Protestants: querelles de paroisses autour du mariage gay


Protestants: querelles de paroisses autour du mariage gay

protestants mariage gay

La décision a défrayé la presse profane : « Les protestants disent oui au mariage gay. » Ce 17 mai 2015, à Sète, le synode de l’Église protestante unie de France a permis la bénédiction des couples de même sexe, après un vote à la quasi-unanimité. Clin d’œil de la Providence ou calcul de communication, la décision fut prise à la date de la Journée mondiale contre l’homophobie. La bonne nouvelle à peine connue, une question surgissait de toutes parts : quand les catholiques, si rétrogrades, allaient-ils se décider à imiter ce geste d’ouverture protestant ? L’âne papiste allait-il enfin suivre le coq parpaillot ?

Pourtant, cette décision n’allait pas de soi. Au sein même de l’Église protestante unie, beaucoup estiment que bénir les couples de même sexe va à l’encontre de la Bible. Or, l’attachement à l’Écriture, Sola Scriptura (l’Écriture seule), est un principe fondateur historique de la Réforme protestante. De nombreuses paroisses ont donc désapprouvé la décision synodale.[access capability= »lire_inedits »] C’est le cas du temple du Marais, à Paris. L’un de ses pasteurs, Gilles Boucomont, est un énergique prédicateur qui a fait de sa paroisse un lieu actif d’accueil et d’évangélisation. Et il ne fait pas mystère de son opposition au mariage gay. Son église est pourtant connue pour être fréquentée par pas mal d’homosexuels. « Il faut croire que l’agenda de François Hollande s’est imposé à l’Église », lâche-t-il, à la fois ironique et fataliste. Il dénonce les pressions, exercées au prétexte de suivre les évolutions de la société : « La décision de bénir des couples de même sexe a été prise au nom de l’éthique, mais d’une éthique déracinée de ce qui la sous-tend, la foi chrétienne, et la croyance dans la Bible. » Pour Boucomont, le fait d’avoir ignoré les passages bibliques relatifs à l’homosexualité est totalement contradictoire avec la Sola Scriptura protestante : « Il faut évidemment lire le texte avec distance, mais entre lapider les homosexuels, et prétendre que toutes les formes de conjugalité sont équivalentes, il y a un équilibre à tenir, à la fois ferme et plein de respect. » Au fond, estime le pasteur, la bénédiction des couples de même sexe est un symptôme supplémentaire du relativisme dominant : « En laissant la liberté aux pasteurs de célébrer ou non ces mariages, l’Église ne tranche pas. Elle affirme qu’il n’y a aucun problème avec l’homosexualité, mais reconnaît que cela en pose pour beaucoup. Nous sommes en plein dans le paradoxe interne du relativisme, qui s’auto-discrédite. » Le pasteur du Marais redoute que ce relativisme entraîne une dilution du christianisme dans un humanisme flexible.

Les protestants représentent entre 3 et 4 % de la population française. Le courant protestant « historique », luthérien et réformé (calviniste), incarné par l’Église protestante unie, est en déclin numérique. Environ 300 000 personnes se rattachent à elle, et la décision synodale de bénir les couples de même sexe a révélé ses divisions, entre une majorité de plus en plus libérale, et une minorité confessante. Le cas de la paroisse du Marais prouve que cette minorité est pourtant très dynamique.

À côté de l’Église protestante unie, entre 700 000 et 1 million de protestants français sont membres des Églises évangéliques : une myriade de communautés en pleine expansion, qui sont bien loin des débats qui agitent les luthéro-réformés. Pour elles, pas question d’admettre la bénédiction des couples homosexuels. Nous nous retrouvons à l’Église évangélique baptiste de la rue de Sèvres, dans le VIIe arrondissement de Paris, que fréquentent  de nombreux jeunes, étudiants et professionnels, de toutes situations sociales. Cette communauté se rattache à la tradition anabaptiste piétiste du xviie siècle, qui se distinguait par le baptême des adultes, signe d’une foi choisie personnellement. C’est ce courant qui a donné naissance aux évangéliques que nous connaissons.

D’après Matthieu Sanders, l’un des trois pasteurs de l’Église de la rue de Sèvres, la décision des luthéro-réformés n’a pas suscité de remous dans sa communauté. En réalité, le fossé qui sépare les évangéliques baptistes des autres protestants était déjà large. « Ce n’est pas en emboîtant systématiquement le pas à l’air du temps que l’Église attirera de nouveaux fidèles. Si c’est le relativisme bien-pensant de notre temps qu’on recherche, nul besoin d’aller le chercher à l’Église. On le trouvera à peu près partout ailleurs»

L’exigence de Matthieu Sanders et de ses fidèles s’explique notamment par l’importance qu’ils attachent au texte biblique. Le pasteur se garde cependant de jouer les boutefeux : « Cela ne signifie pas non plus que l’Église ait vocation à être une force de réaction ou d’opposition systématique. Elle a plutôt à interpeller le monde au nom d’une espérance qui la dépasse, qui ne se laisse enfermer ni par des traditions rigides ni par un prétendu progressisme sociétal qui se résume à démonter soigneusement toute notion de transcendance et à abolir toutes les limites. » Reste alors à traiter la difficile question posée par l’homosexualité. Le pasteur Sanders ne l’esquive pas : « Il faut reconnaître que nous, chrétiens, avons longtemps péché – au sens fort du terme – dans ce domaine. L’Église est infidèle à sa vocation lorsqu’elle stigmatise ou méprise les homosexuels. » Pour autant, précise-t-il, sa communauté croit fermement que la complémentarité entre un homme et une femme n’est pas simplement une option sexuelle majoritaire, mais une structuration essentielle de l’humanité, voulue par Dieu.

Pour Matthieu Sanders, c’est précisément la fermeté des évangéliques, dans tous les domaines, qui explique leur dynamisme. La quête de sens et de radicalité qui se dégage de la société libérale, atomisée et désabusée, trouverait plus de réponses chez ces prosélytes que dans le protestantisme libéral. « Il n’y a aujourd’hui aucune raison d’être chrétien en France, à moins de croire que cela change vraiment la vie », affirme-t-il. Une conviction qu’il se fait fort de partager, y compris avec certains catholiques, chez lesquels il observe un renouveau : « L’Église catholique, qui devient minoritaire, devient également une Église de ‘‘professants’’, c’est-à-dire une Église dont les membres sont engagés à titre personnel : c’est précisément la conception de l’Église selon les évangéliques. » Dans la République réputée sécularisée jusqu’à la moelle, un réveil chrétien serait-il possible ?[/access]

feminisme fourest lahaie

Également en version numérique avec notre application :

*Photo : Pascal Guyot

Juillet-Aout 2015 #26

Article extrait du Magazine Causeur



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Règlement de comptes à Pouff’s Corral
Article suivant Avocats: feu le secret professionnel

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération