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Gulliver à Tottenham


Ainsi donc, nous aurions à choisir notre camp. D’un côté, ceux qui « excuseraient » les casseurs au nom d’un sociologisme gauchiste primaire, de l’autre, ceux qui attacheraient une très grande importance à qualifier les voyous de voyous. Et avec ça, bonnes gens, nous serions quittes avec cette petite affaire politique – la violence.

J’espère qu’il est encore possible d’échapper à cette opposition. J’espère qu’il est encore possible de critiquer le montage sécuritaire du libéralisme sans être associé, par une sorte de contrecoup automatique, à la gauche bien pensante.

Un romancier devrait nous permettre de renverser les perspectives – son nom est Swift. Il se trouve que cet irlandais en connaît un rayon sur la la violence légale des Anglais. Car la violence, figurez-vous, aime beaucoup la Loi, de sorte que transformer ce couple en antithèse philosophique est d’une rare cocasserie.

On relira à cet effet la grande scène du procès de Gulliver, lui qui fut accusé de destruction de bien public pour avoir pissé dans les appartements de la Reine. Pour ne pas tomber dans le sociologisme primaire, on évitera de rapporter cette conduite inexcusable à ses origines sociales. Par contre, on se demandera comment Gulliver en est venu à faire pipi, et l’on étudiera comment il fut châtié par les plus hautes autorités de l’Etat.

Swift n’était pas un gauchiste, il n’avait pas lu Marx, mais la démonstration demeure. Le libéralisme a besoin d’une violence visible, sauvage, facilement condamnable, et l’infantilisme des casseurs consiste à tomber dans ce piège.

Non seulement l’hypocrisie légaliste ne s’oppose pas à la violence, mais l’une ne va pas sans l’autre. Nous le vérifierons bientôt dans toute l’Europe, lorsque nos leaders n’auront plus rien d’autre à faire, dans un paysage socialement dévasté, que d’incarner la haute et noble figure de la Loi.



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