitable ; les hommes ne peuvent que mourir pour lui, mentir pour lui, tuer et ensanglanter pour lui. Personne, dans la solitude centrale de son moi, ne peut souhaiter qu’il triomphe. Je risque cette conjecture : Hitler veut être battu. Hitler, d’une manière aveugle, collabore avec les inévitables armées qui l’anéantiront, comme les vautours de métal et l’hydre (qui ne devaient pas ignorer qu’ils étaient des monstres) collaboraient, mystérieusement, avec Hercule. »

Le lepénisme souffre lui aussi d’irréalité, quoique le réel résiduel l’ait choisi comme trou noir. Il est inhabitable et il ne demande qu’à être battu. Dans cette perspective, il collabore avec ses ennemis, les anti-lepénistes. Mais c’est ceux-ci, alors, qui renâclent à ce travail de liquidation. Car Le Pen leur permet, en criant sans arrêt à la « lepénisation des esprits », de lepéniser tout ce qui leur déplaît, tout jugement non conforme, tout soupçon de lucidité un peu dissidente, tout ce qui pourrait entraver la marche en avant de leurs innombrables destructions encensées. Le Pen est une occupation. Le Pen occupe tous les RTTifiés au chômage de tout depuis l’RTTernité. Le Pen les justifie. Le Pen donne à ces demi-soldes de l’Histoire l’impression de vivre puisqu’ils sont vigilants et en état d’alerte. Le Pen est le metteur en scène de leur désœuvrement. Et le justificateur de leurs malfaisances. Et le sanctificateur de leurs persécutions. Il leur permet d’aller de l’avant. Et de tétaniser autour d’eux les réticences éventuelles. Ainsi, ceux qui critiquent à si juste titre le prétendu art contemporain ont-ils été accusés, durant l’entre-deux-tours, par un cafard appointé du Monde, d’« alimenter l’idéologie du repli sur soi et du retour à la tribu », donc de faire le jeu de Le Pen.

Le problème des anti-lepénistes n’est pas Le Pen ; le problème des anti-lepénistes c’est eux

Faire le jeu de Le Pen, qui l’a fait mieux et avec une science plus consommée que le mortifère Mitterrand en son temps ? Il y a d’ailleurs eu quelque chose de profondément déplaisant à voir la fille de celui-ci venir sur un plateau déclarer avec candeur qu’elle allait voter Chirac en se bouchant le nez, sans qu’aucun serf médiatique ose lui rappeler que s’il y a bien quelqu’un qui a savamment peloté à son profit pendant quatorze ans la boule puante qui vient de nous exploser au nez c’est son père. De même, par la bouche mielleuse de ses représentants, la gauche sublime et fracassée, mais toujours aussi magnifique, ne s’est-elle pas privée de reprocher tartuffiennement à la droite de ne pas manifester à ses côtés dans la rue. Et personne n’a osé lui répondre que d’abord c’était sa rue, gloubiboulguisée à son image et ressemblance, et transformée en espaces de création, en zones franches pour le libre tapage des teufeurs sacrés de la scène techno ; et, surtout, que c’était son Le Pen. On leur laisse tout ça. Qui d’autre en a l’usage ?

Pour comprendre dans ses tréfonds l’extase anti-lepéniste de ces derniers jours, il suffit de se souvenir, a contrario, de l’enthousiasme très modéré qu’avait suscité chez ces mêmes anti-lepénistes, à la fin de 1998, la brutale scission du Front national. L’éditorialiste Serge July, sous le coup de cette surprise, qui aurait dû être considérée, et à bon droit cette fois, pour divine, mais qui ne le fut pas du tout, alla jusqu’à écrire avec mélancolie : « Jean-Marie Le Pen est devenu bizarrement indispensable au bon fonctionnement de la démocratie française. »

Il fallait comprendre que la modernité emballée en avait besoin pour rendre ses surenchères de toute façon plus aimables que lui ; et que s’il n’existait plus, il fallait le réinventer. Eh bien ça y est. Le malheur des temps l’a ressuscité in extremis. Et si lui-même, de ce succès, était peut-être aussi « atterré » que le « germanophile » de Borgès, et s’il voulait sans doute aussi profondément être battu, il y avait en face une masse immense qui demandait qu’il gonfle encore ; et elle n’a pas ménagé ses efforts pour qu’il y arrive afin d’exister. Car le problème des anti-lepénistes n’est pas Le Pen ; il ne l’a jamais été ; le problème des anti-lepénistes c’est eux ; et ils attendent de Le Pen qu’il les aide à vivre ou à survivre ainsi ; car Le Pen, c’est toujours mieux que rien ; et même, comme les Barbares du célèbre poème de Cavafy, c’est « une espèce de solution »[1. À quelques jours de là, toute cette exultation s’exprimait sans gêne dans la presse. « Avant, on s’ennuyait, Le Pen nous a réveillés », confiait ainsi dans Libération un jeune décrit comme « fou de techno ». « On dormait, on s’ennuyait, poursuivait-il. Maintenant, tout le monde a le sourire. Cela a créé quelque chose de formidable. » Un peu plus tard encore, dans Le Monde cette fois, une jeune héroïne qui avait été de toutes les causes citoyennes durant l’entre-deux-tours se désolait : « le net recul du Front national et la puissante vague bleue du premier tour des législatives » l’avaient stoppée dans son élan. « Nous avons perdu notre principal bouc émissaire, Jean-Marie Le Pen. » Et, dans un joli mouvement dénégateur, elle poursuivait : « Je ne dis évidemment pas qu’il aurait mieux valu qu’il réalise un bon score pour que nous ayons encore un combat à mener. » Mais elle se rassurait aussi : « C’est presque pas plus mal que le PS soit arrivé derrière l’UMP. Au moins, avec la droite a priori ultra-majoritaire à l’issue du second tour, nous aurons encore un ennemi costaud devant nous. » On précisait néanmoins que « Gaëlle ne s’intéresse plus vraiment au vote, elle dit s’être presque forcée pour aller dans l’isoloir et avoir choisi son candidat un peu au hasard le 9 juin. Elle sait juste qu’elle est toujours “ super en colère ”, même si elle a plus de mal à dessiner les contours de sa révolte qu’à la fin avril ». Qu’importe le contour pourvu qu’on ait l’ivresse de la colère (juin 2002).].

L’anti-lepénisme n’est pas une pensée, c’est une passion

Dans l’invraisemblable concert qui a suivi les résultats du premier tour, dans ce carnaval où se sont bousculés pleureurs, pleureuses, hurleurs et hurleuses au loup, flagellants culturels hagards, mirifiques têtes blondes des lycées et collèges faisant l’apprentissage de leur métier de mouches du coche citoyennes, dans cet opéra mythologique où tout un pays se dressait contre la Bête, la nouvelle humanité s’est baptisée comme dans une eau lustrale. Elle se cherchait un nom, elle l’a trouvé. Elle est désormais anti-lepéniste. Et cela lui suffit, apparemment, pour se définir et le faire de manière passionnée. Car l’anti-lepénisme n’est pas une pensée, c’est une passion. L’anti-lepéniste déteste Le Pen, on ne saurait en douter ; mais il aime de manière passionnée l’état dans lequel le place cette détestation. Il y loge une part essentielle de son identité, la plus haute, la plus belle. Il peut alors faire l’étalage de son moi transfiguré par une si vaste colère. Sous les pavés de bonnes intentions, la rage. Une rage officielle dont la légitimité et même la naturalité ne sauraient être mises en doute. Dans les anti-Le Pen Prides de l’entre-deux-tours, on a pu voir défiler passionnément tout ce qui a vocation à dominer les temps qui s’annoncent.

La vertu emphatisée a paradé comme jamais. La jeunesse dévote, illuminée du vertige de se faire peur, a découvert qu’elle était antifasciste sur rollers et sur autocollants. Les bons apôtres des lendemains qui délepénisent poussaient leurs landaus vers l’avenir radieux, transformant la Grande Marche légendaire des progressismes du passé en une intifada des pouponnières. On ouvrait, dans les immeubles, des ateliers banderoles et des chantiers slogans. Tandis que les éditeurs juraient de publier dans les délais les plus intrépides « des cris de colère de gauche », et que les artistes se désolaient de ne pas être « populaires » dans les cités déshéritées où pourtant ils sont en mission, comme les prêtres ouvriers jadis, et même d’y être si injustement considérés par les exclus comme des exclueurs.

Quant à la gauche sublime du Parti pluriel unique provisoirement en miettes, jamais elle n’était apparue sous son meilleur jour qu’en ces cortèges admirables où la fierté d’être bon donnait le bras à la satisfaction d’être pur, où la repentance se rengorgeait, où la colère était une joie, et où la transparence de l’âme s’appuyait sur les élans du cœur. Les délicatesses qu’elle étalait, lorsqu’elle expliquait qu’elle n’allait voter Chirac qu’après mille réticences, tous ces fins scrupules, toutes ces gracieusetés et ces fines bouches devant le plantureux plat de couleuvres qui s’offrait à elle, faisaient naître un nouvel éventail de gauche tout aussi riche et divers que lorsqu’elle était plurielle ; mais bien plus amusant. On vit ainsi apparaître la gauche du for intérieur et du cas de conscience, la gauche gantée et la gauche dégoûtée, la gauche à reculons et la gauche pince à linge, la gauche haut-le-cœur et la gauche profil bas, la gauche restriction mentale, la gauche pédiluve, la gauche urticaire, enfin toute la gamme de la gauche prophylactique drapée dans son immaculée indignation comme dans un scaphandre stérile. La gauche bébé-bulle. La gauche pince-nez. La gauche pincettes. La gauche pinçon. La gauche pincée. La gauche pince-mi. La gauche pince-moi. La gauche outrée. La gauche outragée. La gauche affligée. La gauche dans les pommes. La gauche à nausée. La gauche désolée. La gauche vierge violée. La gauche temple profané. La gauche offensée et contre-offensante. La gauche élevant sa phobie à la dignité d’une vision du monde, et surmontant encore cette élévation du sacrifice admirable qu’elle faisait en allant voter pour l’objet de sa phobie. Il était même étrange de la découvrir, elle qui s’était récemment connu comme essentielle raison d’être de pourchasser tant de phobies (xénophobie, europhobie, homophobie, gynophobie), à son tour si phobique ; mais si fière de l’être aussi ; comme de bien entendu.

« Contre les méchants »

Toute cette parabole des aveugles contre un borgne ! Certains ont diagnostiqué, dans cet exhibitionnisme de la grande peur des bien-portants, et dans cette grande vapeur des bien-sortants, une réapparition de la politique dont on peut se demander où elle se trouvait, car la politique suppose au moins l’affrontement de thèses également respectables et défendables, alors que le lepénisme n’est ni respectable ni défendable ; il est l’anti-monde de la politique et il a tout fait pour l’être. Ce n’est pas contre un adversaire que tant de militants de la Bonne Cause ont déferlé mais contre Godzilla, King Kong, la Bête des marais. Comme les Américains, après l’effondrement du World Trade Center, s’étaient dressés contre le Mal. « Comment peut-on nous faire ça, nous qui sommes si purs, si innocents ? » s’est aussi demandé la gauche mirobolante de gouvernement. Oui, comment a-t-on pu la bafouer à ce point, elle qui était si contente de son bilan et de ses acquis, de l’euro, des trente-cinq heures, des emplois-jeunes, du Pacs, de la parité, du congé paternité et de tant d’autres belles choses encore tombées de sa hotte de Père Noël sociétal ? En fin de compte, rien ne résumait mieux ce qu’il en était de la politique, en ces jours, que la pancarte brandie par une petite fille où on pouvait lire : « Contre les méchants ». On était bien à Disneyland, pas sur le forum ou sur l’agora, et la lutte des classes était remplacée par celle des petites classes.

Le lepénisme souffre d’irréalité. Mais c’est lui, parce qu’il n’a pas trouvé de canal moins détestable, que le réel a choisi, au premier tour, pour se faire entendre en s’y engouffrant. Ainsi s’est-il donné tous les moyens aussi d’être battu à plates coutures au second tour. Et, bien sûr, de ne pas être entendu du tout. Le réel ? Les joueurs de cornemuse de la France qui gagne, et tous les endormeurs de la nouvelle vie confuso-onirique, l’ont incriminé sous des noms divers : « peur des petits Blancs », « sentiment d’abandon », « angoisse identitaire », autant de comportements peu plaisants, et même franchement antipathiques parce qu’ils s’opposent aux « jeunes et aux classes moyennes qui rêvent d’une société plus ouverte ». Ramené aux dimensions des faits divers criminels les plus sombres, et condensé dans le thème de l’insécurité, le réel a été accusé, dès le 21 avril au soir, d’avoir fait peur aux Français. Et le traitement médiatique de la hausse de la délinquance a été aussitôt montré du doigt.

Ainsi, dans le temps où l’on découvrait qu’un gouffre s’était creusé entre les élites et le peuple, entre ceux d’« en haut » et ceux d’« en bas », on voulait aussi précipitamment ne plus rien savoir de ce qui se passait en bas et qui incitait tant de gens à voter si bassement. Par un bel élan où la pensée magique n’était pas pour rien, on a exigé que les médiatiques cessent sur-le-champ de parler de choses laides et sanglantes comme le massacre des conseillers municipaux de Nanterre ou le tabassage d’un vieil homme d’Orléans à qui l’on tentait de prendre l’argent qu’il n’avait pas et dont on a incendié la maison. L’agression elle-même fut moins déplorée que sa « couverture par les “ Vingt heures ” », et c’est la présence obsédante de la face martyrisée du vieil homme sur les écrans qui a été regardée comme une insupportable délinquance par les Barabbas socialistes du monde qui vient, et même comme une rébellion contre le cours idyllique des choses. « Le fait divers de trop », s’est-on écrié ; et il n’est pas très difficile de traduire que c’était d’abord ce vieil homme que l’on considérait comme de trop. Il n’avait pas su prendre le train de la croissance. Il était resté sur le bord de la route. Il n’avait jamais nagé dans les courants porteurs du world wild web. Ce dinosaure avait tout faux. Sa seule existence était une insulte au bonheur éclatant de vivre pour toujours de l’autre côté du portail Internet. De plein droit, il devenait l’incarnation de cette « France affreuse » que Serge July découvrait au lendemain du premier tour, alors que son journal, un mois plus tôt, consacrait une série d’articles à célébrer la « France décomplexée » de Jospin-président, d’Amélie Poulain et de ce délectable basculement du franc à l’euro qui n’avait « suscité ni drame ni angoisse au grand étonnement des souveraino-sceptiques lepéno-chevènementistes qui, comme toujours, pariaient sur le pire ».

Le réel est reporté à une date ultérieure

Sans parier sur quoi que ce soit, on peut au contraire supposer que le basculement dans la monnaie unique n’est pas passé inaperçu, en fin de compte, ni comme une lettre à la poste, et que toute l’euphorie assourdissante déversée par les médias à ce sujet avait d’abord pour objectif d’interdire à la moindre critique de se faire entendre. Cet événement bruyant a d’abord été un événement sans discussion, donc moderne. Et il n’a donné le sentiment d’être approuvé à l’unanimité que parce qu’il était inacceptable qu’il ne le soit pas. De sorte que le mécontentement qu’il pouvait susciter a été frappé de mutisme ou même refoulé. Du moins le temps qu’ont duré les effets de la piqûre anesthésiante.

Comme ont été refoulées bien d’autres réalités sur lesquelles on a tout de même levé timidement un coin de voile durant l’entre-deux-tours parce qu’il était devenu impossible de faire autrement. Ainsi a-t-on pu découvrir, par exemple, que certains n’étaient pas si satisfaits que cela des trente-cinq heures et de la réduction du temps de travail. Et même que des ouvriers regrettaient de ne plus pouvoir « faire des heures supplémentaires le samedi », alors que leur bonheur de rentrer chez eux pour s’y adonner au partage équitable des tâches domestiques paraissait acquis[2. Un mois plus tard, revenant sur les raisons de la déroute jospinienne dans une série d’articles, Le Monde recueillait les propos de militants socialistes de base. Un ouvrier du Nord n’hésitait pas à affirmer : « Nous avons perdu à cause des trente-cinq heures. » Mais le Pacs aussi, et pour la première fois de manière si crue, était désigné comme l’un des responsables de l’échec. « Je pense que cela a fait plus de mal que de bien », confiait un autre ouvrier. Et le plumitif du Monde se voyait alors contraint d’observer : « Cri du cœur, toutes générations confondues : “ Mais pourquoi se mêlent-ils de cela ? ” » (juin 2002).]. Et, tandis que l’on accusait le programme lepéniste de vouloir « faire rentrer les femmes à la maison », mais que l’on trouvait délicieux que Ségolène Royal y renvoie les hommes, ceux-ci, en silence, saisissaient parfaitement l’entreprise de meurtre qui se tramait contre eux derrière tant de sourires. Avec une belle fraîcheur, un jeune homme de Vitrey-sur-Mance, près de Vesoul, résumait ainsi la situation, et en donnait la clé d’or : « Nous les ouvriers, on voulait pas des trente-cinq heures, on dit les “ Retiens-Tes-Testicules ” (RTT) parce qu’on est empêchés de faire des heures sup. »

Nul ne saurait mieux exprimer la longue besogne de castration sociétale qu’aura été, avec son train d’enfer de mesures et de lois qu’on ne saurait refuser, le gouvernement Jospin, l’un des plus terrifiques qui aient jamais été.

Ainsi, durant l’entre-deux-tours, le réel a-t-il montré le bout de son nez. Mais il a choisi, pour ce faire, le plus sinistre masque qui soit. Quinze jours de fête anti-lepéniste ne se sont pas privés de lui en faire honte. Le réel a reculé. Le réel ne passera pas. Du moins pas cette fois. Et pas comme ça. Le réel est reporté à une date ultérieure. On a eu chaud.

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Philippe Muray, écrivain, est mort le 2 mars 2006 d’un cancer du poumon, échappant de peu à la prohibition inaugurée ce 2 janvier. Ce texte, reproduit avec l’aimable autorisation de son épouse Anne Séfrioui et des éditions Mille et Une Nuits, prouve qu’il vit encore.

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