Accueil Édition Abonné Avril 2017 Je suis vieux et je vote Macron!

Je suis vieux et je vote Macron!


Je suis vieux et je vote Macron!
Soutiens d'Emmanuel Macron à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), avril 2017. SIPA. 00803000_000025
Soutiens d’Emmanuel Macron à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), avril 2017. SIPA. 00803000_000025

J’appartiens à la génération pré-baby-boom, donc bénie des dieux : classes peu nombreuses nées sous Pétain, éduquées sous la IVe République, devenues adultes sous la Ve, bénéficiaires privilégiées des Trente Glorieuses dans tous les domaines, emplois à gogo, logements achetés en monnaie de singe inflationniste, débarrassées par Mai 68 des carcans moraux superflus, profitant à fond de l’allongement de la vie en bonne santé dû aux progrès de la médecine et de pensions de retraite perçues dès 60 ans, sinon avant dans le cadre de plans sociaux amortissant les effets de la crise advenue et toujours en cours…

Grey vote matters !

Cette génération et la suivante immédiate, celle des baby-boomers, constituent une partie non négligeable du corps électoral, phénomène amplifié par le fait que les vieux, puisqu’il faut les désigner par leur nom, ont une propension à voter en masse, alors que les jeunes, notamment dans les milieux dits populaires, se laissent plus volontiers, les dimanches d’élection, tenter par la pêche à la ligne – alternative métaphorique, vu que ce loisir est principalement celui de vieux mâles blancs promis aux poubelles de l’histoire…

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En bref, les plus de 64 ans pèsent d’un poids particulier dans l’avenir politique de la nation et devraient sérieusement réfléchir en termes politiques, philosophiques et éthiques à l’acte consistant à glisser un bulletin de vote dans l’urne républicaine. Grey vote matters ! comme diraient les jeunes helpers de la campagne Macron

Première question : la prise en compte de mes intérêts immédiats, dans un avenir compatible avec l’espérance de vie accordée par l’Ined (pour moi, elle tourne autour de dix ans), doit-elle être déterminante dans mon choix électoral ? Si c’était le cas, je commencerais par sanctionner sévèrement le pouvoir sortant, au nom des avanies subies depuis cinq ans par les membres de la catégorie sociale à laquelle j’appartiens, celle des retraités de la classe moyenne supérieure : matraquée fiscalement alors que le montant des retraites stagne, voire diminue. On n’ose pas vous dire en face qu’il n’est pas juste que le niveau de vie moyen des retraités dépasse celui des jeunes actifs, mais on fait des coups de vice en douce, comme la fiscalisation du supplément de 10 % accordé aux pensions des fonctionnaires retraités ayant élevé trois enfants, ce qui est le cas de mon épouse. C’est humiliant, injuste, mesquin et, en plus, cela ne rapporte pas gros : nous nous sommes serrés la ceinture pour élever et éduquer décemment trois rejetons, au lieu de jouir sans entraves des plaisirs égoïstes des nouveaux bourgeois pleins d’aisance. Aujourd’hui, ces enfants créent de la richesse par leur travail, paient des impôts et des cotisations sociales que les vieux jouisseurs (sseuses) d’antan dépensent à présent allègrement en cures de thalasso et surconsommation médicale. Le vieux méchant et vindicatif que je suis susceptible d’être pourrait alors sanctionner la gauche, toutes boutiques confondues, pour ce forfait, et l’ostentatoire et hypocrite compassion manifestée aux « petits retraités » pour mieux pressurer les autres.

Je comptais voter Fillon mais…

Une telle attitude serait politiquement impeccable : qui me reprochera de défendre mes intérêts par la voie démocratique ? Mais est-elle moralement acceptable ? Non, car cela ferait[access capability= »lire_inedits »] de l’homo economicus l’alpha et l’oméga de la citoyenneté, au détriment de l’homo politicus porteur non seulement de ses intérêts particuliers, mais d’une part de l’intérêt général. J’ai le devoir de ne pas voter en seule fonction des promesses de meilleurs remboursements des prothèses dentaires ou des versions high-tech des sonotones. En fait, au cours du quinquennat qui s’achève, j’ai été rogné et non ruiné. J’ai donc quelques raisons d’être en rogne, mais je préfère mépriser, prendre de la hauteur en regardant sans regrets la « génération Mitterrand », les Hollande, Bartolone, Aubry, Royal, Ayrault et leurs comparses et complices dégager de la scène politique, sans qu’il soit nécessaire d’arroser à la kalach’ l’ambulance qui les conduit à l’hospice.

Ma part d’intérêt général, je compte alors l’investir dans un vote inspiré par la parole d’Albert Camus dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, le 10 décembre 1957 à Stockholm : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »

Ce que ne pouvait prévoir Camus, décédé accidentellement deux ans après ce discours, c’est qu’une nouvelle génération de « changeurs de monde » allait prospérer sur les ruines de l’ancienne, celle des chantres du communisme soviétique. Ces nouveaux avatars des modeleurs fanatiques de l’homme nouveau prétendent agir au nom des générations futures que notre mode de vie actuel, notre civilisation conduiraient inéluctablement à la catastrophe alimentaire, sanitaire, climatique et autres plaies d’Égypte de notre temps. Une escroquerie morale et scientifique d’ampleur sans précédent, qui fait fi de toute raison pour prêcher l’apocalypse, diaboliser le progrès, brider la créativité humaine en érigeant en absolu un principe de précaution qui aurait maintenu l’humanité à l’âge de pierre, voire l’aurait empêchée de sortir de l’animalité s’il avait été respecté par nos plus lointains ancêtres et ceux qui les suivirent. Mon vote en faveur des générations futures consistera donc à tenter de les débarrasser des faux prophètes, rouges ou roses repeints en vert, en votant pour un candidat montrant quelques capacités de résistance à la doxa écolo-cinglée. Jusqu’à ces dernières semaines, le programme de François Fillon paraissait le plus proche de ces préoccupations, par son conservatisme bien ancré, et surtout par sa promesse de retirer de la Constitution de la Ve République ce fameux principe de précaution malencontreusement introduit par Jacques Chirac. Malheureusement, cet esprit de résistance exige de celui qui s’en réclame une stature morale d’une solidité à toute épreuve, tant les procès en irresponsabilité qui lui seront intentés viseront à le déconsidérer, à le présenter comme un criminel contre l’humanité à venir. Il ne semble pas aujourd’hui que le candidat Fillon soit en mesure, même élu, de faire face à une déferlante de démagogie verte, un Fukushima de la mauvaise foi qu’il se gardera bien de provoquer. D’ailleurs, il a cru bon d’obtempérer à une convocation à déjeuner de Nicolas Hulot, qui s’est vanté ensuite d’avoir remonté les bretelles de Fillon pour son programme insuffisamment soumis au diktat de l’animateur télé !

Macron soutient la recherche sur les OGM, l’extraction des gaz de schistes, le maintien du nucléaire et autres hérésies majeures aux yeux de Jadot et Duflot

Alors, en y regardant bien, on trouvera chez Emmanuel Macron quelques signes qui placent son projet dans le sillage de la maxime de Tancredi Falconeri dans Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, alias Alain Delon dans le film du même nom de Luchino Visconti : « Il faut que tout change, pour que rien ne change ! » Chez Macron, et lui seul, on trouve cette ouverture à une société où le risque est encouragé, où l’on enjoint les perdants de l’heure à se bouger pour s’en sortir au lieu d’attendre une becquée que les démagogues de tout poil ne manquent pas de leur promettre. S’il sacrifie, hélas, à l’air du temps en enfourchant quelques chimères écologiques, comme cette farce récurrente des perturbateurs endocriniens cancérogènes – excellemment réfutée dans le récent livre de Jean de Kervasdoué1, ancien directeur des hôpitaux au ministère de la Santé –, il se prononce en faveur de la recherche sur les OGM, de l’extraction des gaz de schiste et du maintien d’une part conséquente du nucléaire dans notre modèle énergétique, hérésies majeures propres, aux yeux des Jadot, Duflot et consorts, à vous valoir la damnation éternelle dans l’enfer productiviste. Le rétablissement proposé des chasses présidentielles est également réjouissant, tant il révèle l’esprit d’insoumission du jeune homme à l’air du temps. Macron-Charasse, même combat ! Je pourrais donc envisager sans trop d’angoisse, et même avec une certaine sérénité qui sied aux vieillards, le temps qu’il me reste à sévir sur cette planète, après avoir voté Macron à la présidentielle et « Les Républicains » aux législatives.[/access]

Avril 2017 - #45

Article extrait du Magazine Causeur




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