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Vaincre le terrorisme international ? Fastoche !


Vaincre le terrorisme international ? Fastoche !

La défaite du terrorisme global ne signifie pas sa disparition au niveau local: les attentats-suicides, qui sont la marque de fabrique du combat jihadiste moderne sont largement utilisés en Irak, en Afghanistan et même en Algérie. Ils ont ensanglanté Israël pendant sept ans jusqu’à ce que l’échec de la « militarisation de l’Intifada » voulue par Arafat soit reconnu, même si c’est à demi-mot, par ses successeurs. Mais ces méthodes sont désormais celles de groupes et organisations qui entendent s’emparer de la rente accaparée par des régimes corrompus assurant leur domination par un clientélisme ethnique, religieux, ou bénéficiant à une oligarchie militaire. C’est le cas des milices chiites irakiennes qui veulent leur revanche sur les tribus sunnites saddamistes et la plus grosse part des revenus pétroliers, des talibans afghans qui entendent reconquérir le marché des narcodollars, du Hezbollah libanais et de son patron syrien qui revendiquent leur part des richesses du pays des Cèdres concentrées dans les mains des clans sunnites et chrétiens, du Hamas qui veut mettre la main sur la principale rente de l’Autorité palestinienne, l’aide internationale. C’est le cas également de Al Qaïda Maghreb dont l’objectif est de se substituer à la caste politico-militaire qui s’engraisse depuis près d’un demi-siècle de la rente pétrolière saharienne. Le défi global s’est mué en une multiplicité de classiques affrontements régionaux, voire micro-régionaux.

Les contempteurs des interventions armées en Irak et en Afghanistan font souvent référence aux conflits du passé, notamment ceux engendrés par la décolonisation. Le slogan guevariste « El pueblo unido mas sera vincido ! », braillé par les cohortes protestataires des manifestations altemondialistes, menace, encore aujourd’hui, d’un sort funeste toutes les forces armées « impérialistes » qui se risquent à vouloir entraver la marche triomphale des peuples vers leur émancipation. Outre qu’il est difficile d’apercevoir des « peuples unis » dans les mêlées sanglantes du Proche et Moyen Orient, on a encore plus de mal à déceler un projet émancipateur à vocation universelle dans les proclamation jihadistes.

Il était stupide de prétendre, comme l’a fait l’administration de Georges W. Bush, instaurer la démocratie en Irak et en Afghanistan dans la foulée d’une intervention armée destinée à renverser des tyrans qui abritaient, armaient et finançaient le terrorisme. Mais le coût relatif, humain et financier de ces interventions est infiniment moins pesant que ne le furent, en leur temps la guerre d’Algérie pour la France des années cinquante et la guerre du Vietnam pour les Etats-Unis des années soixante-dix. L’armée professionnelle a remplacé la conscription, et les milliards de dollars évoqués par les économistes pacifistes comme Joseph Stiglitz ne représentent, en pourcentage du PIB des pays concernés, qu’une fraction bien inférieure à celle qu’engloutissaient les conflits d’antan. Le rapport coût-efficacité de ces interventions n’est pas si mauvais, surtout si l’on essaie d’évaluer ce qu’auraient été les conséquences d’une abstention. Si les sondages d’opinion font de plus en plus état, dans les démocraties, d’une lassitude devant la perpétuation de la présence militaire armée en Irak ou en Afghanistan, où sont les grands mouvements populaires d’opposition à ceux qui les conduisent ? Les cortèges antiaméricains sont de plus en plus squelettiques à travers l’Europe. Aux Etats-Unis même, la pré-campagne électorale n’a pas fait surgir le puissant mouvement pacifiste qui contraignit la Maison Blanche et le Congrès à se retirer en catastrophe du Vietnam.

La démoralisation de l’Occident, trop engourdi par ses richesses et amolli par l’hédonisme individualiste paraissait inéluctable aux stratèges jihadistes.

C’est raté, pour l’instant. Et ce n’est pas faire montre de présomption tartarinesque que de le constater pour s’en réjouir. Le monde, malgré qu’en aient les prophètes de malheur, est plus sûr aujourd’hui qu’il y a dix ans. Le nouveau défi, celui lancé par l’Iran, en dépit des discours de Mahmoud Ahmadinejad, reste dans le cadre d’une conception clausewitzienne de la conflictualité, qui le rend rationnellement soluble, par la guerre ou la diplomatie. Mais cela est une autre histoire.

Juillet 2008 · N°1

Article extrait du Magazine Causeur



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