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Vœux pieux…


Vœux pieux…

Je serais socialiste, j’arrêterais les cérémonies de vœux toutes affaires cessantes. Mercredi, Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes et patron du groupe socialiste à l’Assemblée, recevait la presse pour causer de l’année à venir qui, dans la tête de tout le monde, n’est jamais que celle qui précède 2012.

Un avenir chargé, entre la primaire au PS, les déclarations des uns ou des autres, le programme socialiste qui n’existe pas encore, et le candidat qu’on ne connaît pas encore non plus. Résultat, ça limite les marges de manœuvres pour faire des discours inventifs. J’attends d’ailleurs avec hâte celui de Martine Aubry la semaine prochaine, c’est promis, je vous raconterai.

Bref, on se retrouve à l’Assemblée, au premier étage de la questure, avec 35 journalistes qui s’embrassent en se parlant de leurs histoires de vacances, du mercato d’hiver radio-télé, ou de l’horrible assassinat de Bernard Mazières, ancien journaliste politique du Parisien, bref déployant assez peu d’énergie à vaguement écouter d’une oreille leur hôte du jour. Lequel descend pourtant Sarkozy avec habileté, et presque conviction. Qui en appelle à un retour à une « morale républicaine simple », insiste aussi pour que les socialistes se « souviennent de leurs échecs ». Ce qui est terrifiant, c’est que le gros de l’assistance ne se réveille et ne frétille que quand Ayrault se met à taper -mais sans le nommer- sur Valls, qui s’est offert un sacré cadeau de Noël en dégainant par surprise son détricotage des 35 heures en pleine trêve de la Saint Sylvestre, durant laquelle, ordinairement, les journalistes politiques n’ont plus rien à se mettre.

« Les bons coups médiatiques peuvent êtres des mauvais coups pour les Français », commente un peu raide, Jean-Marc Ayrault devant un auditoire enchanté qui tient enfin LA phrase. Ayrault aura même la gentillesse d’en ajouter une deuxième sans supplément de prix : « La présidentielle n’est pas un concours de petites phrases !» Justement si. En tous les cas, à gauche, grâce à la primaire, ses chouettes candidats déclarés et son muet du sérail à 60% d’intentions de vote dans la presse. Six mois où le sport national solférinien va être la quête de la petite phrase qui crucifie la concurrence.

Franchir la ligne jaune pour pouvoir exister

Pour ne pas être marginalisé dans la course à l’investiture, il faudra suivre exactement la même méthode que Manuel Valls, qui après avoir renoncé successivement à l’héritage théorique de Marx, Jaurès, Mendès-France et même Michel Rocard, s’est trouvé un nouveau maître à penser en la personne du Monsieur Plus de Bahlsen. Du coup chacun des candidats à la primaire a compris que pour exister, il faudra franchir la ligne jaune, et si possible en appuyant à fond sur le klaxon. On imagine déjà avec gourmandise Pierre Moscovici se triturant la cervelle au Flore, à la recherche de la formule magique qui va lui permettre de déborder sur sa droite ce butor de Valls: la privatisation immédiate de la Poste? Le retour aux quatre semaines de congés payés ? Le gouvernement unique européen et le fédéralisme joyeux à l’horizon 2015?

Quant à ceux qui ne peuvent pas doubler Valls sur sa droite, mais pas trop à gauche non plus, parce qu’il veulent gouverner le PS au centre, on est déjà plus inquiet pour eux, mais pas tant que ça. On fait confiance à François Hollande, Arnaud Montebourg et, naturellement, à Ségolène Royal pour faire suer leurs think tanks et trouver la dissonance miraculeuse avec la ligne du parti, celle qui vous ouvre illico les portes de Roselmack ou Elkabbach. On souhaitera au passage que Benoît Hamon (qui passe déjà, probablement à tort, pour psychorigide vu qu’il est porte-parole officiel du parti) ne s’inscrive pas à son tour à ce concours de qui sort la plus grosse…

Quoi qu’il en soit, on va bien s’amuser en attendant la déclaration des candidatures en juin et le point d’orgue de la Rochelle fin août, où je souhaite d’avance bon courage aux militants de base qui viennent habituellement serrer des mains, boire des coups sur le port et claquer des bises aux leaders socialistes sans distinction de chapelle. Ça risque d’être rien un plus crispé, un rien encore plus bordélique cette année, m’est avis qu’il n’y aura pas de care dans l’air.
Pour revenir à nos vœux, et j’en profite au passage pour vous faire les miens, Jean Marc Ayrault est un garçon mesuré, et donc le sentir, dès le 5 janvier, si agacé par la tournure des événements, rendrait triste même le plus cynique des journalistes politiques. Comme si la gauche, qui a pu croire pendant deux heures que la présidentielle c’était tout cuit, venait de se rendre compte qu’elle va tout faire pour gâcher ses propres chances, avant même de commencer le combat. Et sans que Sarkozy, ni Mélenchon, ni Marine le Pen, ni Eva Joly ne puissent être rendus responsables de quoi que ce soit…



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est journaliste

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