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Le long chemin de croix de François Fillon


Le long chemin de croix de François Fillon
François Fillon entouré de sa femme Pénélope (à droite) et de Valérie Boyer (à gauche)lors d'un meeting de campagne à Paris, 29 janvier 2017. SIPA. AP22006924_000056
François Fillon entouré de sa femme Pénélope (à droite) et de Valérie Boyer (à gauche)lors d'un meeting de campagne à Paris, 29 janvier 2017. SIPA. AP22006924_000056

Qu’est-ce qui attend François Fillon, et par conséquent la France à moins de trois mois du premier tour de l’élection présidentielle ? Le candidat de la droite et son épouse sont-ils « coupables » de ce dont désormais la clameur les accable ? L’affaire est apparemment simple et chacun, en fonction de ses intérêts politiques a maintenant un avis tranché. Pour ceux qui rêvent d’une restauration de la droite classique après l’horrible épisode Hollandien, et qui, par un vote de classe, ont choisi à la primaire un homme qui leur ressemble,  « le couple Fillon est blanc comme neige ». Pour ceux qui, avec Pierre Bergé, George Soros, Jacques Attali, Laurent Joffrin, Daniel Cohn-Bendit et tous les autres rêvent d’une présidence Macron qui permettrait de ne surtout rien changer : « François Fillon a l’âme noire, il est indigne de diriger la France ».

Trois imprudences

Concernant les faits eux-mêmes tels qu’ils nous sont présentés, j’aurais tendance à considérer concernant l’emploi d’attaché parlementaire, que députés et sénateurs devraient être libres d’organiser leur travail comme ils l’entendent avec les moyens qui leur sont fournis et que les interventions permanentes du juge judiciaire dans le fonctionnement du parlement sont autant d’atteintes à la séparation des pouvoirs. En revanche, l’affaire de l’emploi de Pénélope Fillon à la Revue des Deux Mondes, au-delà des qualifications juridiques meurtrières qui risquent de tomber, est beaucoup plus gênante et très déplaisante. Elle est le symbole d’un capitalisme de connivence, devenu insupportable.

Et puis François Fillon s’est mis lui-même dans la seringue avec ses trois énormes imprudences. Il a tout d’abord fait adopter à son épouse des comportements politiquement difficilement défendables. Il se serait ensuite livré – il le dément – à la dénonciation déshonorante de Nicolas Sarkozy auprès du pouvoir socialiste. Il a enfin prononcé cette phrase épouvantable : « imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » Proférée il faut le rappeler, quand il était en perdition dans les sondages de la primaire.

L’innocence ne protège de rien

Mais la question que l’on va se poser face à la catastrophe politique qui frappe le candidat de la droite, ce n’est pas de savoir s’il est pénalement coupable de quelque chose, question à laquelle il ne sera pas répondu avant fort longtemps et pour l’instant dénuée d’intérêt pratique. Mais d’imaginer ce qui va se passer dans les jours et les semaines qui viennent. En rappelant les règles du cirque politico-judiciaire : il ne faut pas faire confiance à la Justice, et l’innocence ne protège de rien. Et ceux qui disent le contraire profèrent un pieux mensonge. Il ne faut pas faire confiance à la Justice, parce que l’organisation de l’institution repose précisément sur la défiance vis-à-vis de l’Homme magistrat. Toutes les règles dont il faut sans relâche demander le respect ne sont là que pour compenser le fait que celui qui va juger est un homme (ou une femme) comme les autres, c’est-à-dire faillible. Et l’innocence ne protège de rien par ce que cette Justice est aussi un enjeu, et son utilisation à des fins politiques à un niveau rarement vu, est un des traits caractéristiques de ce quinquennat qui s’achève. Face à cette dérive, le respect des principes, l’innocence ou l’honneur d’un homme ne pèsent pas grand-chose.

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Évidemment, même s’il n’est pas idéalement placé pour le faire, François Fillon a beau jeu de hurler au complot, car c’en est un, et de longue main. Déroulons le scénario. Des informations concernant la situation de Pénélope Fillon dont certaines étaient connues depuis longtemps. La connaissance de l’emploi à la Revue des Deux Mondes nécessitait en revanche des informations administratives qui ne sont pas accessibles à tout le monde. Le moment choisi, à trois mois du premier tour de la présidentielle, met la droite républicaine dans une situation inextricable. Il faut donc se tourner vers l’exécutif qui face à la catastrophe de la primaire socialiste envoie de plus en plus de signes d’un soutien empressé à Emmanuel Macron. Avec un deuxième acteur essentiel, la presse spécialisée dans l’envoi de ce genre de missiles. Dûment informée, elle a fait ce que l’on attendait d’elle.

Et puis il y a le « Parquet Financier », instance créée dans l’émotion de l’affaire Cahuzac, dont la direction a été donnée à des gens de confiance, et qui a manifesté pendant quatre ans un zèle sans faille à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Cette institution sous contrôle hiérarchique direct du ministre de la Justice a « ouvert » une enquête préliminaire quelques heures après la publication du Canard enchaîné. Première observation, pour qui connaît un peu le fonctionnement de la machine judiciaire, il semble impossible que cette initiative ait été prise sans concertation préalable au moins avec la place Vendôme et plus probablement avec l’Élysée. Et sans que le plus haut niveau de l’exécutif ait donné soit son accord, soit carrément des consignes. Deuxièmement, la célérité avec laquelle se sont déclenchées les investigations : perquisition dès le lendemain, auditions le surlendemain, implique évidemment une préparation bien antérieure à l’article du Canard enchaîné. Tous les regards devraient se tourner vers celui que la rumeur nous présente depuis le début du quinquennat comme le patron du cabinet noir de l’Élysée, Stéphane le Foll le rival sarthois de François Fillon. Rien pour l’instant ne permet de l’affirmer, on se contentera donc de quelques déductions face à des évidences. Ajoutons à celles-ci, la misérable opération déclenchée contre Rachida Dati. Qui présente plusieurs caractéristiques, au-delà de son charisme et de son talent, celle d’exaspérer l’establishment qu’il soit de droite ou de gauche. Comme elle dispose en plus d’un incontestable courage dans l’expression de ses désaccords, elle n’a pas envoyé dire à François Fillon ce qu’elle pensait de sa façon de traiter les amis de Nicolas Sarkozy dans la campagne. Elle est donc accusée par les gazettes, bouc émissaire d’une minable opération de diversion, d’être à l’origine de l’opération. On répondra qu’elle n’a jamais siégé à l’Assemblée nationale, et que l’on ne voit pas comment elle aurait pu accéder à la comptabilité de la société éditrice de la Revue des Deux Mondes. Ce qui n’a pas empêché, à droite, ceux qui n’ont jamais accepté Rachida Dati pour des raisons inavouables, de se jeter sur cet écran de fumée. Plutôt que de dénoncer les vrais organisateurs et mener le bon combat.

S’il est élu, François Fillon sera immunisé. Pénélope non…

Sans mesurer peut-être aussi que la restauration dont ils rêvent a peut-être pas mal de plomb dans l’aile. François Fillon, qui a aussi dû se faire expliquer par ses fils, enfin devenus avocats, ce qu’était le temps judiciaire, a dit qu’il se retirerait s’il était mis en examen. Il sait très bien que le parquet n’aura pas le temps, avant le premier tour de la présidentielle de demander l’ouverture d’une information judiciaire menée par un juge d’instruction qui aurait cette compétence. En revanche, le cirque médiatico-judiciaire a commencé, et toutes les péripéties habituelles vont pourrir la campagne. On a déjà eu une première perquisition, et l’audition de témoins de l’accusation. Vont probablement suivre des gardes à vue, des confrontations, etc. etc. Et bien évidemment et comme d’habitude les gazettes amies seront immédiatement informées, alimentées, et les auditions, interrogatoires, transcriptions d’écoutes téléphoniques, dûment manipulés seront publiés. Avec l’effet qu’on imagine à chaque fois. Le parquet financier, tout à son zèle peut également nous offrir une citation directe en correctionnelle, ce qui voudrait dire que l’affaire pourrait être jugée sans passer par la case information judiciaire (instruction). Imaginons une citation à comparaître délivrée aux époux Fillon le jeudi précédent le premier tour pour une audience au mois d’octobre. Si François Fillon était quand même élu, il bénéficierait de l’immunité, mais pas son épouse. Charmante façon de commencer un quinquennat et bonjour l’autorité du nouveau président.

Comment en est-on arrivé là, à placer la France dans une telle situation politique ? Un quinquennat socialiste catastrophe, une primaire de la droite véritable dévoiement démocratique avec le choix d’un mauvais candidat désormais plus que fragile, un pouvoir aux abois, s’autorisant des méthodes barbouzardes et des manipulations indignes pour adouber un freluquet inconsistant et sauver ses petits meubles. Et tout cela au profit du Front national qui n’a même plus besoin de faire campagne.

Le fumet qui se dégage de cette marmite, devient carrément méphitique.



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