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Que serait l’Obs sans les « néo fachos » ?


Que serait l’Obs sans les « néo fachos » ?

Le Nouvel Obs dénonce les néo fachos comme Causeur

La nature est répétition écrivait Chesterton. Le soleil se lève chaque jour, la marée monte et redescend, les oiseaux migrent chaque année (sauf chez Oscar Wilde) et les feuilles tombent des arbres à chaque rentrée. La grande presse aussi est répétition mais Chesterton n’aurait sans doute écrit là-dessus que pour s’en désoler, pour en rire ou faire rire. Selon un cycle immuable, L’Express ou Le Nouvel Obs, pour citer ces deux titres emblématiques de la « grande presse à l’américaine », comme on disait dans les années cinquante, réclament à date fixe le marronnier de l’été ou de la rentrée. Ainsi la ménagère de plus de cinquante ans et le retraité éclairé, qui constituent la plus grande part du public du Nouvel Observateur, peuvent-ils constater le retour rassurant et régulier des thèmes fétiches des deux magazines : les franc-maçons (leur histoire, comment ils ont installé leur pouvoir, etc.), le dossier sur l’immobilier (bien investir, les prix à la baisse, ne manquez pas notre dossier spécial : « Comment racheter le XIXe et foutre les classes populaires dehors tout en continuant à se dire de gauche »…), les salaires des cadres, et bien sûr le « Comment bronzer intelligent de l’été ».

Depuis peu, Le Nouvel Observateur semble avoir laissé pousser une branche supplémentaire sur le marronnier en proposant le thème ultra-récurrent du retour des « nouveaux réacs », de la « nébuleuse brune » et de l’amicale des fachos réunis s’attaquant à l’antiracisme et aux gentils journalistes qui pensent que se prétendre de gauche suffit à vous assurer une respectabilité morale éternelle. On sent cependant que nos braves plumitifs ne sont pas encore très bien rodés. L’exercice est nouveau, le journaliste du Nouvel Obs manie avec plus de facilité la crème à bronzer et le cliché estival que la plume destinée à faire semblant de débattre avec ses nouveaux adversaires. Pour Renaud Dély par exemple, auteur d’une charge contre les « néofachos » et la réacosphère qui se voudrait pertinente et acide, on sent que ça n’est pas évident : ça patine, ça ronronne, ça pontifie. Bref, à lire les réflexions éclairées du journaliste sur cette « nébuleuse […] sorte d’amicale brune, reflet de l’air du temps » (quinousrappellelesheureslesplussombresdenotrehistoire ?), on s’ennuie ferme et on a l’impression de retrouver le bon vieux dossier sur les franc-macs adaptée à l’actualité avec un type un peu plus énervé que d’habitude derrière sa plume. Tous les clichés habituels y passent : « élucubrations aux saillies poujadistes », « solidarité de réprouvés »… avec bien sûr l’inévitable mention des victimes innocentes des infâmes néofachos : « les musulmans et les bobos bien-pensants ». C’est vrai que les premiers faisaient de parfaites victimes lundi dernier en hurlant « Allah Akhbar » et « Mort aux juifs » face à l’ambassade américaine cible de leur courroux. Mais le véritable danger pour la démocratie, le pluralisme et le thé de cinq heures reste, ne l’oublions pas, ces ignobles réactionnaires sont si méchants avec leur ennemi juré : le bobo bien-pensant. On peut rassurer Renaud Dély, le bobo bien-pensant n’est pas si exécrable que cela, il est seulement méprisable et, bien que son agitation actuelle dans la presse le rende incontournable, on peut parfaitement ignorer sa très pathétique existence.

Cette fois, le ton du Nouvel Obs a changé par rapport aux marronniers habituels. On lit entre les lignes agressives de Renaud Dély une panique à peine contenue. L’heure est grave, la publication de l’Éloge littéraire d’Anders Breivik aura décidément traumatisée cette grande presse consensuelle qui ronronnait d’aise jusque-là depuis la victoire hollandienne. Les réactions complétement aberrantes du monde arabe à la diffusion du navet Innocence of Muslims et les vociférations meurtrières de la troupe de cinglés réunis sur les Champs-Elysées risqueraient-elles de laisser penser que Millet a appuyé là où ça fait mal ? Ou les malheureux salariés de ce journal pour retraités de gauche auraient-ils peur qu’une part grandissante de l’opinion finisse par se rendre compte qu’ils ne servent à rien ?

Du coup, les auteurs du « dossier » du Nouvel Obs en font des tonnes. Dans cette nébuleuse d’extrême droite qu’ils fantasment, ils jettent pêle-mêle Millet, Camus, Soral, Lévy, Finkielkraut, Buisson, Stormfront, Raspail, Zemmour et Rioufol. En matière d’associations délirantes, les auteurs de l’arbre généalogique du fascisme à la française ont l’imagination aussi fertile qu’Anders Breivik lui-même. Et si la caricature est aussi ridicule que d’habitude, la calomnie et la menace viennent largement assaisonner le fiel du discours. Peu soucieuse de faire dans la nuance, la caution universitaire de service, Gisèle Sapiro, n’hésite pas à comparer tous ces intellectuels réactionnaires aux fascistes et aux nazis des années trente et à faire appel à Walter Benjamin, qui n’avait rien demandé à personne, pour dénoncer une nouvelle « entreprise d’esthétisation de la politique » comparable à celle des régimes totalitaires. Quant à Renaud Dély, il n’hésite pas à qualifier le journal Causeur d’ « officine de blanchiment d’idées sales ». La dernière partie du dossier qui dénonce l’omniprésence de la « fachosphère » sur internet laisse le mot de la fin à Yannick Cahuzac , « spécialiste de l’extrême-droite sur internet », nous apprend-t-on, « qui souhaite la multiplication des outils de vérification de l’information » et martèle pour finir : « Il faut de la pédagogie, beaucoup de pédagogie. »

Au vu de la très haute qualité journalistique du dossier du Nouvel Obs et du ton vitupérant qui y domine, on voit bien quelle sorte de pédagogie pourrait tenter cette gauche bien-pensante qui semble être en train de perdre les pédales.

*Image : Le Nouvel Observateur



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