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Vancouver : allez jouer sans moi !


Vancouver : allez jouer sans moi !

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Histoire de passer à la postérité avant même les premières glissades, les organisateurs des JO d’hiver de Vancouver nous avaient promis « les Jeux les plus verts jamais tenus ». Résultat c’est un ballet incessant de camions et d’hélicos qui transbahutent la neige artificielle en haut des pistes : à l’arrivée, c’est l’hypocrisie qui atteint des sommets. Et pour tout dire, il n’y a pas que le bilan carbone qui soit globalement négatif, et il n’y a pas que les Jeux olympiques pour provoquer un frisson désagréable dans l’échine, là ou nous serions en droit d’en attendre juste le contraire. Car c’est bien parce que j’aime le sport que ces grosses machines me révulsent.

C’est parce que j’aime bien le foot que les scènes de haine, d’appels au meurtre et d’hystérie nationaliste collective qui ont entouré les matches entre l’Egypte et l’Algérie m’ont donné la nausée, et je ne vous parle même pas des tirs à balles réelles lors de la Coupe d’Afrique des nations contre les supporters togolais. Que croyez-vous qu’il arriva ? Ce fut le Togo que la FIFA sanctionna.

Je pourrais aussi vous parler du Tour de France, dont on nous promet chaque année depuis 20 ans qu’il sera « enfin propre ». Ou des docteurs Feelgood, dont la clientèle dépasse depuis longtemps les cyclistes belges ou les haltérophiles bulgares. Des sportifs qui passent plus de temps chez leur conseiller fiscal qu’en salle d’entraînement. On pourrait aussi causer des choix épatants du CIO pour les sites olympiques : un coup pour récompenser les gentils (Londres, Vancouver) un coup pour respectabiliser les méchants (Pékin, Sotchi). On pourrait encore évoquer les townships du Cap et de Johannesburg, réaménagés au bulldozer et au rouleau compresseur, histoire de ne pas polluer avec des loqueteux les retransmissions du prochain Mondial. Ce que l’apartheid n’avait jamais osé faire, la World Cup l’autorise dans l’indifférence générale. Magie du sport, du foot et de la mondovision. Je gâche l’ambiance en disant ça ? Tant mieux ! Et ce ne sont pas quelques médailles françaises qui me feront changer d’avis, non mais !

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume du sport de haut niveau, qui n’aura jamais aussi peu mérité cette appellation. Car ce dont il s’agit, avec ces grand-messes coproduites en joint-venture par les Etats et les multinationales, c’est de tirer l’humain vers ce qu’il a de plus bas. Haut niveau ? De performances parfois, d’abrutissement toujours…

Au temps du Portugal de Salazar, on disait que pour museler le peuple, il y avait bien plus efficace que l’omniprésente police politique, à savoir les trois F : Fado, Fatima, Football. Chez nous, en Occident, ces temps-là sont révolus. Un peu partout ailleurs, le degré zéro de la démocratie reste la norme standard. Mais ici comme là-bas, le contrôle des esprits est un enjeu majeur. Les grandes fêtes du sport, c’est toujours plus d’aveuglement, de chauvinisme, de beaufitude.

L’hypnose de masse, c’est du tout bon pour le business et les tyranneaux. Et comme aurait dû le dire Pierre de Coubertin, l’important, c’est de ne pas y participer.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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