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Marcel Aymé, spectateur engagé


Marcel Aymé, spectateur engagé
(Photo : Agence de presse Meurisse - Bibliothèque nationale de France - Wikimedia commons - cc)
(Photo : Agence de presse Meurisse - Bibliothèque nationale de France - Wikimedia commons - cc)

Marcel Aymé détestait les vainqueurs, la peine de mort et la bêtise. Marcel Aymé adorait l’enfance, les blouses grises de la laïque et les belles nymphes païennes qui séduisent les jeunes paysans. Marcel Aymé avait un tempérament de droite et des idées de gauche à moins que ce ne soit le contraire. En tout cas, Marcel Aymé a toujours embêté le monde : être inclassable est un crime inexpiable dans un pays cartésien comme le nôtre.

Entre 1933 et 1937, il écrivit des chroniques pour l’hebdomadaire Marianne, lancé par Gaston Gallimard. On parlerait aujourd’hui d’une tendance gauche républicaine. Marianne avait pour ambition de concurrencer deux fleurons de la presse d’extrême droite, Gringoire et Candide et pour Gallimard, c’était le moyen de concilier habilement une niche commerciale et une bonne conscience politique. En 1989, l’éditeur avait eu la bonne idée de demander à Michel Lécureur de réunir les chroniques d’Aymé en un volume et le spécialiste avait choisi un joli titre proustien : Du côté de chez Marianne.

Effectivement, c’est bien un temps perdu qui est au rendez-vous, surtout dans ces petits détails datés qui émaillent les articles de Marcel Aymé  comme dans une chronique consacrée aux sous-vêtements féminins. Pour le reste, ces années-là ne sont pas vraiment drôles. Marcel Aymé comment l’actualité avec son habituel et inimitable sourire crispé et fait affleurer un humour désespéré. On suit ainsi par exemple, semaine après semaine, la montée du nazisme férocement caricaturé dans une chronique de 3 mai 1933, intitulée « Vive la Race ! »

Ce surréalisme discret est le ton dominant de ces chroniques qui ressemblent souvent à des nouvelles, et l’on comprend pourquoi Marcel Aymé fut, dans son œuvre, l’inventeur d’un certain fantastique social assez unique dans notre littérature. Décrivez le quotidien tel qu’il est, l’actualité telle qu’elle se déroule et vous nagerez tout naturellement en pleine absurdité. C’est ce qui donne également à Marcel Aymé journaliste son étonnante clairvoyance. Il n’est certes pas dans Du côté de Marianne un prophète mais il a oublié d’être myope. Il dénonce l’injustice sociale, sans oublier que les pauvres peuvent être aussi des salauds comme dans la formule célèbre de la Traversée de Paris.

L’erreur serait de considérer ces cent huit chroniques comme une banlieue de l’œuvre de Marcel Aymé. Son style, sa désinvolture soignée, son cynisme tempéré par un humanisme ironique sont intacts. On a l’impression, aussi, de regarder un formidable film d’archives : le procès de Violette Nozières, égérie involontaire des surréalistes, le 6 février 1934, l’invasion de l’Ethiopie par les troupes de Mussolini. Des images en noir et blanc un peu accélérées, des silhouettes fragiles, tressautantes, émouvantes.

Du côté de chez Marianne (Gallimard, 1989),  marché Georges Brassens, Paris.

Du côté de chez Marianne

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