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DSK, le criminel était presque parfait


"DSK misogyne"

D’accord, on ne saura sans doute jamais ce qui s’est passé au Sofitel de New York. Reste qu’on sait au moins une chose : le procureur Cyrus Vance, qui devait être motivé puisqu’il jouait peut-être sa réélection sur ce dossier, n’avait pas les biscuits pour se payer DSK. Cela signifie au minimum que le récit initial – auquel, répétons-le, nous avons tous cru – dans lequel une sainte était violentée par un salaud ne correspondait pas à la réalité. On n’est plus dans le noir et blanc mais dans la zone grise des rapports humains où les affects se mêlent aux rapports de force et aux intérêts.

Voilà qui ne fait pas l’affaire des féministes, en tout cas de celles qui croyaient tenir, avec cette affaire, la preuve de la justesse de leur combat contre les hommes. Femme, noire, pauvre, exilée, Nafissatou Diallo était la victime rêvée. Douter de sa parole, c’était insulter toutes les victimes. « Les victimes ne mentent pas », m’a dit un jour un confrère au Kosovo. Eh bien si, justement, les victimes mentent. Et il arrive même qu’elles soient des victimes imaginaires.

Répétons-le, j’ignore totalement si Nafissatou Diallo a menti un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout. La seule chose que l’on sache, c’est que l’homme qui avait le plus intérêt à accréditer sa version des faits a déclaré forfait. L’ennui, c’est qu’entre-temps, elle est devenue le symbole de la terrible condition des femmes en Occident. Reconnaître que ce cas était moins clair qu’il n’y paraissait, ce serait admettre que cette condition n’est pas si terrible. Les pleureuses qui se sont succédé sur les plateaux pour dénoncer, en vrac, le viol et la grivoiserie, le partage inégal des tâches ménagères et les écarts de salaire, les mains baladeuses et les regards déshabilleurs, ne l’entendent pas ainsi. Maintenant que ces pitbulls en jupettes ont planté leurs crocs dans les mollets de l’ex-patron du FMI, elles n’ont nullement l’intention de lâcher prise.

Aussi vouent-elles aux gémonies la justice américaine qu’elles trouvaient hier formidable. Si elles admettent que la victime n’est pas une sainte, elles n’envisagent pas un instant qu’elle ne soit pas victime. Que beaucoup de gens se réjouissent du dénouement ne fait que confirmer leurs intuitions : « C’est emblématique du sexisme ambiant qui règne dans la classe politique française », déclare Zyneb El Rhazoui, la porte-parole de « Ni putes ni soumises ». De son côté, le Dr Emmanuelle Piet, présidente du « Collectif féministe contre le viol », se désole : « Tout cela ne va malheureusement pas encourager, à l’avenir, les victimes à parler », redoute-t-elle. Et si « tout cela » décourageait les affabulatrices, faudrait-il s’en désoler ?

Les féministes américaines qui manifestaient lundi devant le tribunal n’en ont cure. Elles sont convaincues de la culpabilité de DSK. Doute raisonnable, connais pas ! Il est vrai que pour certaines, c’est le désir masculin qui est criminel par nature. Les arguments avancés par ces dames pour étayer leur certitude flanquent un peu la trouille : « Il est coupable, la preuve, c’est qu’il est soupçonné d’un autre viol en France », dit l’une. On ne va pas s’embarrasser de chichis comme la présomption d’innocence : le soupçon vaut condamnation. Mais la plus amusante est celle qui a déclaré en substance que DSK avait forcément violé Nafissatou Diallo puisqu’il avait publiquement avoué avoir trompé sa femme plusieurs fois. Autrement dit, tout homme adultère est un violeur en puissance. J’imagine, chers lecteurs mâles, que certains d’entre vous commencent à se sentir mal. Enfin, ça ne me regarde pas. En tout cas, quand de supposées progressistes que l’on prenait pour les filles de la libération sexuelle jouent les dames-patronnesses et que les mouvements féministes se transforment en ligues de vertu, on se dit que ça valait le coup de se débarrasser du pouvoir de l’Eglise.

Sur ce coup, cependant, il faut noter que la bêtise est également répartie entre les sexes. Depuis quelques semaines, tous les hommes de ma connaissance – à quelques exceptions près – m’infligent la même blague débile : « Il n’a pas pu la violer, elle est trop moche ». N’essayez pas de m’enfariner, chers lecteurs, je suis sûre que vous êtes un paquet à l’avoir dit ou pensé. Or, cet argument est d’une sottise crasse parce qu’il méconnaît absolument ce qu’est le désir. Désire-t-on en fonction de critères préétablis et fixés par les magazines ? Faut-il être « blonde avec des gros lolos notre cauchemar à toutes » pour éveiller la concupiscence masculine ? Quand vous dîtes d’une fille entrevue dans la rue qu’elle est « bonne », voulez-vous signifier qu’elle est jolie ? Les femmes que vous considérez comme laides sont-elles vouées à l’abstinence ? Si un joli minois suffisait à vous mettre en émoi, ça se saurait, non ? (Je tairai par charité chrétienne le nom de quelques consœurs absolument sublimes et dénuées, d’après les confidences que je reçois, de tout potentiel érotique, dieu existe).

Cet argument n’est pas seulement crétin, il est franchement inélégant – c’est le salon du camion, comme dit mon amie Béatrice. Alors, les mecs, permettez-moi un petit rappel : que vous ne fassiez pas la vaisselle, admettons, que vous soyez volages, c’est presque inévitable, que vous fassiez les hommes les vrais on est pas mal à aimer ça.

Mais un macho digne de ce nom doit être un gentleman.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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